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Energies renouvelables : analyse du décret n°2023-1245 du 22 décembre 2023 relatif au comité de projet

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Le Gouvernement a publié, au journal officiel du 24 décembre 2023, le décret du 22 décembre 2023 relatif au comité de projet prévu à l'article L.211-9 du code de l'énergie. Ce décret précise les conditions de mise en place des comités de projet pour les projets d'installations de production d'énergies renouvelables, hors des zones d'accélération et dépassant un certain seuil. Cette nouvelle obligation de constituer un comité de projet a été créée par la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Une nouvelle réforme dont l'objet exact n'est pas précisé en droit positif et qui ne contribue sans doute pas à la simplification du droit. Si la rédaction du décret publié ce 24 septembre est plus simple que celle du projet de décret soumis à consultation publique, elle continue de comporter plusieurs imprécisions. [NB : actualisation le 26 décembre 2023 de la note publiée le 6 septembre 2023].

Ce décret a été élaboré pour l'application de l'article L.211-9 du code de l'énergie. Pour mémoire, l'article L.211-9 du code de l'énergie a été créé par l'article 16 de la loi "APER" n°2023-175 du 10 mars 2023. Cet article créé une nouvelle procédure à la charge des porteurs de projets de production d'énergie renouvelable : ils doivent réunir un "comité de projet", avant toute autorisation administrative, si ledit projet n'est pas situé dans une "zone d'accélération". Pour l'heure, aucune zone d'accélération n'a encore été créée.

I. La création de l'obligation de réunion d'un comité de projet

Le nouvel article L.211-9 du code de l'énergie. L'obligation de réunir un comité de projet a été inscrite à l'article L.211-9 du code de l'énergie, lequel est ainsi rédigé :"Sans préjudice de l'article L. 181-28-2 du code de l'environnement, le porteur d'un projet d'énergies renouvelables d'une puissance installée supérieure ou égale à un seuil, dépendant du type d'énergie utilisée, et situé en dehors d'une zone d'accélération définie en application de l'article L. 141-5-3 du présent code organise un comité de projet, à ses frais. Ce comité de projet inclut les différentes parties prenantes concernées par le projet, notamment les communes et les établissements publics de coopération intercommunale dont elles sont membres, ainsi que les représentants des communes limitrophes. / Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat, notamment pour ce qui concerne les seuils de puissance installée mentionnés au premier alinéa."

Le décret ici commenté a complété par une section 2 le chapitre unique du titre Ier du livre II du code de l'énergie relative au comité de projet. Un nouvel article R. 211-5 a précisé, qu'en application de l'article L .211-9 du code, le comité de projet « assure une concertation préalable des parties prenantes mentionnées à l'article R. 211-7 sur la faisabilité et les conditions d'intégration dans le territoire des projets d'installation de production d'énergies renouvelables".

Entrée en vigueur. Une certaine confusion a pu exister quant à la date d'entrée en vigueur de cette nouvelle obligation de réunion d'un comité de projet. 

Aux termes du II de l'article 16 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, ces dispositions législatives relatives au comité de projet sont applicables aux projets pour lesquels une demande d'autorisation est déposée plus de six mois après la promulgation de ladite loi : "II.-Le I est applicable aux projets dont la demande d'autorisation est déposée plus de six mois après la promulgation de la présente loi". L'obligation de réunir un comité de projet en amont du dépôt de toute demande d'autorisation administrative requise pour la construction et l'exploitation d'une installation de production d'énergie renouvelable est donc entrée en vigueur le 10 septembre 2023

Le projet de décret d'application, dont la consultation publique a été organisée en septembre 2023, prévoyait - de manière assez complexe - que la nouvelle obligation de réunion d'un comité de projet entre en vigueur à compter du 10 septembre 2023. 

Toutefois, l'article 2 du décret n°2023-1245 du 22 décembre 2023, publié ce 24 décembre 2023, dispose : Le présent décret entre en vigueur six mois après sa publication au Journal officiel de la République française./ Ses dispositions ne sont pas applicables aux projets dont la première demande d'autorisation a été déposée avant son entrée en vigueur." Ainsi, aux termes de ce décret, il semble que l'obligation de réunion d'un comité de projet n'entre pas en vigueur avant le 24 juin 2024. Le décret diffère en ce sens du projet de décret qui prévoyait un délai plus court, de deux mois.

A l'arrivée, un débat risque de naître sur la date exacte d'entrée en vigueur de l'obligation de réunion d'un comité de projet. Toutefois, à notre sens, le II de l'article 16 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 peut être interprété en ce sens que, si l'obligation de réunion doit naître après le 10 septembre 2023, la loi ne précise pas qu'elle est née dés le 10 septembre 2023. En ce sens, le décret d'application peut prévoir une date d'entrée en vigueur postérieure au 10 septembre 2023, comme le fait le décret n°2023-1245 du 22 décembre 2023.

La suppression des dérogations à l'obligation de réunion d'un comité de projet. Le projet de décret prévoyait deux dérogations, au bénéfice des projets d'hydroélectricité et pour les projets situés dans les départements ou des instances de concertation existent. Ces exceptions n'ont pas été reprises dans le décret.

II. L'objet incertain du comité de projet

L'article L.211-9 précité du code de l'énergie ne précise pas l'objet exact du comité de projet. La lecture des travaux parlementaires préalables au vote de la loi n°2023-175 du 10 mars 2023 ne permet pas davantage d'identifier les motifs exacts pour lesquels le Parlement a jugé nécessaire de créer cette nouvelle procédure de consultation qui vient compliquer encore la procédure d'autorisation des projets de production d'énergie renouvelable.

Si le projet de décret comportait des précisions quant à l'objectif de ces comités, à savoir « d'ouvrir un espace de dialogue entre les porteurs de projets et les différentes parties prenantes concernées par le projet, notamment les communes et les établissements publics de coopération intercommunale dont elles sont membres, ainsi que les représentants des communes limitrophes, pour échanger sur les projets en cours de définition », ces précisions n'ont pas été reprises par le décret adopté. Les objectifs de ces comités n'ont ainsi pas été codifiés et demeurent donc incertains.

En l'état des informations dont nous disposons, ce comité de projet pourrait avoir pour objet - non précisé en droit positif - de permettre au porteur de projet d'améliorer son projet pour en accroître l'acceptabilité. Reste que cette nouvelle obligation procédurale ne contribue pas à la simplification du droit des énergies renouvelables et comporte sa part de nouveaux risques juridiques.

III. Les projets concernés par l'obligation de réunir un comité de projet

L'article L.211-9 du code de l'énergie donne peu de précisions quant aux installations concernées par cette nouvelle obligation procédurale. Le décret a listé les installations concernées par le nouvel article R. 211-6: "Art. R. 211-6. - Constituent des installations de production d'énergies renouvelables, au sens de la présente section :
1° Les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent soumises à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées définie à l'annexe à l'article R. 511-9 du code de l'environnement ;
2° Les installations solaires photovoltaïques mentionnées à la rubrique 30 de l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, d'une puissance supérieure à 2,5 MWc ;
3° Les installations de combustion de biomasse soumises à autorisation au titre de la rubrique 3110 de la nomenclature des installations classées ;
4° Les installations de méthanisation soumises à autorisation au titre des rubriques 2781 ou 3532 de la nomenclature des installations classées ;
5° Les installations de géothermie définies au premier alinéa de l'article L. 112-1 du code minier qui relèvent du régime de l'autorisation prévu par l'article L. 162-3 du même code ;
6° Les installations hydrauliques placées sous le régime de la concession mentionné à l'article L. 511-5 du présent code ;
7° Les installations de production d'énergie renouvelable en mer faisant l'objet d'une procédure de mise en concurrence prévue à l'article L. 311-10 du présent code. »

Cette liste diffère du projet de décret sur plusieurs points :

- Le projet de décret visait les installations solaires photovoltaïques d'une puissance de 3,5 MWc. Le décret adopté retient finalement le seuil de puissance de 2,5 MWc et élargit ainsi le champ des installations concernées par cette nouvelle obligation.
- Le projet de décret visait les installations hydrauliques dont la puissance maximale brute est supérieure à 4,5 MW. Le décret ne mentionne plus cette puissance mais fait état de toutes les installations hydrauliques placées sous le régime de la concession.

- Le décret ajoute dans la liste les installations de production d'énergie renouvelable en mer faisant l'objet d'une procédure de mise en concurrence. Le projet de décret faisait état de ces installations mais renvoyait au cahier des charges de la procédure.

Il convient de souligner que, pour l'heure, aucune zone d'accélération n'a encore été identifiée. Tous les porteurs de projets doivent donc s'assurer du respect de cette obligation procédurale.

IV. La composition du comité de projet

Le comité de projet est composé de trois catégories de personnes :

- Les membres de droit qui doivent être obligatoirement conviés.

- Les membres qui figurent sur une liste pré établie et qui peuvent être conviés par les collectivités territoriales membres de droit.

- Les membres qui peuvent être invités par certains membres de droit.

A noter : le décret prévoit un représentant pour chaque institution et ne précise pas si l'invitation de certaines personnes peut ou non être contestée par d'autres participants.

A. Les membres de droit

Aux termes de l'article R. 211-7 du code, le comité de projet est composé des personnes suivantes :

1° Pour les projets d'installations mentionnées aux 1° à 6° de l'article R. 211-6 :

a) Du porteur de projet ;

b) D'un représentant de chaque commune d'implantation du projet d'installation de production d'énergies renouvelables ;

c) D'un représentant de chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont les communes mentionnées au b sont membres ;

d) Lorsque l'installation relève de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, d'un représentant de chaque commune dont une partie du territoire est située à une distance, prise à partir du périmètre de l'installation, inférieure au rayon d'affichage fixé dans la nomenclature des installations classées pour la rubrique dont l'installation relève ;
e) Lorsque l'installation ne relève pas de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, d'un représentant de chaque commune limitrophe des communes d'implantation du projet.

Si le projet de décret laissait penser qu'un même comité pouvait être organisé pour l'autorisation de plusieurs installations composant un même projet, cette ambiguïté a disparu du décret. Les rédacteurs font désormais état d'un seul projet.

Le comité de projet pour une installation de production en mer a une composition particulière.

B. Les membres figurant sur une liste qui peuvent être invités par les collectivités membres

Le décret créé un article R. 211-8 qui prévoit que peuvent être invités à participer au comité de projet :

- Le Préfet ou son représentant ;

- Un représentant du gestionnaire de réseau public de distribution concerné ;

- Un représentant du gestionnaire de réseau public de transport d'énergie concerné.

C. Les membres qui peuvent être invités à la demande de certains membres de droit

Le décret prévoit que d'autres parties intéressées peuvent être invitées à participer à ce comité par les membres listés aux a à c du 1° de l'article R. 211-7. Ces membres de droit qui peuvent inviter d'autres "parties intéressées" sont donc les suivants : le porteur de projet ; le représentant de chaque commune d'implantation du projet ; le représentant de chaque établissement public dont les communes concernées sont membres.

Il convient de nouveau de souligner que le projet ne précise pas comment ces invitations sont réalisées et acceptées. Le texte n'indique pas ce qui peut se passer si la qualité de "partie intéressée" est contestée par une autre partie.

V. La réunion du comité de projet

Le projet de décret faisait état de trois réunions : 

- une première réunion qui avait a pour objet une présentation, par le porteur de projet, d'une liste d'éléments caractéristiques de ce dernier ;

- une deuxième réunion qui avait pour objet de permettre au porteur de projet de "répondre aux recommandations et points de vigilance formulés par le comité de projet" ; 

- une troisième et dernière réunion était possible, dans l'année qui suivait la mise en exploitation de l'installation.

Le décret adopté ne précise plus le nombre de réunions mais indique que : "Le comité de projet se réunit avant le dépôt de la première demande d'autorisation du projet afin de débattre de la faisabilité et des conditions d'intégration dans le territoire couvert par celui-ci, sur la base des éléments mentionnés à l'article R. 211-10. Le porteur de projet indique au comité de projet les conséquences qu'il entend tirer des observations émises dans ce cadre."

Le comité doit donc se réunir avant le dépôt de la première demande d'autorisation. Une autre réunion ne semble pas obligatoire mais une simple information des membres du comité de projet par le porteur de projet semble suffire.

Les caractéristiques de la réunion. Le porteur de projet présente, conformément aux nouvelles dispositions de l'article R. 211-10 du code :

- Les objectifs du projet, ses principales caractéristiques, ses enjeux socio-économiques, son coût prévisionnel, sa puissance projetée et ses impacts potentiels significatifs sur l'environnement et l'aménagement du territoire ;

- Les principales caractéristiques des équipements créés ou aménagés en vue de sa desserte ;

- Les options de localisation envisagées, avec un plan parcellaire et des références cadastrales, une justification du choix du site et un extrait du zonage des documents d'urbanisme applicables ;

- Les options de raccordement envisagées ;

- Le cas échéant, la réponse aux observations formulées par le maire de la commune d'implantation du projet en application de l'article L. 181-28-2 du code de l'environnement.

Ces éléments doivent être accessibles au public par voie électronique. Il n'est pas précisé la plateforme devant accueillir ces informations.

Force est de constater que, même si le comité de projet est réuni en amont de tout engagement d'une procédure d'autorisation administrative, le projet doit être suffisamment avancé pour pouvoir être ainsi présenté de manière détaillée. La suppression de l'exigence de deux réunions peut conduire à considérer qu'une seule réunion sera nécessaire, simplifiant ainsi la procédure. Les mesures de convocation ainsi que les délais ne sont en outre plus précisés.

Le débouché de la réunion. S'agissant du débouché de cette première - et peut-être dernière - réunion, le projet de décret prévoyait que: "Le comité de projet peut émettre des recommandations et points de vigilance concernant le projet."

Le décret finalement adopté ne fait plus état de ces recommandations et points de vigilance si bien que les conséquences de la réunion du comité ne sont pas clairement identifiées. Il est donc possible que la réunion du comité de projet aboutisse à un simple compte rendu des débats. Le porteur de projet doit tout de même indiquer au comité de projet les conséquences qu'il entend tirer des observations émises dans ce cadre.

Finalement, ce décret prévoit un régime simplifié par rapport au projet initial. Certaines incertitudes perdurent cependant quant à sa mise en œuvre.

Arnaud Gossement - avocat et professeur associé à l'université Paris I

Caroline Grenet - avocate - cabinet Gossement Avocats

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