Urbanisme : la demande de démolition d’une construction illégale par une commune n’implique pas la démonstration d’un préjudice personnel (Cour de cassation)
Par arrêt du 16 mai 2019 (n° 17-31757), la Cour de cassation a jugé qu'une demande en démolition sur le fondement de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme constitue une action autonome qui ne nécessite pas, pour la commune, de rapporter la preuve d'un préjudice personnel et direct causé par les constructions irrégulières.
Pour rappel, il ressort des dispositions de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme qu'une commune peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans autorisation :
"La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l'article L. 421-8. L'action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l'achèvement des travaux. "
Dans cette affaire, une société civile immobilière (SCI), propriétaire d'une parcelle située en zone réservée aux activités agricoles, a fait construire sur sa parcelle une maison d'habitation, une piscine, des boxes pour chevaux, un « mobil home » ainsi qu'un cabanon. Or, l'ensemble de ces constructions a été réalisé sans aucune autorisation.
En conséquence, la commune de L. (Haute-Savoie) a assigné la SCI en vue d'obtenir la démolition des ouvrages irrégulièrement construits, sur le fondement de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme.
Par arrêt du 12 octobre 2017, la cour d'appel de Chambéry a accueilli la demande de démolition de la commune. La SCI a alors formé un pourvoi en cassation.
En premier lieu, la SCI reproche à la cour d'appel d'avoir accueilli la demande en démolition alors que la commune n'a intérêt à la démolition d'un ouvrage construit sans permis de construire que si elle subit un préjudice personnel directement causé par cette construction.
Or, selon la SCI, la commune n'a pas démontré l'existence d'un tel préjudice.
En deuxième lieu, la Cour de cassation valide le raisonnement de la juridiction d'appel. Cette dernière a, en effet, retenu qu' " en l'absence de toute précision du législateur, la commune dispose d'une action autonome en démolition ne nécessitant pas la démonstration d'un préjudice causé par les constructions édifiées sans permis de construire ".
Ce faisant, la Cour de cassation juge que la cour d'appel de Chambéry n'a pas violé l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, ni l'article 31 du code de procédure civile.
En dernier lieu, la Cour de cassation précise que la possibilité offerte à la commune de demander la démolition d'un ouvrage illégalement construit est justifiée par l'intention de faire cesser une situation illicite.
Dès lors, la Haute Cour estime que " la volonté du législateur d'attribuer une action spécifique au profit de la commune serait compromise si cette action obéissait à la même condition de preuve d'un préjudice que l'action de droit commun ouverte à tout tiers victime de la violation de règles d'urbanisme ".
Par conséquent, l'action en démolition d'une commune constitue une action autonome et distincte de l'action de droit commun. La commune n'est donc pas tenue de prouver que l'irrégularité des ouvrages lui cause un préjudice particulier dans la mesure où la commune agit pour faire cesser une situation illégale.
Laura Picavez
Avocate – Cabinet Gossement Avocats
When you subscribe to the blog, we will send you an e-mail when there are new updates on the site so you wouldn't miss them.
Sur le même sujet:
Urbanisme : le Gouvernement propose de créer, pour l'installation d'équipements de production d'énergies renouvelables, une dérogation à certaines conditions, à certaines règles du plan local d'urbanisme (Projet de loi de simplification de la vie économique)
[webinaire] 30 mai 2024 : le point sur l'obligation de production d'énergie solaire ou de végétalisation des bâtiments et parcs de stationnement
Dérogation espèces protégées : un projet de parc éolien ne répond pas à une raison impérative d'intérêt public majeur s'il n'apporte "qu'une contribution modeste à la politique énergétique nationale de développement de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie dans un département qui ne souffre d'aucune fragilité d'approvisionnement électrique et compte déjà un grand nombre de parcs éoliens" (Conseil d'État, 18 avril 2024, n°471141)
Responsabilité élargie du producteur : la loi n°2024-364 du 22 avril 2024 élargit le champ d’application de la filière "piles et accumulateurs" aux batteries ainsi que celui de la notion de "producteur"
Une commune a-t-elle le droit de contribuer au financement d'une société de production d'énergies renouvelables alors qu'elle a transféré sa compétence "énergies renouvelables" à un établissement public de coopération intercommunale ? (TA Rennes, 25 janvier 2024, n°23NT01257 et CAA Nantes, 19 avril 2024, n°23NT01257)
By accepting you will be accessing a service provided by a third-party external to https://blog.gossement-avocats.com/