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Pollution de l’air : le Conseil d’Etat prononce une astreinte record mais en précise aussi les règles de liquidation

Par une décision du 10 juillet 2020, le Conseil d'Etat, après avoir constaté la carence de l'Etat à respecter le droit relatif à la prévention de la pollution de l'air, a enjoint ce dernier à agir dans un délai de six mois, prononcé une astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard et précisé les règles de liquidation de ladite astreinte. C'est au demeurant sur ce dernier point que la décision est la plus novatrice.

Résumé de la décision du Conseil d'Etat du 10 juillet 2020

Saisi par plusieurs associations de protection de l'environnement, le Conseil d'Etat a :

  • constaté la carence de l'Etat à respecter le droit européen et interne relatif à la prévention de la pollution de l'air et à exécuter l'arrêt rendu le 12 juillet 2017 ;
  • octroyé à l'Etat un délai de six mois pour agir ;
  • prononcé une astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard ;
  • précisé quels sont les requérants qui sont recevables à en demander la liquidation ;
  • précisé que le montant de l'astreinte pourra être révisé (à la hausse comme à la baisse) lors de sa liquidation;
  • précisé qu'une fraction de cette astreinte pourrait être versée, non aux requérants mais à des personnes publiques ou privées œuvrant dans un but d'intérêt général.

Commentaire général

La décision rendue ce 10 juillet 2020 par le Conseil d'Etat est d'une particulière importance pour l'application du droit de l'environnement et le fait qu'elle ait été prise en Assemblée du contentieux en témoigne. Et ce pour les motifs suivants :

  • le taux (montant) de l'astreinte prononcée est particulièrement élevé au regard des décisions généralement prises par le juge administratif en ce domaine ;
  • l'objet de l'astreinte est tout aussi important que son montant : le Conseil d'Etat manifeste ainsi son souci de contribuer à l'application du droit européen de l'environnement, ici relatif à la qualité de l'air
  • cette décision démontre que le contentieux de la légalité est tout aussi efficace, sinon davantage, que celui de la responsabilité de l'Etat pour assurer la protection de l'environnement. Demander au juge d'enjoindre sous astreinte l'Etat à appliquer le droit de l'environnement est sans doute plus efficace qu'une action en recherche de responsabilité.
  • cette décision apporte d'importantes précisions sur les conditions de liquidation de l'astreinte.

Toutefois, il faut aussi rappeler :

  • Que la durée de ce contentieux est fort longue : la demande de l'association requérante date de 2015 et la directive dont le respect est ici en cause date de 2008, il y a 12 ans donc. En outre, le Conseil d'Etat aura, à deux reprises, mis deux ans à statuer sur la demande qui lui était adressée. Son premier arrêt du 12 juillet 2017 procède d'un recours déposé en 2015 et son deuxième arrêt rendu ce 10 juillet 2020 procède d'un recours déposé en 2018. La durée de ce contentieux aurait peut-être pu être réduite, notamment par le prononcé d'une astreinte dés la décision du 12 juillet 2017. Eu égard à l'ancienneté du droit applicable (2008) et à l'urgence sanitaire qui s'attache à la prévention de la pollution de l'air, le temps d'intervention du juge administratif demeure long ;
  • Que l'astreinte, si elle est liquidée, ne sera pas à la charge de tel ou tel gouvernant mais bien de l'Etat, c'est-à-dire des contribuables. Autant d'argent qui devrait être consacré au fonctionnement des services publics. De ce point de vue, l'arrêt rendu le 10 juillet 2020 par le Conseil d'Etat rend compte d'un immense échec plutôt que d'une grande victoire. En toute hypothèse, il apparaît que le progrès de la politique environnementale ne peut être garanti par le seul recours au juge.
  • Que le montant de l'astreinte peut être révisé à la hausse comme à la baisse. Il est donc prématuré de qualifier d'historique le montant de l'astreinte dés l'instant où ce dernier n'est en réalité pas encore définitivement fixé. Si l'Etat exécute en tout ou partie son obligation : le montant de l'astreinte pourra être réduit sinon annulé.
  • Qu'une partie de cette astreinte, dont le pourcentage reste à fixer, pourrait être versée à une personne – publique ou privée – en charge d'un service public. Ce qui revient, directement ou non, à permettre à l'Etat de se verser une partie de l'astreinte à lui-même

En définitive, cette décision est "historique" par le montant de l'astreinte prononcée (à différencier de l'astreinte liquidée) mais ne l'est pas si l'on considère la durée de ce contentieux et le fait qu'il est nécessaire d'attendre encore au moins six mois pour savoir si cette astreinte sera effectivement liquidée et, dans l'affirmative, son montant et ses conditions d'affectation.

Enfin et surtout, cette décision témoigne d'abord non pas d'une victoire mais d'un échec de l'Etat à appliquer une directive européenne adoptée il y a de cela 12 ans.

I. Rappel du cadre juridique

Ainsi que l'expose précisément le Conseil d'Etat dans sa décision du 12 juillet 2017, le cadre juridique relatif à la prévention de la pollution de l'air procède d'une directive européenne du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe. Ainsi résumé, ce cadre juridique, qui repose pour beaucoup sur un effort de planification, présente les principales caractéristiques suivantes.

La directive européenne du 21 mai 2008. Aux termes de cette directive, les Etats doivent établir des zones et des agglomérations sur leurs territoires pour y évaluer et y gérer la qualité de l'air. Dans ces zones, les Etats doivent notamment (paragraphe 1 de l'article 13) veiller à ce que les niveaux d'anhydride sulfureux, de PM10, de plomb et de monoxyde de carbone dans l'air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l'annexe XI. Pour le dioxyde d'azote et le benzène des dates sont fixées pour que soient respectées ces valeurs limites Ces dispositions du droit de l'Union européenne ont été transposées en droit interne, notamment à l'article L. 221-1 du code de l'environnement.

Les plans relatifs à la qualité de l'air. La directive précitée du 21 mai 2008 dispose en outre que, lorsque les valeurs limites sont dépassées, les États membres veillent à ce que des plans relatifs à la qualité de l'air soient établis dans les zones concernées afin d'atteindre la valeur limite. Ces plans doivent notamment comporter des mesures pour limiter au maximun les périodes de dépassement des valeurs limites au-delà des dates fixées en droit. Ces plans sont transmis à la Commission européenne sans délai, et au plus tard deux ans après la fin de l'année au cours de laquelle le premier dépassement a été constaté.

Les plans de protection de l'atmosphère. Ces dispositions ont été transposées à l'article L. 222-4 du code de l'environnement, les préfets doivent établir des plans de protection de l'atmosphère dans toutes les agglomérations de plus de 250 000 habitants, ainsi que dans les zones où les normes de qualité de l'air ne sont pas respectées ou risquent de ne pas l'être. Ces plans doivent être compatibles avec les orientations du plan régional pour la qualité de l'air s'il existe et, à compter de son adoption, avec les orientations du schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie.

II. Rappel de la procédure devant le Conseil d'Etat de 2015 à 2020

Par une requête enregistrée le 26 octobre 2015, l'association Les amis de la terre a demandé au Conseil d'Etat,

  • d'une part d'annuler le refus du Président de la République, du Premier ministre, de plusieurs ministres de respecter les prescriptions de la directive européenne du 21 mai 2008 relative à la qualité de l'air
    d'autre part, d'enjoindre l'Etat a prendre toute mesure utile pour assurer le respect de cette directive.

Dans le détail, cette association a demandé :

  • d'annuler les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par le Président de la République, le Premier ministre et plusieurs ministres sur sa demande tendant à la mise en œuvre de toutes mesures utiles permettant de ramener, sur l'ensemble du territoire national, les concentrations en particules fines et en dioxyde d'azote à l'intérieur des valeurs limites fixées à l'annexe XI de la directive n° 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe ;
  • d'annuler les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par ces mêmes autorités sur sa demande tendant à l'élaboration d'un ou plusieurs plans relatifs à la qualité de l'air ayant pour objet de définir les mesures appropriées permettant de ramener, dans chacune des zones et agglomérations du territoire national concernées, les concentrations en particules fines et en dioxyde d'azote à l'intérieur des valeurs limites fixées à l'annexe XI de cette même directive ;
  • d'enjoindre au Premier ministre et aux ministres compétents d'ordonner, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, la révision de l'ensemble des plans de protection de l'atmosphère non conformes aux exigences fixées par les articles 13 et 23 de la même directive en tant qu'ils ne prévoient pas de ramener les concentrations en particules fines et en dioxyde d'azote à l'intérieur des valeurs limites aussi rapidement que possible ;
  • à titre subsidiaire, d'enjoindre au Président de la République, au Premier ministre et aux ministres compétents d'ordonner toute mesure utile permettant de ramener, sur l'ensemble du territoire national, les concentrations en particules fines et en dioxyde d'azote à l'intérieur des valeurs limites fixées par cette directive ;

Par une décision n°394254 du 12 juillet 2017, le Conseil d'Etat a

  • annulé les décisions implicites du Président de la République, du Premier ministre et des ministres compétents refusant de prendre toutes mesures utiles et d'élaborer des plans conformes à l'article 23 de la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008 permettant de ramener, sur l'ensemble du territoire national, les concentrations en particules fines et en dioxyde d'azote en-deçà des valeurs limites fixées à l'annexe XI de cette directive sont annulées.
  • enjoint au Premier ministre et au ministre chargé de l'environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en oeuvre, pour 12 zones, un plan relatif à la qualité de l'air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018.

Par la suite :

  • Par un courrier du 20 juin 2018, le délégué à l'exécution des décisions de justice de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat a demandé au ministre chargé de l'écologie de porter à sa connaissance les mesures prises par les services de l'Etat pour assurer l'exécution de cette décision du 12 juillet 2017.
  • Par des observations du 16 juillet 2018, le ministre chargé de l'écologie a précisé les mesures adoptées par l'Etat à cette fin.
  • Par une requête enregistrée le 2 octobre 2018 au secrétariat de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat, l'association Les amis de la Terre - France et plusieurs autres associations et particuliers ont demandé qu'une astreinte soit prononcée pour contraindre l'Etat a exécuter la décision précitée du 12 juillet 2017.

III. La décision n°428409 du 10 juillet 2020 du Conseil d'Etat

Par une décision n°428409 du 10 juillet 2020, le Conseil d'Etat a :

  • prononcé une astreinte à l'encontre de l'Etat, s'il ne justifie pas avoir, dans les six mois suivant la notification de la présente décision, exécuté la décision du Conseil d'Etat du 12 juillet 2017, pour chacune des zones énumérées au point 11 des motifs de la présente décision, et jusqu'à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 10 millions d'euros par semestre, à compter de l'expiration du délai de six mois suivant la notification de la présente décision.
  • ordonné au Premier ministre de communiquer à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter la décision du 12 juillet 2017.
  • condamné l'Etat à verser à l'association Les Amis de la Terre – France et à certains autres requérants une somme globale de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les développements qui suivent seront consacrés au détail de cette importante décision.

Le constat de la carence de l'Etat à agir. Le premier élément remarquable de cette décision tient bien entendu au constat selon lequel l'Etat n'a pas exécuté la décision du 12 juillet 2017 et ce, malgré la communication de "feuilles de route" en 2018, par le ministre chargé de l'écologie.

La décision précise :

"11. Il résulte de tout ce qui précède que, pour chacune des zones administratives de surveillance mentionnées au point 8 dans lesquelles les valeurs limites de concentration en NO2 et PM10 fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement demeurent dépassées, à l'exception de celle de la Vallée de l'Arve pour les raisons indiquées au point 10, les différents éléments produits au cours de la procédure juridictionnelle ne permettent pas d'établir que les effets cumulés des différentes mesures adoptées à la suite de la décision du 12 juillet 2017 permettront de ramener les niveaux de concentration en ces deux polluants en deçà de ces valeurs limites dans le délai le plus court possible. Il en résulte que pour les ZAS Grenoble et Lyon, pour la région Auvergne – Rhône-Alpes, Strasbourg et Reims, pour la région Grand-Est, Marseille-Aix, pour la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Toulouse, pour la région Occitanie et Paris, pour la région Ile-de-France, s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, et pour les ZAS Paris et Fort-de-France, s'agissant des taux de concentration en PM10, à la date de la présente décision, l'Etat ne peut être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes propres à assurer l'exécution complète de cette décision."

Ainsi, les explications fournies par l'Etat ne permettent pas de démontrer que les mesures prises permettront de ramener les niveaux de concentration en deçà des valeurs limites. Il s'agit bien d'une obligation de résultat mais à réaliser "dans le délai le plus court possible".

L'octroi d'un nouveau délai de six mois. Comme le précise l'article 1er du dispositif de la décision du 10 juillet 2020 : l'Etat dispose désormais d'un délai de six mois à compter de la notification de ladite décision pour exécuter la décision du 12 juillet 2017. Au terme de ce délai de six mois : le Premier ministre devra communiquer un rapport au Conseil d'Etat, justifiant de cette exécution.

La recevabilité de la demande d'astreinte. L'astreinte prononcée, si elle est liquidée, ne pourra pas être versée à tous les requérants. En 2015, seule l'association Les amis de la terre - France avait saisi le Conseil d'Etat. En 2018 de nombreuses autres personnes morales et physiques se sont jointes à elle. Au point 3 de l'arrêt rendu ce 10 juillet 2020, le Conseil d'Etat rappelle que seules les parties à l'instance en cause mais également les parties intéressées peuvent présenter une demande d'astreinte : "Il résulte des dispositions des articles L. 911-4 et R. 931-2 du code de justice administrative qu'ont qualité pour demander au Conseil d'Etat de prononcer une astreinte en cas d'inexécution d'une décision qu'il a rendue non seulement les parties à l'instance en cause mais également les parties directement concernées par l'acte qui a donné lieu cette instance."

Au cas d'espèce, le Conseil d'Etat écarte comme étant irrecevables toutes les demandes présentées par des associations dont l'objet social n'est pas en lien direct avec l'objet du litige et qui ne peuvent, de ce fait, être qualifiées de "parties intéressées.

Le prononcé d'une astreinte de dix millions d'euros. C'est ce chiffre qui a été mis en avant dans le communiqué de presse du Conseil d'Etat et qui a été largement repris dans les articles de presse relatifs à cette décision du 10 juillet 2020. Il s'agit d'un montant considérable qui est ainsi motivé au point 12 de l'arrêt :

"12. Par suite, eu égard au délai écoulé depuis l'intervention de la décision dont l'exécution est demandée, à l'importance qui s'attache au respect effectif des exigences découlant du droit de l'Union européenne, à la gravité des conséquences du défaut partiel d'exécution en termes de santé publique et à l'urgence particulière qui en découle, il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de prononcer contre l'Etat, à défaut pour lui de justifier de cette exécution complète dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 10 millions d'euros par semestre jusqu'à la date à laquelle la décision du 12 juillet 2017 aura reçu exécution, étant rappelé que ce montant est susceptible d'être révisé à chaque échéance semestrielle à l'occasion de la liquidation de l'astreinte."

Toutefois, sans en réduire l'importance, ce chiffre (taux) doit être relativisé pour les motifs suivants :

  • cette astreinte est pour l'heure prononcée. Elle ne sera pas liquidée avant plusieurs mois et dans l'hypothèse où l'Etat ne procéderait pas à l'exécution de cet arrêt du 10 juillet 2020, ce qui paraît peu probable. En d'autres termes, la décision d'ordonner le versement de cette somme n'est encore prise. Pour l'heure, seul existe le risque qu'une telle décision soit prise par le Conseil d'Etat.
  • ce montant de dix millions d'euros pourra être révisé, à la hausse comme à la baisse : "ce montant est susceptible d'être révisé à chaque échéance semestrielle à l'occasion de la liquidation de l'astreinte"

Sur ce dernier point, l'article L.911-7 du code de justice administrative précise pourtant "Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation." Il est possible que le Conseil d'Etat opère une distinction entre le taux de la première échéance de l'astreinte et celui correspondant aux échéances suivantes.

Les destinataires du versement de l'astreinte. Sur le plan du contentieux administratif, l'élément le plus remarquable de l'arrêt, sur le plan du contentieux administratif, tient à l'interprétation par le Conseil d'Etat des termes de l'article L.911-8 du code de justice administrative sur la liquidation de l'astreinte.

Pour mémoire, le juge administratif dispose de pouvoirs importants pour assurer le principe de légalité et imposer que l'action de l'administration soit conforme au droit. Il s'agit du pouvoir d'injonction du juge administratif. Celui-ci peut, non seulement annuler une décision administrative illégale et la faire ainsi disparaître de l'ordonnancement juridique mais il peut, en outre, enjoindre l'auteur de la décision illégale à prendre une autre décision dans un sens déterminé (article L.911-1 du code de justice administrative).

La juridiction peut assortir, dans la même décision ou dans une décision postérieure, l'injonction prescrite d'une astreinte (article L.911-3 du code de justice administrative). Elle fixe alors la durée d'exécution de l'injonction, le taux (montant) de l'astreinte et la date à partir de laquelle l'astreinte devra être versée (liquidée).

L'article L.911-8 du code de justice administrative précise :

"La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant.

Cette part est affectée au budget de l'Etat."

Toutefois, le Conseil d'Etat précise ainsi la portée de ces dispostions au point 1 de sa décision d'assemblée du 10 juillet 2020 :

"1. Afin d'assurer l'exécution de ses décisions, la juridiction administrative peut prononcer une astreinte à l'encontre d'une personne morale de droit public ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, soit dans la décision statuant au fond sur les prétentions des parties sur le fondement de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, soit ultérieurement en cas d'inexécution de la décision sur le fondement des articles L. 911-4 et L. 911-5 du même code. En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive de la décision, la juridiction procède, en vertu de l'article L. 911-7 de ce code, à la liquidation de l'astreinte. En vertu du premier alinéa de l'article L. 911-8 de ce code, la juridiction a la faculté de décider, afin d'éviter un enrichissement indu, qu'une fraction de l'astreinte liquidée ne sera pas versée au requérant, le second alinéa prévoyant que cette fraction est alors affectée au budget de l'État. Toutefois, l'astreinte ayant pour finalité de contraindre la personne morale de droit public ou l'organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public à exécuter les obligations qui lui ont été assignées par une décision de justice, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer lorsque l'Etat est débiteur de l'astreinte en cause. Dans ce dernier cas, lorsque cela apparaît nécessaire à l'exécution effective de la décision juridictionnelle, la juridiction peut, même d'office, après avoir recueilli sur ce point les observations des parties ainsi que de la ou des personnes morales concernées, décider d'affecter cette fraction à une personne morale de droit public disposant d'une autonomie suffisante à l'égard de l'Etat et dont les missions sont en rapport avec l'objet du litige ou à une personne morale de droit privé, à but non lucratif, menant, conformément à ses statuts, des actions d'intérêt général également en lien avec cet objet."

Le Conseil d'Etat juge ainsi

  • rappelle qu'une fraction de l'astreinte peut être versée à une personne autre que le requérant et ce, "afin d'éviter un enrichissement indû".
  • que, toutefois, la portée de l'article L.911-8 du code de justice administrative diffère selon quel l'Etat est non le débiteur de l'astreinte
  • lorsque l'Etat est le débiteur de l'astreinte : la fraction de l'astreinte versée à une personne autre que le requérant pourra l'être :
    • soit à "une personne morale de droit public disposant d'une autonomie suffisante à l'égard de l'Etat et dont les missions sont en rapport avec l'objet du litige"
    • soit à "une personne morale de droit privé, à but non lucratif, menant, conformément à ses statuts, des actions d'intérêt général également en lien avec cet objet".

La suite de la procédure. La procédure, commencée en 2015, n'est pas terminée.

  • passé un délai de 6 mois, le Premier ministre doit communiquer à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter la décision du 12 juillet 2017 ;
  • le juge de l'exécution du Conseil d'Etat devra alors vérifier si ces actes correspondent aux prescriptions de la décision du 12 juillet 2017 ;
  • il pourra décider que la décision du 12 juillet 2017 a été : totalement, partiellement ou pas du tout exécutée ;
  • en tant que de besoin, le Conseil d'Etat pourra fixer le taux définitif de l'astreinte et ordonner la liquidation de l'astreinte.

En conclusion, cette décision du Conseil d'Etat du 10 juillet 2020 est certainement importante mais ne doit surtout pas être réduite au taux de l'astreinte prononcée. Et il importe également de ne pas confondre le contentieux de la légalité de celui de la responsabilité de l'Etat.

Arnaud Gossement

Avocat associé - Cabinet Gossement avocats

Professeur associé à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne

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