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"Affaire du siècle" : l'Etat n'a pas complètement réparé le préjudice écologique au 31 décembre 2022 mais il n'est pas nécessaire de prononcer une astreinte à son encontre (tribunal administratif de Paris, 22 décembre 2023, n°2321828/4-1)

Tribunal-administratif

Par un jugement n°2321828/4-1 du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande d'astreinte présentée par trois associations requérantes pour assurer l'exécution de son jugement rendu le 14 octobre 2021. Le jugement précise que si l'Etat n'a pas complètement réparé, à la date du 31 décembre 2022, le préjudice écologique résultant du dépassent du budget carbone pour la période 2015-2018. Toutefois, le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre constaté en 2023 ne rend pas nécessaire le prononcé d'une mesure d'exécution supplémentaire. L'"affaire du siècle" n'est pas terminée. 

Résumé

1. Par un jugement avant-dire droit du 3 février 2021, le tribunal administratif de Paris a reconnu que l'Etat était responsable d'un préjudice écologique à hauteur des engagements qu'il n'avait pas respectés dans le cadre d'un premier budget carbone (2015-2018).

2. Par un jugement en date du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a enjoint au Premier ministre et aux ministres compétents de prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et prévenir l'aggravation des dommages à hauteur de la part non compensée d'émissions de gaz à effet de serre au titre du premier budget carbone, soit 15 Mt CO2 eq, et sous réserve d'un ajustement au regard des données estimées du CITEPA au 31 janvier 2022. La réparation du préjudice devra être effective au 31 décembre 2022, au plus tard.

3. Par un jugement rendu ce 22 décembre 2023, le tribunal administratif  a constaté que l'Etat n'a pas complètement réparé le préjudice écologique précité, à la date du 31 décembre 2022. Il a toutefois rejeté la demande d'exécution des associations comportant une mesure d'injonction assortie d'une astreinte.

Rappel des étapes de la procédure

Les principales étapes de la procédure d'instruction des recours des quatre organisations (trois désormais depuis le désistement de la fondation pour la nature et l'homme) de "l'affaire du siècle" devant le tribunal administratif de Paris ont été les suivantes :

17 décembre 2018 : les organisations requérantes ont adressé une demande préalable indemnitaire au Gouvernement. 

15 février 2019 : le Gouvernement a rejeté cette demande préalable indemnitaire

14 mars 2019 : les quatre organisations ont déposé un recours de plein contentieux devant le tribunal administratif de Paris (requête sommaire). D'autres organisations ont par la suite formé une intervention volontaire au soutien des demandes des organisations requérantes

3 février 2021 : par un jugement avant-dire droit n°1904967 et s., le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit aux demandes des associations requérantes et ordonné un supplément d'instruction. Par ce jugement, le tribunal administratif de Paris a

- condamné l'Etat a verser un euro aux associations requérantes en réparation de leur préjudice moral.

- reconnu que l'Etat était responsable d'un préjudice écologique à hauteur des engagements qu'il n'avait pas respectés dans le cadre d'un premier budget carbone (2015-2018).

- rejeté la demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à verser un euro en réparation de ce préjudice écologique.

- ordonné, avant de statuer sur les conclusions des quatre requêtes tendant à ce que le tribunal enjoigne à l'État, afin de faire cesser pour l'avenir l'aggravation du préjudice écologique constaté, de prendre toutes les mesures permettant d'atteindre les objectifs que la France s'est fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, un supplément d'instruction afin de soumettre les observations non communiquées des ministres compétents à l'ensemble des parties, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

14 octobre 2021 : par un jugement n°19014967 et s., le tribunal administratif de Paris a enjoint au Premier ministre et aux ministres compétents de prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et prévenir l'aggravation des dommages à hauteur de la part non compensée d'émissions de gaz à effet de serre au titre du premier budget carbone, soit 15 Mt CO2 eq, et sous réserve d'un ajustement au regard des données estimées du CITEPA au 31 janvier 2022. La réparation du préjudice devra être effective au 31 décembre 2022, au plus tard. 

14 juin 2023 : trois associations requérantes ont présenté au tribunal administratif de Paris une demande d'exécution de son jugement du 14 octobre 2021. Elles ont demandé (point 2 du jugement du 22 décembre 2023) : 

- que le tribunal administratif de Paris "prononce une injonction, à l'encontre du Premier ministre et des ministres compétents, tendant à ce que soient prises, à bref délai, toutes mesures sectorielles concrètes utiles permettant de procéder à l'exécution complète du jugement du 14 octobre 2021, de tenir effectivement compte du surplus d'émissions de gaz à effet de serre lié au dépassement du premier budget carbone, d'assurer la réparation du préjudice écologique résultant de ce dépassement et de prévenir, pour l'avenir, sa résurgence ou son aggravation.

- que cette injonction soit assortie d'une astreinte d'un montant de 1 102 500 000 (un milliard cent deux millions cinq cent mille) euros, à l'issue du premier trimestre 2023, et de 122,5 millions (cent vingt-deux millions cinq cent mille) euros pour chaque semestre de retard supplémentaire dans l'exécution de la décision à intervenir.

15 septembre 2023 : par une ordonnance de la vice-présidente du tribunal, une phase juridictionnelle a été ouverte le 15 septembre 2023, sous le numéro 2321828, en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative.

22 décembre 2023 : par un jugement rendu ce jour, le tribunal administratif de Paris a : 

- constaté que l'Etat n'a pas complètement réparé le préjudice écologique décrit par le jugement du 3 février 2021 : "en dépit de la mise en œuvre par l'État de mesures visant à compenser le préjudice reconnu par le tribunal, la réparation de celui-ci ne peut être regardée comme étant complète à la date du 31 décembre 2022, au regard du préjudice restant à réparer, qui s'établit à 3 ou 5 Mt CO2 eq, selon les chiffres retenu(..)" (point 18 du jugement)
- jugé cependant que cette réparation pourrait être complétée en 2023 en raison du rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de prononcer une mesure d'injonction ou d'astreinte à l'encontre de l'Etat pour assurer la complète exécution du jugement du 14 octobre 2021 : "Au regard du rythme constaté de diminution des émissions de gaz à effet de serre et de la part indicative fixée pour l'année 2023, tous deux mis en perspective avec le quantum du préjudice restant à réparer, il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est pas plus allégué, que cette tendance serait susceptible de connaître un infléchissement tel au cours de l'année 2023 que la réparation du préjudice en serait remise en cause, compte tenu des hypothèses rappelées aux points 12 et 13. Dans ces conditions, à la date du présent jugement, il n'y a pas lieu de prononcer des mesures d'exécution supplémentaires".
- rejeté la demande d'exécution des associations requérantes

Arnaud Gossement

avocat et professeur associé à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne


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