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Déchets : le contrat entre l'éco-organisme en charge des DDS et une collectivité territoriale est de droit privé (Tribunal des conflits)

Par une décision du 1er juillet 2019, le Tribunal des conflits a statué sur la question de la juridiction compétente pour connaitre du contentieux né de l'exécution d'un contrat conclu entre l'éco-organisme en charge de la filière des déchets diffus spécifiques (DDS) ménagers et un syndicat mixte de gestion des déchets. Il a conclu, à l'inverse des juridictions judiciaires qui s'étaient prononcées jusque-là, à la qualité de droit privé de ce contrat (cf. TC, 1er juillet 2019, n° 4162).

1. Contexte

Dans cette affaire, l'éco-organisme avait conclu avec un syndicat mixte une convention relative à la remise à la société de déchets ménagers issus de produits chimiques dangereux pour la santé ou l'environnement faisant l'objet d'une collecte séparée dans les déchetteries exploitées par le syndicat mixte.

Saisis d'un litige relatif à l'exécution de cette convention, le tribunal d'instance de Nîmes puis la cour d'appel de Nîmes ont dénié leur compétence pour connaitre de ce litige, en raison de la nature administrative de cette convention (cf. CA Nîmes, 15 février 2018, n° 16/01755). Plus généralement, toutes les juridictions judiciaires saisies jusqu'alors, avaient jugé que les contrats conclus entre l'éco-organisme et des personnes publiques présentent un caractère administratif (cf. CA Angers, 5 décembre 2017, n° 17/00151, CA Bordeaux, 29 mai 2018, n° 16/00396-n° 16/00805 ; CA Rennes, 23 novembre 2018, n° 17/07641 etc.).

Saisie d'un pourvoi de l'éco-oganisme en charge des DDS à l'encontre de l'arrêt du 15 février 2018 rendu par la cour d'appel de Nîmes, la Cour de cassation a, par un arrêt du 17 avril 2019, renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence (cf. Cass. civ. 1, 10 avril 2019, n° 18-16.514)

2. Décision

Par une décision du 1er juillet 2019, le Tribunal des conflits a donc contredit les juridictions judiciaires en affirmant que le litige ressortait de la compétence des juridictions judiciaires.

Pour mémoire, la jurisprudence a fixé deux critères de détermination de la nature d'un contrat, lorsque celle-ci n'est pas fixée par la loi. Ainsi, un contrat est qualifié de contrat administratif lorsque

  • l'une des parties contractantes est une personne publique (critère organique)
  • il existe un des deux critères matériels alternatifs suivants :
    • l'un se réfère à l'objet du contrat : sont administratifs les contrats qui ont pour objet l'exécution d'un service public ;
    • l'autre prend en considération le contenu du contrat et, plus précisément, les clauses de celui-ci. Le caractère administratif est reconnu aux contrats qui renferment des clauses exorbitantes du droit commun.

Compte tenu de la présence d'une personne publique au contrat, c'est le critère matériel alternatif qui figeait le contentieux.

2.1. Sur la participation à l'exécution du service public

Jusqu'ici, les juridictions judiciaires avaient jugé que le critère matériel était rempli en raison de la participation de l'éco-organisme à l'exécution du service public de gestion des déchets.

En ce sens, en cause d'appel, la cour d'appel de Nîmes avait jugé que la convention liant les Parties devait s'analyser comme le contrat par lequel le syndicat mixte transfert la compétence qui lui appartient en application de l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales en matière de collecte et traitement des déchets ménagers. La cour d'appel ajoutait par ailleurs que « les éco-organismes dont fait partie la SAS E. ont été agréés dans le cadre de la mise en place de la responsabilité élargie du producteur (la gestion des déchets diffus spécifiques ménagers est désormais assurée par les metteurs sur le marché de produits chimiques), et participent au service public d'élimination des déchets ».

En l'espèce, le Tribunal des conflits juge au contraire que le régime légal spécifique de responsabilité élargie du producteur doit être distingué du service public de collecte et de traitement des déchets ménagers :

« Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 541-10-4 du code de l'environnement que la collecte des déchets ménagers de produits chimiques dangereux pour la santé et l'environnement incombe de plein droit aux producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits ; que, par suite, la convention par laquelle une collectivité territoriale s'engage envers un éco-organisme agissant pour le compte des producteurs et importateurs et distributeurs à collaborer à cette collecte en contrepartie d'un versement financier ne peut être regardée comme confiant à cet organisme l'exécution du service public de la collecte et du traitement des déchets ménagers ni comme le faisant participer à cette exécution ; que l'agrément d'un éco-organisme chargé par les producteurs de s'acquitter pour leur compte de leur obligation légale n'investissant pas cet organisme de missions de service public, la convention n'a pas davantage pour objet de coordonner la mise en œuvre de missions de service public incombant respectivement à une personne publique et à une personne privée ».

Dans ces circonstances, le critère matériel a été écarté.

2.2. Sur les clauses exorbitantes de droit commun

A défaut de participation de l'éco-organisme à l'exécution du service public des déchets ménagers, le Tribunal des conflits a recherché si la convention portée devant lui comportait des clauses exorbitantes de droit commun.

Pour rappel, une clause exorbitante de droit commun se définit comme une « clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, implique, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs » (cf. TC, 13 octobre 2014, SA AXA France IARD, C3963)

Sur ce point, la cour d'appel de Nîmes, comme d'autres juridictions judiciaires, avait jugé que le contrat était administratif en raison de la présence de telles clauses. Elle avait notamment relevé l'existence :

  • d'une clause de résiliation unilatérale du contrat, sans indemnité, au bénéfice de la collectivité ;
  • d'un contrôle fort de l'administration, via l'agrément ministériel de l'éco-organisme et le cahier des charges approuvé par arrêté ministériel.

Là encore, le Tribunal des conflits juge au contraire qu'aucun de ces éléments n'est de nature à caractériser un régime exorbitant de droit commun et, partant, un contrat administratif :

« Considérant, par ailleurs, que si la convention litigieuse, conclue pour une durée indéterminée, prévoit que le syndicat mixte peut mettre fin « de plein droit » à son exécution moyennant un préavis de quatre-vingt-dix-jours, alors que la société ne peut la résilier que dans des cas limitativement prévus, cette clause, compte tenu notamment des conséquences respectives de la résiliation pour les deux parties et des prérogatives importantes accordées par ailleurs à la société, ne pet être regardée comme impliquant que les relations contractuelles aient été placées dans l'intérêt général sous un régime exorbitant du droit commun ; qu'aucune autre clause de la convention n'a une telle portée ».

Ce faisant, le Tribunal des conflits livre une appréciation très stricte de la clause exorbitante de droit commun.

En l'absence de critère matériel, le Tribunal des conflits affirme que le litige porte sur l'exécution d'un contrat de droit privé et que la juridiction judiciaire est seule compétente pour connaitre du litige opposant la société EcoDDS au syndicat mixte Sud Rhône environnement.

Cette décision inattendue devrait avoir des conséquences importantes pour les éco-organismes des filières de responsabilité élargie des producteurs.

Elle pose au moins deux questions.

- D'une part, celle de la portée de cette décision car il est délicat, à sa lecture, de savoir si l'ensemble des contrats conclus entre éco-organismes et collectivités territoriales relève d'un même bloc de compétence en matière contractuelle, au profit de la juridiction judiciaire.

- D'autre part celle de l'intervention du législateur qui pourrait en effet préciser dans la future loi sur l'économie circulaire, le régime juridique de ces contrats. 

Margaux Caréna

Avocate sénior - Cabinet Gossement Avocats 

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