Hydrocarbures : l'interdiction de leur exploitation en 2040 n'est pas contraire au droit de propriété (Conseil d'Etat)
Par une décision en date du 18 décembre 2019, n°421004, le Conseil d'Etat a jugé que la loi du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche et à l'exploitation des hydrocarbures n'est pas contraire au droit de propriété tel que protégé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, dès lors qu'elle poursuit l'objectif d'intérêt général de limitation du réchauffement climatique.
La haute juridiction a été saisie par une société, qui, à la suite d'une demande de titre minier pour l'exploitation de mines d'hydrocarbures conventionnels en France métropolitaine, a vu l'administration lui accorder le titre, mais seulement jusqu'au 1er janvier 2040.
Pour rappel, la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures (loi dite "Hulot") prévoit que la durée des concessions minières délivrées à compter de sa date de publication ne peut dépasser l'échéance du 1er janvier 2040. Alors qu'en principe, une concession minière peut présenter une durée de 50 années.
La société a contesté cette décision en demandant au Conseil d'Etat d'écarter l'application de cette loi, car elle l'estime contraire à l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Cet article garantit les biens des personnes : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ». Il prévoit toutefois que que « Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général (...)".
Le Conseil d'Etat était donc saisi de la question de savoir si l'interdiction de l'exploitation d'hydrocarbure à partir du 1er janvier 2040 est ou non contraire au droit de propriété des sociétés d'exploitation minière.
Les explorateurs de ressources minières disposent d'une espérance légitime à exploiter le gisement qu'ils ont découvert
Le Conseil d'Etat a jugé que le titulaire d'un titre minier d'exploration, qui bénéficie d'une exclusivité pour exploiter un gisement qu'il découvre, dispose d'une espérance légitime à obtenir une concession pour son exploitation.
Et il a relevé que l'interdiction d'exploiter une ressource d'hydrocarbures après le 1er janvier 2040 porte atteinte à cette espérance légitime, laquelle est protégée par l'article 1er du protocole additionnelle de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Absence de méconnaissance de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors que la loi poursuit l'objectif d'intérêt général de limitation du réchauffement climatique
Le droit de propriété consacré par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'est cependant pas absolu. Il peut y être déroger pour cause d'utilité publique ou lorsque l'Etat poursuit un objectif d'intérêt général.
En l'occurrence, si le Conseil d'Etat retient que la loi du 30 décembre 2017 peut porter atteinte à l'espérance légitime d'un exploitant, il considère toutefois que la loi poursuit un but d'intérêt général.
Le Conseil d'Etat relève en effet, comme il l'avait fait dans une décision du 27 juin 2018 n° 419316, que la loi relative à l'interdiction de la recherche et de l'exploitation d'hydrocarbure poursuit « l'objectif d'intérêt général de limitation du réchauffement climatique et [contribue] à respecter les engagements internationaux souscrits par le France au titre de l'Accord de Paris sur le climat ».
Il énonce de manière complémentaire que l'objectif de lutte contre le changement climatique « suppose de limiter l'exploitation des réserves d'hydrocarbures fossiles, quel que soit leur usage ».
Le Conseil d'Etat a également rejeté l'argument de la requérante selon lequel la production d'hydrocarbures sur le territoire français aurait un impact environnemental plus limité que leur importation et leur consommation en France.
De telle sorte, l'interdiction d'exploiter des hydrocarbures en France à partir du 1er janvier 2040 ne méconnaît pas le droit de propriété tel qu'il résulte de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Cette décision permet donc de rappeler qu'une loi peut poursuivre l'objectif de lutte contre le changement climatique et ainsi aménager des principes du droit international ou du droit national (comme cela a été également reconnu pour la liberté d'entreprendre comprise dans le bloc de constitutionnalité : CE, 27 juin 2018, n° 419316).
Florian Ferjoux
Avocat- Gossement Avocats
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