Déchets : nouvelles confirmations de la nature administrative d'un contrat entre un éco-organisme et une collectivité territoriale (Cours d'appel de Nîmes et Bordeaux)
Dans le cadre du litige opposant, depuis plusieurs années, l'éco-organisme agréé pour la gestion des déchets diffus spécifiques (DDS) et un syndicat intercommunal, les cours d'appel de Nîmes et Bordeaux viennent de rendre de nouveaux arrêts confirmant la nature administrative des contrats conclus entre ces deux personnes et dont l'exécution relève donc de la compétence du juge administratif (cf. CA Nîmes, 07-06-2018, n° 17/04270 ; CA Bordeaux, 29-05-2018, n° 16/00805; CA Bordeaux, 29-05-2018, n° 16/00396).
A la suite de plusieurs autres arrêts rendus par des juridictions de l'ordre de première instance ou d'appel (voir ci-dessous nos articles publiés depuis 2016 sur ce contentieux), l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Nîmes ce 7 juin 2018 précise que le contrat conclu entre l'éco-organisme et le syndicat intercommunal satisfait à l'ensemble des critères de qualification d'un contrat administratif :
"En l'espèce le contrat du 15 juillet 2013 a été conclu entre le syndicat mixte X à qui des communes ont transféré tout ou partie de la gestion du service public de collecte et traitement des déchets ménagers et qu'il convient de qualifier d'établissement public, et une personne privée, la société EcoDDS.
Le premier critère organique tenant à la qualité de personne publique d'une des parties au contrat est donc rempli.
S'agissant de l'appréciation de l'existence du critère matériel tenant à l'exécution d'un service public, la société EcoDDS soutient que le contrat n'a pour objet que la collecte des déchets qui échapperait à la compétence du syndicat mixte et relèverait de la seule responsabilité des producteurs en application de l'article L541-10 du code de l'environnement, de sorte que le syndicat mixte ne contribuerait pas au service public de la collecte de déchets et que l'activité d' EcoDDS ne s'exercerait pas dans le cadre d'un service public. La société appelante considère tout au plus que son activité s'exerce sous le contrôle de l'Etat, et qu'elle est investie d'une mission de service public et industriel (SPIC) dont le syndicat mixte est usager, de sorte que le juge de l'ordre judiciaire a compétence pour statuer sur des litiges opposant un SPIC à un usager.
Une telle argumentation ne saurait prospérer alors que si l'article R543-231 du code de l'environnement donne bien au producteur de déchet la responsabilité juridique et la charge financière de son élimination selon le principe pollueur payeur, l'article R543-232 du même code, relatif aux déchets ménagers issus de l'industrie chimique, prévoit les modalités d'intervention suivantes :
'L'obligation de collecte séparée des déchets ménagers issus de produits chimiques pouvant présenter un risque significatif pour la santé et l'environnement faite aux metteurs sur le marché adhérant à un organisme agréé est assurée par :
1° La mise en place, en collaboration avec les collectivités territoriales et les distributeurs, d'un dispositif de collecte desdits déchets sur des points d'apport volontaire qui couvre l'ensemble du territoire national ;
2° La prise en charge des coûts supportés par les collectivités territoriales et leurs groupements pour la collecte séparée desdits déchets. Les coûts liés à cette collecte sont, en cas d'agrément de plusieurs organismes, pris en charge pour le compte desdits organismes agréés par un organisme coordonnateur agréé dans les conditions définies à l'article R. 543-235 que les metteurs sur le marché adhérant à un organisme agréé sont tenus de mettre en place, par convention passée avec les collectivités territoriales et leurs groupements(...)'.
Toutefois contrairement à l'argumentation développée par la société EcoDDS, ces dispositions qui prévoient des modalités de collaboration dans le domaine de la collecte et du traitement des déchets ménagers n'ont pas pour effet de transférer aux producteurs ou éco- organismes le traitement et la collecte des déchets diffus spécifiques en faisant des collectivités territoriales un simple prestataire de ces organismes. Bien au contraire l'article 2224-13 précité du code des collectivités territoriales énonce que les communes qui assurent la collecte et le traitement des déchets des ménages, dont font partie les déchets diffus spécifiques, peuvent transférer tout ou partie de leur compétence à un syndicat mixte. Il s'ensuit que l'activité de collecte et de traitement de ces déchets est bien une mission de service public et que le contrat conclu le 15 juillet 2013 qui avait pour objet d'organiser la collecte et le traitement entre le syndicat mixte et l' éco- organisme agréé contribue à l'exécution du service public.
Il sera relevé également que la faculté offerte à l'administration d'une résiliation unilatérale du contrat sans contre partie indemnitaire, ainsi que l'obligation faite à EcoDDS, soumise à un agrément ministériel d'une durée limitée, de respecter un cahier des charges approuvé par arrêté ministériel, procèdent de clauses exorbitantes du droit commun qui ne font que conforter le caractère administratif du contrat.
Sans qu'il soit nécessaire à la détermination du juge compétent de transmettre à la cour de justice de l'Union Européenne les questions préjudicielles soumises par la société EcoDDS, il ressort des développements qui précèdent que la juridiction de l'ordre judiciaire est incompétente pour statuer sur le litige afférent à un contrat administratif.
En conséquence le jugement entrepris qui procède d'une juste analyse du contrat sera confirmé en ce qu'il a déclaré le juge de l'ordre judiciaire incompétent au profit du juge administratif de Nîmes et renvoyé les parties à mieux de pourvoir."
On relèvera notamment que "le contrat conclu le 15 juillet 2013 qui avait pour objet d'organiser la collecte et le traitement entre le syndicat mixte et l' éco- organisme agréé contribue à l'exécution du service public."
Arnaud Gossement
Avocat associé - Cabinet Gossement Avocats
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