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Covid-19 : le Conseil d'Etat rejette la demande de "confinement total" mais enjoint au Gouvernement de corriger certaines mesures en vigueur pour prévenir un risque de violation d'une liberté fondamentale (ordonnance du 22 mars 2020)

Par ordonnance du 22 mars 2020, les trois juges du référé-liberté du Conseil d'Etat ont rejeté la requête par laquelle le "syndicat des jeunes médecins" demandait à ce qu'il soit enjoint au Premier ministre de prendre plusieurs mesures destinées à assurer un "confinement total" de la population, en réponse à l'épidémie en cours. Une ordonnance par laquelle le Conseil d'Etat ne se borne pas à vérifier l'absence de violation actuelle du droit au respect d'une liberté fondamentale mais entend prévenir un risque de violation à venir de cette même liberté fondamentale.

Synthèse

Les trois juges des référés du Conseil d'Etat ont :

d'une part, rejeté la demande tendant à ce qu'il soit enjoint au premier ministre de prendre une série de mesures tendant à assurer un confinement total de la population.

d'autre part, enjoint au Premier ministre et au ministre de la santé de préciser ou de réécrire certaines mesures prises par voie réglementaire. Plus précisément, de prendre dans les quarante-huit heures les mesures suivantes :

- préciser la portée de la dérogation au confinement pour raison de santé ;

- réexaminer le maintien de la dérogation pour "déplacements brefs, à proximité du domicile" compte tenu des enjeux majeurs de santé publique et de la consigne de confinement ;

- évaluer les risques pour la santé publique du maintien en fonctionnement des marchés ouverts, compte tenu de leur taille et de leur niveau de fréquentation.

Commentaire : de l'examen d'une violation actuelle d'une liberté fondamentale à l'examen du risque de violation d'une liberté fondamentale

De manière générale, cette ordonnance du Conseil d'Etat est très intéressante, tant par le contexte dans lequel elle intervient que par son contenu.

Sur le fond, elle est à la fois sans surprise et ... surprenante.

- Sans surprise, la demande de confinement total est rejetée de manière assez ferme. L'ordonnance précise en effet qu'un confinement total pourrait produire l'effet inverse de celui recherché : "les mesures demandées au plan national ne peuvent, s'agissant en premier lieu du ravitaillement à domicile de la population, être adoptées, et organisées sur l'ensemble du territoire national, compte tenu des moyens dont l'administration dispose, sauf à risquer de graves ruptures d'approvisionnement qui seraient elles-mêmes dangereuses pour la protection de la vie et à retarder l'acheminement des matériels indispensables à cette protection".

- De manière plus surprenante, le Conseil d'Etat va au-delà de la demande qui lui était présentée et peut-être même au delà de l'office habituel du juge du référé-liberté pour se prononcer sur la précision des mesures réglementaires déjà prises pour prévenir et limiter les effet de l'épidémie. Sans se prononcer sur la légalité des mesures créant des dérogations à l'interdiction de principe des déplacements hors du domicile, le Conseil d'Etat appelle le Gouvernement à préciser ou à réexaminer certaines d'entre elles. Ce qui témoigne d'une contrôle d'une grande intensité.

- De manière très intéressante, le Conseil d'Etat après avoir écarté l'hypothèse d'une carence actuelle du Premier ministre et de son Gouvernement qui aurait pu caractériser une violation d'une liberté fondamentale, se saisit de l'examen de l'hypothèse d'une carence à venir.

Aux termes d'une ordonnance très détaillée qui témoigne d'une volonté évidente d'explication et de pédagogie, les trois juges des référés du Conseil d'Etat écartent toute carence actuelle mais se saisissent du risque de carence à venir. Par anticipation et au delà de la demande qui leur était présentée, le Conseil d'Etat demande une modification ou un réexamen du droit pour prévenir des risques d'interprétation et de mauvaise application de la norme.

Il nous semble que c'est là le principal intérêt de cette ordonnance qui ne manquera pas de susciter des commentaires. Nous passons ici d'un droit de la prévention à une prévention du droit : telle norme pouvant s'avérer insuffisante à l'avenir, il importe de la corriger dés aujourd'hui. Sur un ton plus léger, il est tentant de penser au film "Minority report" dans lequel la police, grâce à des moyens de prédiction sophistiqués, intervient avant même la commission de toute infraction. Le Conseil d'Etat demande ainsi au Gouvernement de modifier des normes avant même que celles-ci ne soient illégales.

I. La demande du syndicat des jeunes médecins

Par une requête datée du 19 mars 2020, ce syndicat a présenté la demande suivante au juge des référés du Conseil d'Etat :

"Le syndicat Jeunes Médecins sollicite de Monsieur le Vice-Président du Conseil d'Etat statuant comme juge des référés au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative de bien vouloir enjoindre au Premier Ministre et au Ministre de la santé, au titre de leurs pouvoirs réglementaires, de prononcer un confinement total de la population par la mise en place des mesures visées en page 9 de la présente requête."


Le syndicat a demandé ainsi au juge des référés d'enjoindre au Premier ministre de prendre les mesures suivantes décrites en page 9 de la requête

"- Interdiction totale de sortir de son lieu de confinement, sauf autorisation délivrée par un
médecin pour motif médical ;

- Arrêt des transports en commun ;

- Arrêt des activités professionnelles non vitales (alimentaire, eau et énergie, domaines
régaliens) ;

- Mise en place d'un ravitaillement de la population dans des conditions sanitaires visant à
assurer la sécurité des personnels chargés de ce ravitaillement."

Il a, en outre, demandé au juge des référés d'enjoindre au Premier Ministre et au ministre des solidarités et de la santé de prendre les mesures propres à assurer la production à échelle industrielle de tests de dépistage et de prendre les mesures réglementaires propres à assurer le dépistage des personnels médicaux. A noter : par un mémoire en intervention, enregistré le 22 mars 2020, le Conseil national de l'Ordre des médecins s'est associé aux conclusions de la requête.

La demande d'injonction du syndicat des jeunes médecins était fondée sur les dispositions de l'article L.521-2 du code de justice administrative, lequel précise :

"Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures."

Aux termes de ces dispositions, une demande présentée au juge du référé-liberté doit, pour être accueillie, satisfaire aux conditions suivantes : elle doit présenter un caractère d'urgence ; elle doit démontrer l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale, par une personne publique à une liberté fondamentale. Si la demande satisfait aux conditions précitées, l'office du juge du référé-liberté est le suivant : il peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale ; il se prononce dans un délai de quarante-huit heures.

III. L'ordonnance du Conseil d'Etat du 22 mars 2020

Sans surprise, la requête du syndicat des jeunes médecins est rejetée.

- la demande d'un confinement total n'est pas justifiée, les mesures de confinement déjà prises ne révélant pas une carence du Premier ministre et de son Gouvernement ;

- la demande de généralisation du dépistage du virus dépasse les pouvoirs du juge du référé liberté.

De manière plus surprenante, les trois juges des référés sont allés au-delà des demandes présentées et peut-être même un peu au-delà de l'office habituel du juge du référé-liberté en s'inquiétant d'une violation d'une liberté fondamentale susceptible de se produire à l'avenir.

1. Le rappel du cadre juridique : le droit à la vie, l'office du juge du référé-liberté et l'obligation d'action des autorités compétentes

L'ordonnance procède tout d'abord à un rappel détaillé du cadre juridique applicable :

- le droit à la vie est bien une liberté fondamentale ;

- le juge du référé-liberté ne peut prendre que des mesures d'urgence pour faire cesser une atteinte grave et illégale à une liberté fondamentale ;

- les autorités publiques compétentes ont une obligation d'action : la violation d'une liberté fondamentale peut en effet être active (en prenant des décisions contraires à la sauvegarde de cette liberté) ou passive (en n'agissant pas). Dans ce deuxième cas, il est alors question d'une "carence".

Après avoir souligné que le droit au respect est une liberté fondamentale, les auteurs de l'ordonnance rappellent quel est l'office du juge du référé-liberté : celui-ci ne peut qu'ordonner des mesures d'urgences de nature à faire cesser, dans un délai de 48 heures, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale par une personne publique.

L'ordonnance précise :

"Le droit au respect de la vie, rappelé notamment par l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Lorsque l'action ou la carence de l'autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par cet article, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser le danger résultant de cette action ou de cette carence. Toutefois, ce juge ne peut, au titre de cette procédure particulière, qu'ordonner les mesures d'urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale. Le caractère manifestement illégal de l'atteinte doit s'apprécier notamment en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et des mesures qu'elle a, dans ce cadre, déjà prises." (nous soulignons)

Après avoir fait état du rôle du juge, le Conseil d'Etat rappelle celui des autorités publiques compétentes (Premier ministre, ministre chargé de la santé, préfet, maire) : elles ont l'obligation d'agir pour prévenir ou limiter les effets de l'épidémie :

"3. Dans cette situation, il appartient à ces différentes autorités de prendre, en vue de sauvegarder la santé de la population, toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l'épidémie. Ces mesures, qui peuvent limiter l'exercice des droits et libertés fondamentaux, comme la liberté d'aller et venir, la liberté de réunion ou encore la liberté d'exercice d'une profession doivent, dans cette mesure, être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif de sauvegarde de la santé publique qu'elles poursuivent. "

2. Le Gouvernement n'a pas violé une liberté fondamentale : la demande de confinement total est rejetée

Après avoir rappelé quelles sont les mesures réglementaires d'ores et déjà prises par le Premier ministre et le ministre de la santé, le Conseil d'Etat rejette la demande d'injonction tendant à ce que le Premier ministre prenne certaines mesures de nature à imposer un "confinement total".

En premier lieu, l'ordonnance rappelle quelles sont les décisions déjà prises, ce qui, en soi, permet d'écarter le grief tiré d'une éventuelle inaction du Gouvernement :

"7. Il résulte de l'instruction et des échanges qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le ministre de la santé a, par plusieurs arrêtés successifs, notamment interdit les rassemblements de plus de cent personnes, décidé la fermeture, sauf exceptions, des établissements recevant du public ainsi que des établissements d'accueil des enfants et des établissements d'enseignement scolaire et supérieur. Le Premier ministre a, par le décret en date du 16 mars 2020, interdit jusqu'au 31 mars 2020 le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d'exceptions limitatives, tenant à diverses nécessités, ainsi que tout regroupement avec la possibilité, pour le représentant de l'État dans le département d'adopter des mesures plus strictes si des circonstances locales l'exigent. Ce dispositif, régulièrement modifié, est susceptible d'être à nouveau adapté en fonction des circonstances, notamment, ainsi qu'il résulte des déclarations faites à l'audience, en fonction de l'avis que le conseil scientifique mis en place par le Gouvernement doit rendre lundi 23 mars sur la durée et l'étendue du confinement et pour la mise en œuvre des dispositions législatives issues du projet de loi mentionné au point 2."

Le point 7 de l'ordonnance énonce ainsi les décisions déjà prises et souligne que de nouvelles décisions seront susceptibles d'être prises en fonction en fonction des circonstances.

En deuxième lieu : non seulement le Gouvernement agit mais, de plus, la solution proposée par le requérant pourrait s'avérer contre-productive. Le Conseil d'Etat rejette ainsi la demande d'injonction tendant à un confinement total de la population au terme d'un raisonnement assez sévère. Les juges des référés ont en effet estimé qu'une telle mesure, prise au plan national, pourrait comporter des dangers :

"8. Si un confinement total de la population dans certaines zones peut être envisagé, les mesures demandées au plan national ne peuvent, s'agissant en premier lieu du ravitaillement à domicile de la population, être adoptées, et organisées sur l'ensemble du territoire national, compte tenu des moyens dont l'administration dispose, sauf à risquer de graves ruptures d'approvisionnement qui seraient elles-mêmes dangereuses pour la protection de la vie et à retarder l'acheminement des matériels indispensables à cette protection. En outre, l'activité indispensable des personnels de santé ou aidants, des services de sécurité de l'exploitation des réseaux, ou encore des personnes participant à la production et à la distribution de l'alimentation rend nécessaire le maintien en fonctionnement, avec des cadences adaptées, des transports en commun, dont l'utilisation est restreinte aux occurrences énumérées par le décret du 16 mars 2020. Par ailleurs, la poursuite de ces diverses activités vitales dans des conditions de fonctionnement optimales est elle-même tributaire de l'activité d'autres secteurs ou professionnels qui directement ou indirectement leur sont indispensables, qu'il n'apparaît ainsi pas possible d'interrompre totalement.

Conclusion : les mesures de confinement actuelles ne révèlent pas que le Premier ministre aurait fait preuve d'une carence et donc ainsi porté à atteinte de manière "grave et manifestement illégale" à une liberté fondamentale, ici le droit au respect de la vie:

"Par suite, il n'apparaît pas que le Premier ministre ait fait preuve d'une carence grave et manifestement illégale en ne décidant pas un confinement total de la population sur l'ensemble du territoire selon les modalités demandées par le syndicat requérant."

NB : le Conseil d'Etat se garde bien de se prononcer sur l'utilité d'un confinement et prend soin de souligner que celui-ci pourrait être envisagé. Toutefois, en l'état actuel des informations portées à sa connaissance par écrit et lors de l'audience, il n'a pas identifié de carence du Premier ministre et de son Gouvernement dans la définition des mesures de confinement déjà mises en place.

3. Le Gouvernement doit prévenir un risque de violation à venir d'une liberté fondamentale et revoir aujourd'hui certaines mesures réglementaires

Le point 9 de l'ordonnance nous semble le plus important :

"9. En l'état actuel de l'épidémie, si l'économie générale des arrêtés ministériels et du décret du 16 mars 2020 ne révèle pas une telle carence, celle-ci est toutefois susceptible d'être caractérisée si leurs dispositions sont inexactement interprétées et leur non-respect inégalement ou insuffisamment sanctionné."

Ainsi : le Conseil d'Etat ne se borne pas à vérifier s'il existe aujourd'hui une violation passive d'une liberté fondamentale. Il vérifie en outre si une telle violation n'est pas susceptible de se produire à l'avenir.

Pour les juge des référés, une telle violation pourrait se produire si les mesures réglementaires déjà définies et encadrant les sorties du domicile étaient inexactement interprétées, non respectées ou insuffisamment sanctionnées.

Non seulement le Conseil d'Etat se projette dans l'avenir et entend prévenir une illégalité avant même qu'elle ne se produise mais, en outre, il fait dépendre cette illégalité du comportement du destinataire de l'auteur de la norme.

Par voie de conséquence, le Conseil d'Etat exige une révision ou un réexamen de certaines mesures pour prévenir ce risque de carence. Il convient de préciser que ce n'est toutefois pas la première fois que le Conseil d'Etat se prononce sur la prévention - et non sur la cessation - d'une telle carence (cf. par ex CE, 16 novembre 2011, n°353172).

Le Gouvernement doit préciser le sens et la portée de certaines mesures réglementaires. L'ordonnance précise que certaines dispositions de l'article 1er du 16 mars 2020 qui définit la liste des déplacements autorisés sont "ambiguës" soit dans leur sens, soit dans leur portée. Il en va ainsi :

- du sens du 3° de l'article 1er du décret du 16 mars 2020 qui autorise, sans autre précision quant à leur degré d'urgence, les "déplacements pour motif de santé" ;

- de la portée du 5° du même article qui permet les "déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l'activité physique individuelle des personnes, à l'exclusion de toute pratique sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie ». Cette disposition "apparait trop large, notamment en rendant possibles des pratiques sportives individuelles, telles le "jogging"".

Sur ce point, il semble exister une divergence sinon une contradiction entre l'exposé des motifs de l'ordonnance et son dispositif. Ainsi, après avoir jugé que la disposition relative à l'autorisation sous condition du jogging apparaît "trop large" en rendant possible cette activité, l'ordonnance enjoint au Premier ministre un simple réexamen de ladite dérogation : "réexaminer le maintien de la dérogation pour « déplacements brefs, à proximité du domicile" compte tenu des enjeux majeurs de santé publique et de la consigne de confinement. Le Gouvernement est donc confronté à l'alternative suivante :

- interdire toute "pratique sportive individuelle" comme le jogging au risque de porter une atteinte disproportionnée à ce qui est aussi une liberté d'aller à venir (en courant) ;

- mieux encadrer cette pratique au niveau national (alors qu'elle pouvait déjà l'être par les préfets) au risque de créer des différences de traitement entre "déplacements brefs à proximité du domicile". Au risque aussi de fixer des seuils ubuesques qu'il sera bien difficile de justifier et de vérifier (autorisation de courir telle distance pendant tant de temps dans tel périmètre autour du domicile).

Enfin, le Conseil d'Etat critique l'encadrement des marchés ouverts "sans autre limitation que l'interdiction des rassemblements de plus de cent personnes dont le maintien paraît autoriser dans certains cas des déplacements et des comportements contraires à la consigne générale". Ici aussi, on voit mal comment le Gouvernement pourra répondre à une telle injonction de réécriture du droit.

Le Gouvernement doit adapter les sanctions et garantir leur application. Sur ce point, l'ordonnance souligne tout d'abord l'absence de "carence manifeste" du Gouvernement et l'existence d'une responsabilité collective :

"(..) si le non-respect par la population des « gestes barrière » imposés par les autorités sanitaires et des interdictions de déplacement, alors qu'il appartient à chaque personne de contribuer ainsi à la non propagation du virus, ne saurait constituer une carence manifeste des pouvoirs publics,

Toutefois, le Conseil d'Etat entend exiger du Gouvernement l'absence de toute "carence à venir". C'est ainsi que les juges des référés ordonnent au Gouvernement de prendre toute mesure de nature à assurer la sanction effective des mesures d'interdiction de déplacements :

"il appartient néanmoins à ces derniers de mettre en place les mesures d'organisation et de déploiement des forces de sécurité de nature à permettre de sanctionner sur l'ensemble du territoire les contrevenants aux arrêtés ministériels et au décret du 16 mars 2020. Il résulte, en outre, des déclarations faites à l'audience que des dispositions pénales plus sévères, pouvant aller jusqu'à des peines délictuelles, sont en cours d'adoption. Il appartient également à ces mêmes autorités de s'assurer, dans les lieux recevant du public où continuent de s'exercer une activité, du respect des « gestes barrière » et de la prise des mesures d'organisation indispensables."

Cette obligation d'action par anticipation suppose également : une possibilité d'adaptation des mesures d'interdiction au niveau local ainsi ainsi qu'une information claire et précise du public non seulement sur les interdictions en cours mais également sur leur sanction :

"15. En troisième lieu, dans le cadre du pouvoir qui leur a été reconnu par ce décret ou en vertu de leur pouvoir de police les représentants de l'Etat dans les départements comme les maires en vertu de leur pouvoir de police générale ont l'obligation d'adopter, lorsque de telles mesures seraient nécessaires des interdictions plus sévères lorsque les circonstances locales le justifient.

16. Enfin, une information précise et claire du public sur les mesures prises et les sanctions encourues doit être régulièrement réitérée par l'ensemble des moyens à la disposition des autorités nationales et locales."

4. La demande de généralisation du dépistage dépasse les pouvoirs du juge du référé-liberté

Pour mémoire, le syndicat requérant avait demandé au Conseil d'Etat "d'enjoindre au Premier Ministre et au ministre des solidarités et de la santé de prendre les mesures propres à assurer la production à échelle industrielle de tests de dépistage et de prendre les mesures réglementaires propres à assurer le dépistage des personnels médicaux".

Sans surprise, la demande est rejetée. Après avoir souligné, d'une part que les autorités cherchent déjà à augmenter les capacité de tests, d'autre part "une insuffisante disponibilité des matériels", les juges des référés indiquent qu'ils ne peuvent donc enjoindre une généralisation du dépistage.

L'ordonnance précise :

"18. Il résulte des déclarations du ministre de la santé et de celles faites à l'audience d'une part que les autorités ont pris les dispositions avec l'ensemble des industriels en France et à l'étranger pour augmenter les capacités de tests dans les meilleurs délais, d'autre part que la limitation, à ce jour, des tests aux seuls personnels de santé présentant des symptômes du virus résulte, à ce jour, d'une insuffisante disponibilité des matériels. Les conclusions de la demande ne peuvent, par suite, sur ce point, eu égard aux pouvoirs que le juge des référés tient des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, qu'être rejetées."

Ce point de l'ordonnance est intéressant en ce qu'il démontre que les représentants de l'administration qui se sont exprimés devant le Conseil d'Etat ont bien admis "une insuffisante disponibilité des matériels". La question de la responsabilité de l'Etat pour n'avoir pas constitué de stock suffisant à titre préventif sera peut être posée plus tard au Conseil d'Etat par la voie du recours en responsabilité.

En conclusion :

1. La décision des juges des référés du Conseil d'Etat de ne pas enjoindre au Gouvernement de prendre des mesures de nature à assurer un "confinement total" de la population est pleinement justifiée par l'ordonnance.

2. La décision de prévenir, par anticipation, une violation possible d'une liberté fondamentale et donc une carence à agir du Gouvernement susceptible de se produire mérite d'être débattue. La justification de certaines demandes de précision ou de réexamen des mesures réglementaires mises en place est moins évidente. La référence à des problèmes d'interprétation ou d'application de la norme n'est pas assez étayée pour être tout à fait convaincante. 

Arnaud Gossement

Avocat associé - Cabinet Gossement Avocats

A voir également : la vidéo des propos (remarquables) de M Jean-Denis Combrexelle, président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à la sortie de l'audience.

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