La consultation pour avis d'une commission administrative doit être réelle et pas simplement formelle : le cas de la commission inter-filières de responsabilité élargie des producteurs (Conseil d'État, 20 mars 2024, n°450282 - CIFREP / Filière REP DDS)
"Les éco-organismes sont agréés par l'Etat pour une durée maximale de six ans renouvelable s'ils établissent qu'ils disposent des capacités techniques et financières pour répondre aux exigences d'un cahier des charges, fixé par arrêté interministériel, et après avis de l'instance représentative des parties prenantes de la filière" (nous soulignons).
La liste des ces filières REP figure à cet article L.541-10.
La composition et les missions de cette ""instance représentative des parties prenantes" - dénommée commission inter-filières de responsabilité élargie des producteurs (CIFREP) - sont précisées à l'article D.541-6-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue du décret n°2021-726 du 8 juin 2021 (article 3).
En synthèse, cette commission :
- est placée auprès du ministre chargé de l'environnement.
- comprend 1 président et 5 collèges (producteurs, collectivités territoriales, associations de protection de l'environnement agréés, opérateurs de la prévention et de la gestion des déchets, Etat)
- est (obligatoirement) consultée pour avis notamment sur : les projets d'arrêtés portant cahiers des charges impartis aux éco-organismes ou systèmes individuels de chaque filière ; les demandes d'agrément des éco-organismes et des systèmes individuels ; les projets d'arrêtés relatifs aux modulations des contributions financières versées par les producteurs, prévues à l'article L. 541-10-3 ; les orientations des actions de communication inter-filières mises en œuvre par le ministre chargé de - l'environnement en application de l'article L. 541-10-2-1, et le bilan de ces actions.
- peut être également être consultée par le ministère chargé de l'environnement sur les projets de textes législatifs et réglementaires ayant une incidence sur les filières de responsabilité élargie des producteurs.
L'article D.541-6-1 du code de l'environnement précise en outre que "Les avis émis par la commission le sont à titre consultatif. Ces avis sont rendus publics". Le calendrier des réunions de la CIPFREP et les compte-rendus de réunion sont disponibles sur le site internet du ministère chargé de l'écologie.
III. Sur le défaut de consultation régulière de la CIFREP
Aux termes de sa décision ici commentée, le Conseil d'Etat a jugé que l'arrêté du 1er décembre 2020 a été publié à la suite d'une procédure irrégulière. En effet, la CIFREP "n'a pas été consultée" sur le dispositif de majoration des barèmes applicables dans les collectivités des territoires d'outre-mer introduit au I de l'annexe III de l'arrêté attaqué :
"3. Il ressort des pièces du dossier que la société X soutient, sans être contredite, qu'il résulte du compte-rendu de la réunion de cette commission du 24 novembre 2020 que celle-ci n'a pas été consultée sur le dispositif de majoration des barèmes applicables dans les collectivités des territoires d'outre-mer introduit au I de l'annexe III de l'arrêté attaqué. Par suite, la société requérante est, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, fondée à soutenir que les dispositions qu'elle attaque ont été prises au terme d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation."
Le Conseil d'Etat déduit le vice de procédure pour défaut de consultation régulière de la CIFREP de la lecture du compte-rendu de sa réunion du 24 novembre 2020. Il ne précise cependant pas le motif exact pour lequel cette consultation n'est pas régulière. Sa décision indique uniquement
- que le Conseil d'Etat s'est prononcé sur le fondement du compte-rendu de cette réunion du 24 novembre 2020 : "il résulte du compte-rendu de la réunion de cette commission du 24 novembre 2020"
- que l'absence de consultation régulière concerne une disposition en particulier du projet de texte
Cette décision appelle les observations suivantes.
"Après avoir entendu la présentation et les explications de la DGPR sur le projet d'arrêté relatif au cahier des charges de la filière des DDS, les principales questions traitées ont porté sur les sujets ci-dessous.
Un représentant des producteurs a indiqué que l'abrogation de la disposition du cahier des charges relative à la constitution de provisions pour charge futures soulevait une difficulté de mise en œuvre à court terme pour l'éco-organisme déjà agréé.
Un représentant des opérateurs de la prévention et de la gestion des déchets a suggéré d'élargir l'expérimentation de recyclage des peintures à leur réutilisation ou réemploi.
La DGPR a proposé d'ajuster le cahier des charges pour que l'abrogation des dispositions sur les provisions pour charges intervienne à l'issue de l'exercice comptable en cours s'agissant des éco-organismes déjà agrées.
La commission a émis l'avis suivant :
Avis favorable :
o Pour: 15
o Contre: 0
o Abstention: 9 (2 MEDEF, 2 CPME, 1 AFEP, 2 AMF, 1 ADF, 1 ARF)"
De notre interprétation de la décision rendue par le Conseil d'Etat ce 20 mars 2024, pour que la consultation pour avis de la CIFREP soit régulière, elle ne doit pas simplement être saisie d'un projet de texte mais doit aussi en débattre. Il importe donc que le compte-rendu fasse apparaître que l'ensemble des dispositions du projet de texte a bien été examiné par la CIFREP.
En troisième lieu, cette décision du Conseil d'Etat s'applique-t-elle à toutes les procédures de consultation pour avis d'une commission administrative ?
Les dispositions législatives et réglementaires relatives à la CIFREP ne précisent pas de quelle manière celle-ci doit être consultée. La solution ici retenue par le Conseil d'Etat et selon laquelle la consultation de cette commission peut être irrégulière même si le projet de texte lui a été présentée ne semble donc pas procéder d'une disposition propre au régime juridique de la CIFREP.
Il convient de rester prudent et d'attendre une confirmation éventuelle mais il est possible de lire cette décision du 20 mars 2024 comme témoignant du souci du Conseil d'Etat de ne pas accepter des consultations purement formelles de commissions administratives.
Par précaution, il importe certainement que les compte-rendus et avis des commissions administratives saisies pour avis soient plus longuement rédigés de manière à bien préciser que chaque disposition des textes à l'ordre du jour a bien été examinée.
Pour l'heure, l'article R133-13 du code des relations entre le public et l'administration dispose que "Le procès-verbal de la réunion de la commission indique le nom et la qualité des membres présents, les questions traitées au cours de la séance et le sens de chacune des délibérations. Il précise, s'il y a lieu, le nom des mandataires et des mandants./ Tout membre de la commission peut demander qu'il soit fait mention de son désaccord avec l'avis rendu./ L'avis rendu est transmis à l'autorité compétente pour prendre la décision".
When you subscribe to the blog, we will send you an e-mail when there are new updates on the site so you wouldn't miss them.
Sur le même sujet:
Urbanisme : le Gouvernement propose de créer, pour l'installation d'équipements de production d'énergies renouvelables, une dérogation à certaines conditions, à certaines règles du plan local d'urbanisme (Projet de loi de simplification de la vie économique)
[webinaire] 30 mai 2024 : le point sur l'obligation de production d'énergie solaire ou de végétalisation des bâtiments et parcs de stationnement
Dérogation espèces protégées : un projet de parc éolien ne répond pas à une raison impérative d'intérêt public majeur s'il n'apporte "qu'une contribution modeste à la politique énergétique nationale de développement de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie dans un département qui ne souffre d'aucune fragilité d'approvisionnement électrique et compte déjà un grand nombre de parcs éoliens" (Conseil d'État, 18 avril 2024, n°471141)
Responsabilité élargie du producteur : la loi n°2024-364 du 22 avril 2024 élargit le champ d’application de la filière "piles et accumulateurs" aux batteries ainsi que celui de la notion de "producteur"
Une commune a-t-elle le droit de contribuer au financement d'une société de production d'énergies renouvelables alors qu'elle a transféré sa compétence "énergies renouvelables" à un établissement public de coopération intercommunale ? (TA Rennes, 25 janvier 2024, n°23NT01257 et CAA Nantes, 19 avril 2024, n°23NT01257)
By accepting you will be accessing a service provided by a third-party external to https://blog.gossement-avocats.com/