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Urbanisme : retour sur l'annulation du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Pays de Maurienne (Tribunal administratif de Grenoble, 30 mai 2023, n°2002427)

Tribunal-administratif

Par un jugement du 30 mai 2023 à signaler en raison de son contenu et de ses effets, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé le SCOT du Pays de Maurienne (TA Grenoble, 30 mai 2023, n°2002427, 2004369, 2004919). Analyse.

Le 25 février 2020, le comité syndical du syndicat pays de Maurienne a approuvé le schéma de cohérence territoriale (Scot) du pays de Maurienne. Il avait pour objet de prévoir la création de plusieurs unités touristiques nouvelles et la création de 22 800 lits nouveaux à l'horizon 2030.

Plusieurs recours en annulation ont été déposés à l'encontre du Scot par des associations. Le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble avait suspendu partiellement les effets du Scot, par une ordonnance du 9 avril 2021 – n°2101609. Il avait estimé que les moyens des associations requérantes contestant la légalité d'unités touristiques nouvelles - liaisons entre stations de ski et extension de domaines skiables – étaient de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération attaquée.

Le Tribunal administratif de Grenoble devait statuer au fond sur les recours demandant l'annulation de la délibération approuvant le Scot. Son jugement, intervenu le 30 mai 2023, qui annule le Scot du pays de Maurienne, comporte plusieurs appréciations importantes relatives à l'évolution des zones de montagne confrontées aux changements climatiques. L'annulation d'un Scot en zones de montagne est en elle-même inédite.

Dossier insuffisant et contradiction importante de la planification avec le projet d'aménagement et de développement durable

Le Tribunal administratif retient des lacunes au sein du dossier.

Il considère en premier lieu que la justification des choix opérés au regard des solutions de substitution raisonnables à réaliser tant pour la planification globale du schéma de cohérence que pour chacune des unités touristiques nouvelles ne ressort pas du dossier.

En deuxième lieu, le Scot a été jugé illégal en raison de la contradiction du document d'orientation et d'objectifs et du rapport de présentation avec le projet d'aménagement et de développement durables.

Le projet d'aménagement et de développement durables du Scot du Pays de Maurienne présente plusieurs orientations relatives à l'adaptation d'un modèle de développement économique ouvert et transalpin, devant prendre en compte l'évolution des demandes des clientèles et le changement climatique, à l'adaptation des hébergements aux nouvelles attentes en priorisant la réhabilitation de l'existant, et aux conditions d'un accueil toute saison.

Or, les juges ont relevé que le document d'orientation et d'objectifs fixait notamment la création de 22 800 nouveaux lits touristiques sans garantie pour la préservation des espaces non urbanisés ou de maintien de ces lits en lits dit chauds. En outre, la création des dix unités touristiques nouvelles structurantes portant notamment sur l'extension des domaines skiables ou la création de liaison entre domaines skiables est également apparue contradictoire pour le Tribunal administratif

Illégalité de nombreuses UTN

Les unités touristiques nouvelles du Scot ont été considérées comme étant illégales en raison d'erreurs d'appréciation.

Le régime juridique de ces unités est encadré par les dispositions de l'article L. 122-15 du code de l'urbanisme, résultant de la loi Montagne.

Cet article prévoit en particulier que la création ou l'extension des unités touristiques nouvelles doit prendre en compte la vulnérabilité de l'espace montagnard au changement climatique et respecter la qualité des sites et les grands équilibres naturels.

Les unités touristiques nouvelles projetées par le Scot du Pays de Maurienne consistaient en la création ou l'extension de domaines skiables, la création de liaison entre des domaines skiables existants, ainsi que la création d'un important complexe d'hébergement.

Les motifs principaux retenus pour caractériser leur illégalité sont une atteinte des unités à des espaces protégés (ZNIEFF, NATURA 2000, zones humides) et à des espèces protégées. Il relève de plus, pour une unité, la circonstance selon laquelle elle devrait faire l'objet d'un entretien des pistes par neige artificielle, potentiellement alimenté par des retenues collinaires, alors même que le dossier fait état d'une tension sur la ressource en eau.

Six unités touristiques nouvelles ont été jugées illégales.

Non-respect du principe d'équilibre des documents d'urbanisme

Le Tribunal administratif de Grenoble retient enfin la méconnaissance du principe d'équilibre.

Pour rappel, le code de l'urbanisme (article L. 101-2 du code de l'urbanisme) prévoit que l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre, notamment, l'équilibre entre plusieurs éléments (dont les populations résidant dans les zones urbaines et rurale, une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels, la lutte contre le changement climatique et l'adaptation à ce changement…). Ce principe d'équilibre est applicable aux documents d'urbanisme.

Dans le prolongement des appréciations précédentes, le Tribunal administratif de Grenoble a considéré que les auteurs du schéma de cohérence ont méconnu le principe d'équilibre dès lors que : les lits existants ne sont pas pleinement occupés même en haute saison, la création 22 800 lits nouveaux à l'horizon 2030 dans les stations de ski n'est donc pas cohérente ; l'étalement urbain sur des zones de montagne aux intérêts environnementaux et patrimoniaux importants n'apparaît pas maitrisé ; le Scot n'est pas en mesure de garantir de solution pérenne pour l'effectivité de l'activité économique, notamment touristique, des stations dans la durée.

A cet égard, de manière très détaillée, le Tribunal précise en particulier que : « Aucune réflexion particulière n'a été menée afin de réhabiliter les cœurs de stations dans l'enveloppe existante et gérer le problème récurrent des lits froids ou tièdes. La conséquence directe de ce positionnement implique donc que les collectivités publiques concernées élargissent l'emprise urbanisée des stations de ski pour accueillir de nouveaux lits dont le nombre de création à l'horizon 2030 ne diminue pas par rapport aux années précédentes, sans égard pour les conséquences immédiates de telles extensions urbaines des centres station sur des zones vierges de construction et sans non plus assurer une parfaite maîtrise de ces créations de lits supplémentaires en les entourant de garanties strictes visant a minima à les maintenir en lits chauds ».

Il importe au demeurant de relever que l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme a été complété par la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 par un nouvel objectif à prendre en compte dans le cadre du principe d'équilibre, à savoir « la lutte contre l'artificialisation des sols, avec un objectif d'absence d'artificialisation nette à terme », plus amplement défini au sein du nouvel article L. 101-2-1 du code.

Cela devrait d'autant plus amplifier la portée du principe d'équilibre applicable aux documents d'urbanisme qui seront soumis à ces nouvelles dispositions.

En raison des illégalités qu'il a constatées, le Tribunal administratif a décidé d'annuler la totalité du Scot du Pays de Maurienne, sans procédure de régularisation et sans effet différé de l'annulation.

Le contenu de ce jugement apporte une réflexion indispensable sur la manière d'envisager l'aménagement et l'activité future des zones de montagne au sein des documents d'urbanisme, en vue de tenir compte des infrastructures existantes, de l'évolution nécessaire de l'activité de ces zones, et de leur sensibilité au réchauffement climatique.

Florian Ferjoux

Avocat

Gossement Avocats

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