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ICPE : l'exploitant sans titre est responsable d'un dépôt illégal de déchets même s'il a signé un contrat avec le propriétaire, lequel bénéficiait de son activité (Conseil d'Etat, 30 juin 2023, n°452669)

Conseil-dEtat-Fotolia
Par une décision n°452669 du 30 juin 2023, le Conseil d'Etat a jugé que l'exploitant sans titre d'une installation non autorisée de stockage de déchets est une personne "intéressée" au sens des dispositions de l'article L.171-7 du code de l'environnement. L'autorité administrative compétente est en donc en droit de le mettre en demeure de régulariser sa situation, même si 1) cet exploitant sans titre a signé un contrat avec le propriétaire de la parcelle aux termes duquel ce dernier devait remblayer lesdits déchets et 2) ce propriétaire a bénéficié de cette activité illégale de dépôts de déchets sur son terrain. Analyse. 
I. Faits et procédure

A compter de 2006 : la société R., qui a pour activité le recyclage et la vente de matériaux issus du bâtiment et des travaux publics, a entreposé sur une parcelle de la commune de V. des déchets inertes de travaux, après avoir signé avec M. A..., propriétaire de la parcelle et la société O., une convention aux termes de laquelle elle était autorisée à entreposer ces déchets, la société O. étant chargée de la mise en forme des remblais. 

5 janvier 2015 : à la suite de la mise en liquidation judiciaire de la société O., la société R. a passé  une nouvelle convention avec M. A..., autorisant cette société à poursuivre l'entreposage des déchets, M. A... assurant la mise en forme des remblais. 

22 décembre 2016 : lors d'une visite, l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) a constaté que ce terrain constituait un lieu de stockage de déchets inertes soumis à enregistrement. 

16 janvier 2017 : le préfet du Rhône a mis en demeure la société R. de suspendre immédiatement ses activités de stockage de déchets inertes et d'affouillements de sol sur la parcelle, et de régulariser sa situation administrative.

18 mars 2021 : arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel de la société R contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 16 janvier 2017.

II. Commentaire

La mise en demeure de la personne "intéressée". La question de droit posée au Conseil d'Etat était relative au contenu de la notion de "personne intéressée" au sens des dispositions de l'article L.171-7 du code de l'environnement. Pour mémoire, cet article dispose qu'en cas d'exploitation sans autorisation d'une installation, l'autorité administrative met en demeure "l'intéressé" de régulariser sa situation :

"Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application des dispositions du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an."

L'exploitant sans titre d'une installation est une personne "intéressée" même si 1) il a signé une contrat avec le propriétaire et 2) que ce dernier bénéficie de l'activité. Au cas d'espèce, la société R. a exploité une ICPE non autorisée (enregistrée). Elle réalisait une activité de dépôt et de stockage de déchets sur une parcelle appartenant à M.A. La société R. avait signé un contrat avec ce contrat avec ce propriétaire pour qu'il procède au remblaiement des déchets.

"5. Pour rejeter la requête de la société R., la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, a relevé que cette société réalisait sur la parcelle une activité de dépôt et de stockage de déchets inertes soumise à enregistrement en application de la rubrique 2760 de la nomenclature des installations classées annexée à l'article R. 511-9 du code de l'environnement, sans avoir enregistré cette activité. En en déduisant que cette société pouvait être regardée comme une personne " intéressée " au sens de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, nonobstant la circonstance que le propriétaire de la parcelle, M. A..., avec qui elle avait signé un contrat pour le stockage et le traitement des déchets inertes en cause, était titulaire d'une autorisation de procéder à des travaux de remblaiement, délivrée en application des articles L. 442-1 et suivants du code de l'urbanisme dans leur version alors applicable, et bénéficierait à ce titre de l'activité exercée par la société sur sa parcelle, la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits de l'espèce." (nous soulignons). 

Cette décision appelle les observations suivantes. 

  • Le contrat de droit privé n'est pas opposable à l'administration. En premier lieu, elle est cohérente avec la règle, constamment confirmée par la jurisprudence administrative, selon laquelle un contrat de droit privé n'est pas opposable à l'autorité administrative. Au cas présent, la société R. ne peut donc se prévaloir du contrat signé avec le propriétaire de la parcelle sur laquelle étaient entreposés les déchets en cause. Et ce, alors que ce contrat prévoyait bien que le propriétaire devait procéder au remblaiement des déchets. 
  • Le bénéfice du propriétaire est sans incidence sur l'identification de la personne intéressée. En deuxième lieu, le Conseil d'Etat juge que le fait que le propriétaire puisse tirer un bénéfice de l'activité non autorisée est sans incidence sur l'identification de la personne intéressée au sens des dispositions de l'article L.171-7 du code de l'environnement. L'exploitant sans titre de l'activité de dépôt de déchets a été, à bon droit, mis en demeure par l'administration de régulariser sa situation.

Il est prudent de ne pas déduire de cette décision que le propriétaire du terrain sur lequel des déchets ont été entreposés ne pourrait jamais être responsable de leur élimination. 

La présente décision du 30 juin 2023 du Conseil d'Etat intéresse en effet une décision fondée sur l'article L.171-7 du code de l'environnement. 

Il convient de rappeler qu'au titre de la police des déchets, le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés des déchets peut, en l'absence de détenteur connu de ces déchets, être regardé comme leur détenteur au sens de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, notamment s'il a fait preuve de négligence à l'égard d'abandons sur son terrain.(cf. Conseil d'Etat, 26 juillet 2011, n°328651).

Arnaud Gossement

avocat et professeur associé à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne




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