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La médiation au risque de la complexité : le point sur le cadre juridique et les dernières précisions du Conseil d'Etat relatives à la confidentialité et au caractère suspensif de la médiation devant les juridictions administratives (Conseil d'Etat, 13 novembre 2023, n°471898 et 14 novembre 2023, n°475648)

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Si la médiation est encouragée par le législateur mais aussi par le juge, elle n'est pas sans risques pour les parties qui l'engagent ou l'acceptent. Par une décision n°471898 du 13 novembre 2023 et un avis n°475648 du 14 novembre 2023, le Conseil d'Etat a apporté d'importantes précisions relatives à la procédure - de plus en plus complexe - de médiation devant les juridictions administratives. Une procédure qui fait l'objet d'un nombre croissant de règles et d'une jurisprudence de plus en plus fournie au risque de réduire son intérêt qui tenait notamment, à sa souplesse d'organisation, à sa grande confidentialité et à sa célérité. Il est donc indispensable de bien connaître l'ensemble des exigences applicables à la procédure de médiation avant de s'y engager et, sans doute aussi, de bien définir ses conditions d'organisation. L'occasion de faire le point sur le cadre juridique de cette procédure sans doute encore mal connue et sur les dernières précisions apportées par le Conseil d'Etat. Analyse.

Résumé

1. Le régime juridique actuel de la procédure de médiation devant les juridictions administratives procède, principalement, de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle (article 5 V), du décret n° 2017-566 du 18 avril 2017 relatif à la médiation dans les litiges relevant de la compétence du juge administratif, de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire et du décret n° 2022-433 du 25 mars 2022 relatif à la procédure de médiation préalable obligatoire applicable à certains litiges de la fonction publique et à certains litiges sociaux.

2. Par une décision n°471898 rendue ce 13 novembre 2023, le Conseil d'État a précisé qu'une demande de médiation n'interrompt pas le délai de saisine du juge du référé-suspension en matière d'urbanisme.

3. Par un avis n°475648 rendu ce 14 novembre 2023, le Conseil d'Etat s'est prononcé, principalement, sur la liste des informations échangées lors d'une procédure de médiation qui doivent demeurer confidentielles.

4. L'évolution du droit positif et de la jurisprudence administrative témoigne d'une complexité croissante de la procédure de médiation devant les juridictions administratives, au risque d'en réduire l'intérêt.

Commentaire général  : la médiation au risque de la complexité du droit

L'intérêt des parties au procès administratif pour la procédure a sans doute plusieurs causes. Le caractère obligatoire - dans un certain nombre de cas - de la saisine du médiateur préalablement à la formation d'un recours devant le juge administratif peut constituer l'une de ces causes. Toutefois, le succès de la médiation procède sans doute aussi de ce qu'elle était, jusqu'à une date récente, peu encadrée. Elle faisait l'objet d'un nombre de règles très réduit et son organisation dépendait largement de l'accord des parties. Enfin, outre cette souplesse, il était généralement admis que toutes les informations échangées dans le cadre de la procédure de médiation devaient rester demeurer confidentielles. 

La procédure de médiation est devenue, progressivement plus complexe et, principalement depuis l'entrée en vigueur de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle,  l'objet d'un nombre croissant de règles. La procédure se complexifie et son maniement, non seulement n'est plus aussi souple mais ne dépend plus de la seule volonté des parties qui tentent de résoudre à l'amiable un litige. A son tour, la jurisprudence s'enrichit de décisions relatives au sens et à la portée de ces règles de procédure. 

Une décision et un avis rendus récemment par le Conseil d'État témoignent de cette évolution. A la suite de la décision n°471898 rendue ce 13 novembre 2023 par la Haute juridiction administrative, les parties devront faire très attention à l'articulation de la procédure de médiation et de celle du référé-suspension. L'organisation d'une médiation pourra en effet avoir pour effet de priver le requérant de la possibilité de déposer une requête en référé-suspension. 

L'avis n°475648 rendu ce 14 novembre 2023 par le Conseil d'Etat produit des conséquences plus importantes qui pourraient avoir pour effet de créer une certaine méfiance à l'endroit de la médiation. Ce n'est pas l'avis lui-même mais bien le droit qu'il interprète qui est en cause. Aux termes de cet avis, il apparaît en effet que les parties doivent être très vigilantes quant à la liste des informations - notamment les rapports d'expertise - qui resteront effectivement confidentielles. Elles auront sans doute intérêt à formaliser par écrit un accord pour, notamment, déterminer les informations devant rester confidentielles. La rédaction de cet accord lui-même devra sans doute être réalisée entre avocat pour demeurer elle aussi soumise au secret. Reste que cette rédaction préalable d'un accord de confidentialité, si elle contribuera à la sécurité juridique des parties, pourra nuire à la souplesse et à la célérité de la médiation. Et donc à son intérêt.

Commentaire détaillé

I. Le cadre juridique de la médiation devant les juridictions administratives

Le régime juridique actuel de la procédure de médiation devant les juridictions administratives procède, principalement

- de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle (article 5 V) et du décret n° 2017-566 du 18 avril 2017 relatif à la médiation dans les litiges relevant de la compétence du juge administratif.

- de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire et du décret n° 2022-433 du 25 mars 2022 relatif à la procédure de médiation préalable obligatoire applicable à certains litiges de la fonction publique et à certains litiges sociaux.

Les catégories de procédures de médiation. Il est tout d'abord possible de distinguer les procédures de médiation devant les juridictions administratives en fonction de la juridiction compétente pour organiser ladite médiation. Il convient alors de distinguer 

Cette deuxième catégorie comprend à son tour deux sous-catégories de procédures de médiation entre les parties à un litige relevant ou susceptible de relever de la compétence de la juridiction administrative : 

  • La médiation hors de toute procédure juridictionnelle (articles L.213-5 et L.213-6 du code de justice administrative)
  • La médiation en cours de procédure juridictionnelle articles L.213-7 à L.213-10 du code de justice administrative)
  • La médiation préalable obligatoire avant une procédure juridictionnelle (articles L.213-11 à L.213-14 du code de justice administrative)

A notre sens, si la section 2 du chapitre III ('la médiation") du Titre Ier du Livre II de la partie législative du code de justice administrative est intitulée "Médiation à l'initiative des parties", ce titre est sans doute imparfait car il comporte en réalité plusieurs articles décrivant la procédure de médiation hors de toute procédure juridictionnelle. La section 3 qui suit a, elle, trait à la médiation au cours de la procédure juridictionnelle, laquelle peut être proposée également par une ou plusieurs parties. Le critère tiré de l'initiative des parties n'est peut-être pas le plus pertinent pour distinguer les procédures détaillées par le code de justice administrative. Le critère tiré du dépôt d'un recours devant le juge administratif apparaît, en pratique, plus adapté. 

Enfin, il faut mentionner deux procédures spéciales de médiation suivantes  :

  • la médiation dans le cadre de l'action de groupe (articles L77-10-16 à L77-10-17 du code de justice administrative).
  • la médiation confiée à un expert désigné avant-dire droit (article R.621-1 du code de justice administrative) : "La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. L'expert peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre l'initiative, avec l'accord des parties, d'une telle médiation. Si une médiation est engagée, il en informe la juridiction. Sous réserve des exceptions prévues par l'article L. 213-2, l'expert remet son rapport d'expertise sans pouvoir faire état, sauf accord des parties, des constatations et déclarations ayant eu lieu durant la médiation."
A. Dispositions communes

Définition. Aux termes de l'article L.213-1 du code de justice administrative, "La médiation régie par le présent chapitre s'entend de tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction." Il convient d'ores et déjà de relever les éléments clés de cette définition : 
  • L'objet de la médiation : la médiation correspond à une tentative de recherche d'un accord entre les parties. Cette tentative peut bien entendu ne pas aboutir. Par ailleurs, la médiation porte sur tout ou partie d'un litige (article R213-1 du code de justice administrative).
  • Les parties à la médiation : la médiation est organisée par deux ou plusieurs parties qui ont un différend et avec l'aide d'un tiers, le médiateur.

Le médiateur. Il est choisi par les parties ou désigné, avec leur accord, par la juridiction (article L.213-1 du code de justice administrative). Il accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence (article L.213-2 du code de justice administrative).

Le médiateur peut être une personne physique ou morale : "La médiation peut être confiée à une personne physique ou à une personne morale. Si le médiateur désigné est une personne morale, son représentant légal désigne la ou les personnes physiques qui assureront, au sein de celle-ci et en son nom, l'exécution de la mission" (article R.213-2 CJA).

Si le médiateur est une personne physique, il doit justifier des références suivantes : "La personne physique qui assure la mission de médiation doit posséder, par l'exercice présent ou passé d'une activité, la qualification requise eu égard à la nature du litige. Elle doit en outre justifier, selon le cas, d'une formation ou d'une expérience adaptée à la pratique de la médiation" (article R213-3 CJA).

La désignation du médiateur doit correspondre aux exigences du principe d'impartialité. Ainsi "(...) le principe d'impartialité s'oppose à ce qu'un magistrat administratif choisi ou désigné comme médiateur, en application de l'article L.213-1 du code de justice administrative, participe à la formation de jugement chargée de trancher le différend soumis à la médiation ou conclue comme rapporteur public sur celui-ci. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour administrative d'appel de Paris a annulé pour irrégularité le jugement du 16 mai 2019 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie au motif qu'un magistrat de ce tribunal avait exercé successivement les fonctions de médiateur et de rapporteur public dans l'affaire en cause." (cf. CE, 29 décembre 2022, n°459673).

Les parties. Le code de justice administrative donne peu d'indications sur les parties à la médiation. Outre le fait que ces parties ont un "différend" et tentent de parvenir à un accord pour sa résolution amiable, l'article R. 213-3-1 du code de justice administrative dispose qu'elles peuvent être assistées devant le médiateur par toute personne de leur choix.

Toutes les parties à un litige, ce compris l'Etat, doivent être d'accord pour une médiation pour que celle-ci puisse être engagée (cf. CAA Bordeaux, 25 juin 2019, n°17BX00358 ; CAA Marseille, 9 juillet 2021, n°19MA05509 ; CAA Lyon, 20 février 2020, n°17LY01994 ; CAA Lyon, 20 février 2020, n°17LY01995). Si une partie au procès ne fait pas explicitement part de son accord, la médiation ne peut pas être engagée (cf. CAA Marseille, 9 juillet 2021, n°19MA02465).

La confidentialité de la médiation. Elle est de principe (article L.213-2 CJA). En conséquence, les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance juridictionnelle ou arbitrale sans l'accord des parties.Ce principe est assorti de deux exceptions.

  • La première exception procède d'un accord entre les parties, lesquelles peuvent donc, au début de la procédure de médiation, s'entendre sur la liste des actes, documents et déclarations qui devront ou non rester confidentiels.
  • La deuxième exception est détaillée au deuxième alinéa de l'article L.213-2 CJA. Lequel précise qu'il est fait exception au principe de confidentialité dans les deux cas suivants :
    • 1° En présence de raisons impérieuses d'ordre public ou de motifs liés à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ou à l'intégrité physique ou psychologique d'une personne ;
    • 2° Lorsque la révélation de l'existence ou la divulgation du contenu de l'accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre.

L'accord de médiation. Le code de justice administrative comporte les deux précisions suivantes sur le contenu et la portée de cet accord.

  • Sur le contenu de l'accord : "L'accord auquel parviennent les parties ne peut porter atteinte à des droits dont elles n'ont pas la libre disposition" (article L213-3 CJA)
  • Sur la portée de l'accord homologué : "Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut, dans tous les cas où un processus de médiation a été engagé en application du présent chapitre, homologuer et donner force exécutoire à l'accord issu de la médiation" (article L213-3 CJA) Il convient de souligner que l'homologation demeure une possibilité pour la juridiction.  

Si l'article L.213-1 du code de justice administrative n'impose pas aux parties de conclure une médiation par une transaction au sens de l'article L.2044 du code civil, le juge administratif qui est saisi d'une demande d'homologation d'une transaction concrétisant un accord de médiation "doit encore examiner si celle-ci répond aux exigences fixées par le code civil et par le code des relations entre le public et l'administration" (cf. CAA Marseille, 11 juillet 2022, n°21MA01483).

Les parties peuvent toutefois qualifier elles-mêmes de transactionnel leur accord. Le juge administratif peut donc refuser d'homologuer un accord qui, dans ce cas, n'est pas conformés aux exigences de l'article 2048 du code civil. La cour administrative d'appel de Bordeaux, en formation plénière, a ainsi jugé :

"7. Lorsque le juge est saisi d'une demande d'homologation d'un accord de médiation, il lui appartient d'appliquer les dispositions du code de justice administrative propres à ce type d'accord en s'assurant de l'accord de volonté des parties, de ce que celles-ci n'ont pas porté atteinte à des droits dont elles n'auraient pas eu la libre disposition et de ce que l'accord ne contrevient pas à l'ordre public ni n'accorde de libéralité. Les dispositions de l'article L. 213-1 du code de justice administrative n'imposent pas aux parties de conclure une médiation par une transaction au sens de l'article 2044 du code civil. Toutefois, lorsqu'il est saisi d'une demande d'homologation d'une transaction concrétisant un accord de médiation, le juge doit encore examiner si celle-ci répond aux exigences fixées par le code civil et par le code des relations entre le public et l'administration.

8. En l'espèce, il résulte de l'examen de l'ensemble des stipulations de cet avenant, au demeurant qualifié de transactionnel par les parties elles-mêmes en son point 10, que celles-ci ont entendu donner un caractère transactionnel à l'accord auquel elles sont parvenues et qui a pris la forme d'un avenant au contrat qui les lie. Par suite, Bordeaux Métropole n'est pas fondée à soutenir que cet avenant ne serait pas régi par les dispositions du code civil relatives aux transactions et, en particulier, par celles de l'article 2048 de ce code." (cf. CAA Bordeaux, plen. 30 décembre 2019, n°19BX03235).

B. Dispositions particulières

1. La médiation hors de toute procédure juridictionnelle (médiation à l'initiative des parties)

L'organisation de la médiation avec ou sans le juge. Lorsque la médiation est organisée hors de toute procédure juridictionnelle, le concours du juge administratif peut ou non être sollicité par les parties à un litige qui n'a pas encore été formalisé par le dépôt d'un recours. Ces parties peuvent ainsi organiser une procédure de médiation, soit elles-mêmes, soit en demandant le concours du juge administratif (article L.213-5 CJA). 

- Si les parties décident d'organiser elles-même cette médiation, elles désigneront alors la ou les personnes qui en sont chargées.

- Si les parties décident de solliciter le concours du juge, elles devront alors demander au président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel territorialement compétent :

  • soit d'organiser une mission de médiation et de désigner la ou les personnes qui en sont chargées
  • soit de désigner la ou les personnes qui sont chargées d'une mission de médiation qu'elles ont elles-mêmes organisée.

Dans le cas où le juge est sollicité pour organiser la médiation, il peut la confier à un membre de sa juridiction ou à une personne extérieure. En outre, il détermine s'il y a lieu d'en prévoir la rémunération et fixe le montant de celle-ci. A noter : les décisions prises par le président de la juridiction ou son délégataire en application de l'article L213-5 CJA ne sont pas susceptibles de recours.

Les effets de la décision d'organisation d'une médiation. L'article L.213-6 CJA distingue les deux conséquences suivantes : 

  • D'une part, l'organisation d'une médiation a pour effet d'interrompre les délais de recours contentieux et de suspendre les (délais de) prescriptions : "Les délais de recours contentieux sont interrompus et les prescriptions sont suspendues à compter du jour où, après la survenance d'un différend, les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut d'écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation."
  • D'autre part, l'article précité dispose que ces délais"recommencent  à courir" après le terme de la médiation : "Ils recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur déclarent que la médiation est terminée. Les délais de prescription recommencent à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois."

Il est important de souligner : 

  • que le point de départ de la procédure de médiation est ici arrêté : soit à la date de la décision, soit, à défaut d'écrit, à la date de la première réunion de médiation. 
  • que le terme de la procédure de médiation correspond : soit à la date à laquelle une ou plusieurs parties déclarent que la médiation est terminée, soit à la date à laquelle le médiateur procède à une telle déclaration.
A noter également : si le délai de recours contentieux a été interrompu une première fois par l'organisation d'une médiation, il ne peut l'être de nouveau par l'exercice d'un recours gracieux ou hiérarchique. L'article R.213-4 du code de justice administrative dispose en effet : "Par dérogation à l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration, lorsque, en application de l'article L.213-6 du présent code, le délai de recours contentieux a été interrompu par l'organisation d'une médiation, l'exercice d'un recours gracieux ou hiérarchique ne l'interrompt pas de nouveau, sauf s'il constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux."

2. La médiation en cours de procédure juridictionnelle (médiation à l'initiative du juge)

Particularité. La médiation en cours de procédure juridictionnelle se distingue de la première dés lors qu'elle est organisée "Lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel est saisi d'un litige". A noter: Les décisions prises par le juge en application des articles L. 213-7 et L. 213-8 du code de justice administrative, relatifs à la médiation en cours de procédure juridictionnelle, ne sont pas susceptibles de recours (article L213-10 CJA).

L'initiative de la médiation. L'article L.213-7 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel est saisi d'un litige, le président de la formation de jugement peut, après avoir obtenu l'accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci.

L'effet de l'acceptation de la médiation par une partie. L'accord du requérant à la proposition de médiation présentée par le juge administratif a pour effet de confirmer la volonté du requérant de maintenir son requête au fond, après le rejet de sa requête en référé-suspension. L'article R. 612-5-2 du code de justice administrative exige en effet du requérant dont le référé suspension, présenté sur le fondement de l'article L. 521-1 du même code, a été rejeté pour absence de moyen propre à créer, en l'état, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, qu'il confirme, sauf si un pourvoi en cassation est formé, le maintien de sa requête au fond dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance de rejet rendue par le juge des référés. La cour administrative d'appel de Lyon juge que pour l'application de ces dispositions si, dans ce délai, le requérant donne suite à une proposition de médiation qui lui est faite par la juridiction en application de l'article L. 213-7 de ce code, son acception vaut confirmation du maintien de sa requête au fond. (cf. CAA Lyon, 11 octobre 2022, Commune de Francheville, n° 20LY01383)

Le financement de la médiation. L'article L213-8 du code de justice administrative comporte les dispositions suivantes : 
  • Lorsque la mission de médiation est confiée à une personne extérieure à la juridiction, le juge détermine s'il y a lieu d'en prévoir la rémunération et fixe le montant de celle-ci.
  • Lorsque les frais de la médiation sont à la charge des parties, celles-ci déterminent librement entre elles leur répartition. A défaut d'accord, ces frais sont répartis à parts égales, à moins que le juge n'estime qu'une telle répartition est inéquitable au regard de la situation économique des parties.
  • Lorsque l'aide juridictionnelle a été accordée à l'une des parties, la répartition de la charge des frais de la médiation est établie selon les règles prévues au troisième alinéa du présent article. Les frais incombant à la partie bénéficiaire de l'aide juridictionnelle sont à la charge de l'Etat, sous réserve de l'article 50 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
  • Le juge fixe le montant de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur et désigne la ou les parties qui consigneront la provision dans le délai qu'il détermine. La désignation du médiateur est caduque à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis. L'instance est alors poursuivie.

L'issue de la médiation. Au terme de la médiation, le médiateur informe le juge de ce que les parties sont ou non parvenues à un accord (article L213-9 CJA).

D. La médiation préalable obligatoire avant une procédure juridictionnelle

Le régime juridique de la médiation préalable obligatoire procède des articles L.213-11 à L.213-14 du code de justice administrative et du décret n° 2022-433 du 25 mars 2022 relatif à la procédure de médiation préalable obligatoire applicable à certains litiges de la fonction publique et à certains litiges sociaux.

Les cas de médiation préalable obligatoire. Les recours formés contre des décisions individuelles qui concernent la situation de personnes physiques peuvent relever d'une obligation d'engagement d'une médiation préalable obligatoire. La liste des recours qui doivent être précédés d'une médiation préalable obligatoire est établie par décret en Conseil d'Etat (article L.213-11 du code de justice administrative).

L'article 2 du décret n° 2022-433 du 25 mars 2022 relatif à la procédure de médiation préalable obligatoire applicable à certains litiges de la fonction publique et à certains litiges sociaux comporte une liste des recours qui doivent être précédés d'une médiation préalable, à peine d'irrecevabilité. Il s'agit des recours formés par les agents publics à l'encontre des décisions administratives suivantes :

  1. Décisions administratives individuelles défavorables relatives à l'un des éléments de rémunération mentionnés à l'article L. 712-1 du code général de la fonction publique ;
  2. Refus de détachement ou de placement en disponibilité et, pour les agents contractuels, refus de congés non rémunérés prévus aux articles 20, 22, 23 et 33-2 du décret du 17 janvier 1986 susvisé et 15, 17, 18 et 35-2 du décret du 15 février 1988 susvisé ;
  3. Décisions administratives individuelles défavorables relatives à la réintégration à l'issue d'un détachement, d'un placement en disponibilité ou d'un congé parental ou relatives au réemploi d'un agent contractuel à l'issue d'un congé mentionné au 2° du présent article ;
  4. Décisions administratives individuelles défavorables relatives au classement de l'agent à l'issue d'un avancement de grade ou d'un changement de corps ou cadre d'emploi obtenu par promotion interne ;
  5. Décisions administratives individuelles défavorables relatives à la formation professionnelle tout au long de la vie ;
  6. Décisions administratives individuelles défavorables relatives aux mesures appropriées prises par les employeurs publics à l'égard des travailleurs handicapés en application des articles L. 131-8 et L. 131-10 du code général de la fonction publique ;
  7. Décisions administratives individuelles défavorables concernant l'aménagement des conditions de travail des fonctionnaires qui ne sont plus en mesure d'exercer leurs fonctions dans les conditions prévues par les décrets du 30 novembre 1984 et du 30 septembre 1985 susvisés.
Par ailleurs, l'article 5 du décret n°2022-433 du 25 mars 2022 prévoit, à l'article 5312-47 du code du travail, plusieurs cas de médiation préalable obligatoire avant les recours contentieux formés contre les décisions individuelles suivantes prises par Pôle emploi et relevant du champ de compétence du juge administratif :
  1. Les décisions prises en application des délibérations du conseil d'administration de Pôle emploi mentionnées au 2° de l'article R. 5312-6 ;
  2. Les décisions relatives à la cessation d'inscription sur les liste des demandeurs d'emploi ou au changement de catégorie mentionnées à l'article R. 5411-18 ;
  3. Les décisions de radiation de la liste des demandeurs d'emploi, prévues aux articles L. 5412-1 et L. 5412-2 ;
  4. Les décisions de suppression du revenu de remplacement, prévues à l'article L. 5426-2 ;
  5. Les décisions relatives à la pénalité administrative mentionnée à l'article L. 5426-5 ;
  6. Les décisions relatives au remboursement des allocations, aides, ainsi que toute autre prestation indument versées mentionnées à l'article L. 5426-8-1 ;
  7. Les décisions prises pour le compte de l'Etat relatives : a) Aux allocations destinées aux jeunes s'engageant dans un parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie prévues aux articles L. 5131-5 et L. 5131-6 ; b) A l'allocation de solidarité spécifique prévue aux articles L. 5423-1 à L. 5423-3 ; c) Aux allocations de solidarité mentionnées à l'article L. 5424-21 servies aux intermittents du spectacle ; d) A l'aide à la création ou à la reprise d'entreprise prévue au II de l'article 136 de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 de finances pour 1997.

Le délai de saisine du médiateur d'une demande de médiation préalable obligatoire. Cette saisine doit être réalisée dans le délai de recours contentieux prévu à l'article R. 421-1 CJA, majoré, le cas échéant, dans les conditions prévues à l'article R. 421-7 CJA. La lettre de saisine du médiateur est accompagnée de la décision contestée ou, lorsque celle-ci est implicite, d'une copie de la demande et de l'accusé de réception ayant fait naître cette décision (article R.213-10 CJA). Toutefois, si le délai de recours contentieux ne court pas, le délai de saisine du médiateur ne court pas non plus :"La notification de la décision ou l'accusé de réception prévu à l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration mentionne cette obligation et indique les coordonnées du médiateur compétent. A défaut, le délai de recours contentieux ne court pas à l'encontre de la décision litigieuse" (article R.213-10 CJA).

La suspension du délai de recours contentieux. La saisine du médiateur a pour conséquence d'interrompre le délai de recours contentieux et de suspendre les délais de prescription. Au terme de la médiation ces délais recommencent à courir. Ce terme correspond à "la date à laquelle soit l'une des parties, soit les deux, soit le médiateur déclarent, de façon non équivoque et par tout moyen permettant d'en attester la connaissance par l'ensemble des parties, que la médiation est terminée" (article L213-13 CJA). A noter : lorsque le Défenseur des droits est saisi dans son champ de compétences d'une réclamation relative à une décision concernée par la médiation préalable obligatoire, cette saisine entraîne les mêmes effets que la saisine du médiateur compétent au titre de l'article L. 213-11 précité (article L213-14 CJA). Cette règle relative à la suspension des délais de recours et de prescriptions est confirmée dans la partie réglementaire du code de justice administrative. La saisine du médiateur compétent interrompt le délai de recours contentieux et suspend les délais de prescription dans les conditions prévues à l'article L. 213-13 CJA. La réclamation auprès du Défenseur des droits, lorsqu'elle est faite dans les conditions prévues à l'article L. 213-14, produit les mêmes effets (article R. 213-11 CJA). 

A noter : la tentative de médiation ne doit pas être conçue comme un simple formalité. Le fait de saisir un médiateur compétent, dans un cas de médiation préalable obligatoire, puis d'y faire échec en y mettant un terme quatre jours plus tard, a pour effet de rendre irrecevable le recours contentieux formé ensuite : 

"4. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la présente requête, par laquelle Mme A conteste sa radiation de la liste des demandeurs d'emploi, devait être précédée d'une médiation préalable obligatoire assurée par le médiateur de Pôle emploi de la région Ile-de-France. Il résulte de l'instruction que si la requérante a saisi le médiateur compétent le 31 décembre 2022, avant de présenter sa requête, elle a mis un terme à ce processus dès le 4 janvier 2023, faisant ainsi échec à la médiation préalable obligatoire. Dès lors, sa requête, qui n'a pas été précédée d'une tentative de médiation, est irrecevable et doit être rejetée. Le dossier sera transmis au médiateur de Pôle emploi de la région Ile-de-France." (cf. Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 1er septembre 2023, Mme A., n°2300043).

La sanction du défaut d'engagement d'une médiation préalable obligatoire. Les recours qui ont été formés sans médiation préalable obligatoire sont irrecevables (article L.213-11 du code de justice administrative). Toutefois, cette règle a été "tempérée" par voie réglementaire. En effet, lorsque le recours contentieux a été engagé sans médiation préalable obligatoire mais que le délai de recours contentieux court encore : dans ce cas, le juge administratif doit rejeter le recours et transmettre le dossier au médiateur compétent (article R213-12 CJA). Il est important de relever que le délai de recours contentieux à l'intérieur duquel doit être engagée la médiation préalable lorsqu'elle est obligatorie, ne peut être lui-même interrompu par l'exercice d'un recours gracieux ou hiérarchique après la médiation n'interrompt pas de nouveau le délai de recours (article R213-13 CJA).

III. Les précisions apportées par le Conseil d'Etat

Par une décision n°471898 rendue ce 13 novembre 2023, le Conseil d'État a précisé qu'une demande de médiation n'interrompt pas le délai de saisine du juge du référé-suspension en matière d'urbanisme. Par un avis n°475648 rendu ce 14 novembre 2023, le Conseil d'Etat s'est prononcé, principalement, sur la liste des informations échangées lors d'une procédure de médiation et qui doivent demeurer confidentielles.

A. Les précisions relatives à la confidentialité des documents produits à l'occasion d'une médiation

Par un avis n°475648 rendu ce 14 novembre 2023, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur le contenu et le champ d'application de l'obligation de la confidentialité des données échangées lors d'une procédure de médiation. 

A titre liminaire, il convient de rappeler que la confidentialité de la médiation est de principe (article L.213-2 CJA). En conséquence, les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance juridictionnelle ou arbitrale sans l'accord des parties.Ce principe est assorti de deux exceptions.

  • La première exception procède d'un accord entre les parties, lesquelles peuvent donc, au début de la procédure de médiation, s'entendre sur la liste des actes, documents et déclarations qui devront ou non rester confidentiels.
  • La deuxième exception est détaillée au deuxième alinéa de l'article L.213-2 CJA. Lequel précise qu'il est fait exception au principe de confidentialité dans les deux cas suivants :
    • 1° En présence de raisons impérieuses d'ordre public ou de motifs liés à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ou à l'intégrité physique ou psychologique d'une personne ;
    • 2° Lorsque la révélation de l'existence ou la divulgation du contenu de l'accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre.

L'avis rendu ce 14 novembre 2023 précise le sens et la portée des termes de l'article L.213-2 du code de justice administrative.

1. Sur le sens de l'obligation de confidentialité

Le sens de l'obligation de confidentialité réside dans l'interdiction faite aux parties à une médiation : 
  • soit de "divulguer à des tiers" ces "actes, documents ou déclarations"
  • soit de les "invoquer ou de les produire" dans le cadre d'une instance juridictionnelle. 

La distinction ici opérée entre l'invocation et la production d'une pièce au cours d'une instance juridictionnelle est importante. Une partie souhaitant porter une information confidentielle à la connaissance du juge administratif pourrait être tentée de la communiquer à un tiers - un journaliste par exemple - pour que ce dernier en assure la révélation - la "déconfidentialisation" à sa place. Or, dans une telle hypothèse, le juge administratif devra alors écarter la seule invocation par une partie d'un document qui aurait dû demeurer confidentiel. 

2. Sur le champ d'application de l'obligation de confidentialité

L'obligation de confidentialité porte sur les "actes, documents ou déclarations" qui sont intervenus lors d'une procédure de médiation. 

Les informations confidentielles. L'avis précise tout d'abord quelles sont les informations qui doivent demeurer confidentielles : les actes, documents ou déclarations, émanant du médiateur ou des parties, qui comportent des propositions, demandes ou prises de position formulées en vue de la résolution amiable du litige par la médiation. La situation est toutefois complexe pour les motifs suivants :
  • D'une part, ces actes, documents ou déclarations peuvent ne pas rester confidentiels en cas d'accord entre les parties ou s'ils correspondent à l'une des exceptions mentionnées à l'article L.213-2 du code de justice administrative.
  • D'autre part, la confidentialité de ces informations n'est pas fonction d'un critère formel (des catégories de pièces) mais d'un critère matériel : il faudra, pièce par pièce, vérifier si celle-ci comporte ou non des informations confidentielles. 

L'avis du Conseil d'Etat précise : "2. En vertu des dispositions de l'article L. 213-2 du code de justice administrative, ne doivent demeurer confidentielles, sauf accord contraire des parties et sous réserve des exceptions prévues par cet article, sans pouvoir être divulguées à des tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance juridictionnelle, que les seules constatations du médiateur et déclarations des parties recueillies au cours de la médiation, c'est-à-dire les actes, documents ou déclarations, émanant du médiateur ou des parties, qui comportent des propositions, demandes ou prises de position formulées en vue de la résolution amiable du litige par la médiation."

Les informations non confidentielles. Aux termes de l'avis ici commenté, les informations qui ne sont pas couvertes par le principe de confidentialité analysé au point 2 de la décision, ne sont - logiquement - pas confidentielles. Elles peuvent donc être invoquées ou produites devant le juge administratif : "3. En revanche, les dispositions de l'article L. 213-2 ne font pas obstacle à ce que soient invoqués ou produits devant le juge administratif d'autres documents, émanant notamment de tiers, alors même qu'ils auraient été établis ou produits dans le cadre de la médiation. Tel est en particulier le cas pour des documents procédant à des constatations factuelles ou à des analyses techniques établis par un tiers expert à la demande du médiateur ou à l'initiative des parties dans le cadre de la médiation, dans toute la mesure où ces documents ne font pas état des positions avancées par le médiateur ou les parties en vue de la résolution du litige dans le cadre de la médiation.

Le Conseil d'Etat ne s'est bien sûr pas borné à préciser que les informations qui ne sont pas confidentielles peuvent être invoquées ou produites devant le juge administratif. Ce point 3 de la décision permet de souligner l'intérêt qui s'attache à ce que les informations suivantes ne soient pas confidentielles : 

  • les documents émanant de tiers ;
  • les documents de tiers experts, c'est à-dire-ceux "procédant à des constatations factuelles ou à des analyses techniques établis par un tiers expert à la demande du médiateur ou à l'initiative des parties dans le cadre de la médiation, dans toute la mesure où ces documents ne font pas état des positions avancées par le médiateur ou les parties en vue de la résolution du litige dans le cadre de la médiation"

Cette solution, sans doute conforme à une lecture stricte du droit positif, créé cependant le risque d'une réduction de l'intérêt d'un recours à la médiation. Une partie pourra hésiter à accepter qu'une expertise soit réalisée dans ce cadre avec le risque que ses conclusions ne soient portées à la connaissance du juge. Les parties à une médiation organisée sur le fondement des dispositions précitées du code de justice administrative pourraient donc se sentir moins libres de produire tout document ou toute expertise. Ce qui aurait alors pour effet de rendre plus délicate la résolution amiable du différend.

La conséquence du caractère confidentiel des pièces échangées lors d'une médiation. Aux termes de l'avis ici commenté du Conseil d'Etat, une pièce confidentielle ne peut être invoquée ou produite devant le juge administratif, sauf si les parties donnent leur accord : "4. Les pièces devant demeurer confidentielles en vertu de l'article L. 213-2 du code de justice administrative ne peuvent être invoquées ou produites dans le cadre d'une instance devant le juge administratif qu'à la condition que les parties aient donné leur accord ou que leur utilisation relève d'une des exceptions prévues à cet article. A défaut, le juge ne saurait fonder son appréciation sur de telles pièces. En revanche, les autres pièces peuvent être invoquées ou produites devant le juge administratif et ce dernier peut les prendre en compte pour statuer sur le litige porté devant lui, dans le respect du caractère contradictoire de l'instruction." On soulignera de nouveau l'importance que cet avis confère à l'accord des parties.

Le cas particulier de la confidentialité de la médiation confiée à un expert. L'avis rendu ce 14 novembre 2023 par le Conseil d'Etat précise le contenu du principe de confidentialité en cas de médiation engagée sur le fondement de l'article R.621-1 du code de justice administrative : les documents retraçant les propositions, demandes ou prises de position de l'expert ou des parties, formulées dans le cadre de la mission de médiation doivent demeurer confidentiels (sauf accord des parties) : "5. Dans le cas particulier où le juge administratif ordonne avant dire droit une expertise et où l'expert, conformément à ce que prévoient les dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, se voit confier une mission de médiation, doivent, de même, demeurer confidentiels les documents retraçant les propositions, demandes ou prises de position de l'expert ou des parties, formulées dans le cadre de la mission de médiation en vue de la résolution amiable du litige. Il appartient alors à l'expert, ainsi que le prévoit l'article R. 621-1, de remettre à la juridiction un rapport d'expertise ne faisant pas état, sauf accord des parties, des constatations et déclarations ayant eu lieu durant la médiation."

B. Les précisions relatives au défaut de suspension du délai de saisine du juge du référé-suspension en matière d'urbanisme en cas d'organisation d'une médiation

Par une décision n°471898 rendue ce 13 novembre 2023, le Conseil d'État a précisé qu'une demande de médiation n'interrompt pas le délai de saisine du juge du référé-suspension en matière d'urbanisme.

Le délai du référé-suspension en matière d'urbanisme. Aux termes des articles L. 600-3 et R. 600-5 du code de l'urbanisme, une demande de suspension, en référé, de l'exécution d'une autorisation d'urbanisme ne peut être déposée devant le juge administratif que dans le délai fixé pour la cristallisation des moyens devant le juge du fond. 

Aux termes de l'article L.600-3 précité : "Un recours dirigé contre une décision de non-opposition à déclaration préalable ou contre un permis de construire, d'aménager ou de démolir ne peut être assorti d'une requête en référé suspension que jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort (...)". Pour le Conseil d'Etat, "Par ces dispositions, le législateur a entendu enserrer dans des délais particuliers la possibilité d'assortir une requête en annulation d'une autorisation d'urbanisme, telle qu'un permis d'aménager, d'une demande de suspension de l'exécution de cet acte, pour ne pas ralentir de façon excessive la réalisation du projet autorisé par ce permis."

La question posée au Conseil d'Etat dans la présente affaire était de savoir si ce délai de référé-suspension en matière d'urbanisme - lequel correspond au délai de cristallisation des moyens - peut être interrompu en raison de l'engagement d'une procédure de médiation 

L'article L.213-6 du code de justice administrative précise que l'engagement d'une procédure de médiation a pour effet d'interrompre les délais de recours contentieux : "Les délais de recours contentieux sont interrompus et les prescriptions sont suspendues à compter du jour où, après la survenance d'un différend, les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut d'écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation." Faut-il réduire la catégorie "délais de recours contentieux" au seul délai de saisine du juge du fond ou faut-il l'élargir au délai de saisine du juge du référé-suspension ? La deuxième option revient, sans doute, à contraindre les requérants à choisir entre l'engagement d'une procédure de médiation et le dépôt d'une requête en référé-suspension. La deuxième option revient à priver de portée la règle inscrite à l'article L.600-3 du code de justice selon laquelle la demande de suspension doit être présentée avant la date de cristallisation des moyens soutenus devant le juge du fond. 

L'absence d'interruption du délai du référé-suspension en matière d'urbanisme en cas de médiation. Pour le Conseil d'Etat, la médiation ne peut interrompre le délai à l'intérieur duquel l'auteur d'un recours contre une autorisation d'urbanisme peut déposer une requête en référé-suspension :

"Il résulte de la lecture combinée des dispositions citées aux points 3 et 4 que le législateur n'a pas entendu conférer à la médiation organisée à l'initiative du juge un effet interruptif du délai fixé par l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme pour saisir le juge des référés sur le fondement de l'article L 521-1 du code de justice administrative. Il s'ensuit qu'en jugeant que la mise en œuvre, à l'initiative du juge, d'une médiation n'avait pu avoir pour effet, ni sur le fondement de l'article L. 213-6 du code de justice administrative, ni sur celui d'aucun principe général du droit, d'interrompre le délai institué par l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme pour la saisine du juge du référé afin d'obtenir la suspension de l'exécution du permis d'aménager contesté, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes n'a pas entaché son ordonnance d'erreur de droit."

Aux termes de cette décision décision n°471898 rendue ce 13 novembre 2023, l'engagement d'une médiation n'interrompt pas le délai de saisine du juge du référé-suspension en matière d'urbanisme. Cette solution est très certainement la plus conforme à une lecture stricte du droit positif et notre cabinet l'a, au demeurant déjà défendue au contentieux.

En pratique, cette solution devrait, notamment, produire les effets suivants.

  • D'une part, si le juge du fond souhaite proposer aux parties d'engager une médiation, il lui faudra renoncer à décider d'une cristallisation des moyens ;
  • D'autre part, les parties devront choisir entre le dépôt d'une requête en référé-suspension et l'engagement d'une médiation (qu'elles auront proposé ou accepté). 

Les parties pourront toutefois choisir de déposer rapidement une demande de référé-suspension - à l'intérieur du délai de cristallisation des moyens - puis présenter une proposition de médiation au juge du référé lui-même. Demande qui sera sans doute présenté à titre subsidiaire pour ne pas fragiliser la preuve de l'urgence à statuer mais qui peut, dans certains dossiers, permettre une solution rapide.  Il convient en outre de souligner que l'expression par une partie, au cours d'une procédure de référé-suspension, de son accord pour une médiation, est - en principe - sans effet sur l'appréciation de l'urgence par le juge administratif (cf. CE, 7 novembre 2019, n°431146).

Arnaud Gossement

avocat et professeur associé à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne

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