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Plastique : l'objectif d'une "production et d'une consommation durables de plastiques" au coeur des négociations du futur "instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique, notamment en milieu marin"

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Du 29 mai au 2 juin 2023, le Programme des Nations-Unies pour l'environnement (PNUE) organise, à Paris, la deuxième session de travail du comité intergouvernemental de négociation (CIN) d'un accord international juridiquement contraignant sur la pollution plastique, notamment dans le milieu marin ("Intergovernmental Negotiating Committee to develop an international legally binding instrument on plastic pollution, including in the marine environment"). La résolution 5/14 de l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement, dont procèdent les négociations en cours, donne la priorité, non à la réduction à la source de la production de plastique mais bien à la réduction de la pollution plastique. Dans cet objectif, le texte soumis à la négociation donne pour l'heure une part importante à l'économie circulaire et au principe de responsabilité élargie du producteur. Présentation.
Introduction

Le site internet du Programme des Nations-Unies pour l'environnement (PNUE) expose les données suivantes sur la pollution plastique

"La production de plastique est passée de 2 millions de tonnes en 1950 à 348 millions de tonnes en 2017, devenant ainsi une industrie mondiale évaluée à 522,6 milliards de dollars US, et sa capacité devrait doubler d'ici 2040. Les conséquences de la production et de la pollution du plastique sur la triple crise planétaire du changement climatique, de la perte de la nature et de la pollution sont une catastrophe en devenir :

Le 2 mai 2022, l'Assemblée des Nations-Unies pour l'environnement a adopté une résolution 5/14 pour renforcer la lutte contre la pollution plastique, notamment en milieu marin. Cette résolution a été adoptée par les représentants de 175 pays.

Cette résolution souligne l'importance du rôle des Etats : "Recognizing that each country is best positioned to understand its own national circumstances, including its stakeholder activities, related to addressing plastic pollution, including in the marine environment,". Elle appelle toutefois à l'élaboration d'un "instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique notamment en milieu marin" : "Underlining that further international action is needed by developing an international legally binding instrument on plastic pollution, including in the marine environment," A cette fin, la résolution 5/14 prévoit la mise en place d'un "comité intergouvernemental de négociation" (CIN) pour préparer ce texte.

La résolution fixe le calendrier des travaux d'élaboration de cet instrument international, lesquels sont censés aboutir en 2024 : "1. Requests the Executive Director to convene an intergovernmental negotiating committee, to begin its work during the second half of 2022, with the ambition of completing its work by the end of 2024;'

Du 28 novembre au 2 décembre 2022, les membres du CIN se sont à Punta del Este, en Uruguay, pour la première session de travail (CIN-1) sur le projet d'instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique, notamment dans le milieu marin".

Le 13 avril 2023, le secrétariat du Comité intergouvernemental de négociation (CIN a diffusé un document préparatoire constitué des options à discuter pour la rédaction du futur instrument international. Document rédigé à partir des contributions des Etats parties.

Du 29 mai au 2 juin 2023, les participations à la deuxième session de travail du CIN se réunissent à Paris.

I. Le débat sur l'objectif d'une "production et d'une consommation durables" des plastiques


La résolution fait même état de de l'importance d'une production et d'une consommation durables des plastiques : "Underlining the importance of promoting sustainable design of products and materials so that they can be reused, remanufactured or recycled and therefore retained in the economy for as long as possible, along with the resources they are made of, and of minimizing the generation of waste, which can significantly contribute to sustainable production and consumption of plastics,"

Plus encore, la résolution pointe le rôle important joué par les plastiques dans nos sociétés : "Stressing the urgent need to strengthen the science-policy interface at all levels, improve understanding of the global impact of plastic pollution on the environment, and promote effective and progressive action at the local, regional and global levels, recognizing the important role played by plastics in society" (nous soulignons).

Il est donc important de bien définir les deux enjeux suivants :

  • d'une part, l'enjeu de la réduction de la production et de la consommation de plastiques. Certains participants (par ex Etats membres - dont la France - de la coalition de haute ambition pour mettre fin à la pollution plastique) ou observateurs (ONG) soutiennent qu'il est nécessaire d'insérer dans le futur instrument international des objectifs ou exigences en matière de réduction à la source de la production de plastiques.
  • d'autre part, l'enjeu de la réduction de la pollution plastique. Les grands Etats producteurs de matières et/ou de déchets plastiques soutiennent qu'il convient de donner la priorité à une meilleure gestion des déchets issus de cette production.
Les deux enjeux - réduction de la production/réduction de la pollution - sont donc liés ou non par les participants et observateurs des négociations.

Il est toutefois nécessaire de ne pas opposer tout à fait l'approche "réduction de la production" de l'approche "réduction de la pollution plastique". Ainsi, même la "coalition de haute ambition pour mettre fin à la pollution plastique" semble avoir adopté une voie médiane. Si son  texte semble en effet prôner la réduction de la production de plastiques, elle fait en réalité une distinction entre les matières plastiques primaires et secondaires pour demander une "minimisation" de la demande de matière primaires mais une augmentation de l'offre de plastiques recyclés. Ce qui peut avoir pour effet de conserver inchangé la quantité totale de matières plastiques mises sur le marché. Et ce qui donne aussi lieu à un autre débat, relatif celui-ci à la recyclabilité des matières plastiques. 

Le texte de la coalition publié sur son site internet précise en effet :

"1. Limiter la consommation et la production de plastique à des niveaux durables

La consommation et la production de plastique ont atteint des niveaux insoutenables. La consommation de plastique a quadruplé au cours des 30 dernières années. La production mondiale de plastique a doublé entre 2000 et 2019 pour atteindre 460 millions de tonnes. Une grande partie de cette croissance est due à l'augmentation massive de la production de plastiques à usage unique pour les emballages et les biens de consommation, qui représente la moitié de la production de déchets plastiques. Les projections actuelles prévoient que la production de plastique doublera au cours des 20 prochaines années. Le monde ne sera pas en mesure de gérer le volume des déchets plastiques et d'éviter les fuites. Le traité sur la pollution plastique devrait inclure des mesures de contrôle qui minimiseront la demande de plastiques et augmenteront l'offre de plastiques recyclés pour être utilisés dans de nouveaux produits en plastique." (nous soulignons)

Pour éclairer ce débat, il serait très précieux d'introduire dans le futur accord international sur la pollution plastique un appareil de définitions précises, notamment des notions de "matières primaires" et de "matières secondaires".

II. Le débat sur l'objectif de promotion d'une économie circulaire

Pour parvenir à cet objectif d'une production et d'une consommation durables de plastiques, la résolution 5/14 de l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement comporte une liste des principales dispositions de ce futur "instrument". Cette liste fait référence à l'économie circulaire comme moyen de parvenir à une production et une consommation durable de plastique, dés son deuxième point : "(b) To promote sustainable production and consumption of plastics through, among other things, product design and environmentally sound waste management, including through resource efficiency and circular economy approaches ;"

On observera que, dans cette liste également, le verbe "réduire" est uniquement associé à la pollution plastique en aval et non à la production de plastiques en amont : "(c) To promote national and international cooperative measures to reduce plastic pollution in the marine environment, including existing plastic pollution"

Le rapport du CIN publié au terme de la première session de travail en Uruguay mentionne à de nombreuses reprises l'expression "économie circulaire". Le titre même du rapport publié par le secrétariat du CIN en amont de la deuxième session de travail démontre que la notion d'économie circulaire est au centre des négociations : "Turning off the Tap. How the world can end plastic pollution and create a circular economy".

La définition de notion d'économie circulaire peut recevoir des interprétations différentes en fonction des priorités retenues. Schématiquement, il est possible d'identifier les deux catégories d'interprétations suivantes, lesquelles s'opposent non pas totalement mais du point de vue des priorités.

  • Une première école de pensée défend l'idée qu'une économie circulaire suppose d'abord de réduire notre pression et notre consommation de ressources naturelles. En droit français, au sein du code de l'environnement, la transition vers une économie circulaire est un "engagement" pris pour la réalisation de l'objectif de développement durable. Et la définition de la notion d'économie circulaire inscrite depuis 2015 à l'article L.110-1-1 du code de l'environnement fait bien état de l'exigence d'"une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires".
  • Une deuxième école de pensée, donne plutôt la priorité à une meilleure gestion des déchets. Laquelle peut ou non avoir pour effet de réduire la production à la source de matières plastiques dites primaires. A titre d'exemple, le "Beat Plastic Pollution Practical Guide" publié par le PNUE à l'occasion de la journée mondiale de l'environnement et à la veille de la deuxième session de négociation qui s'ouvre à Paris ce 29 mai 2023 définit l'économie circulaire de la manière suivante (page 15) : "Circularity in plastics requires the simultaneous acceleration of three market shifts: reuse, recycling and reorienting and diversifying of plastic to more sustainable alternatives. So, while recycling is one piece of the puzzle, there needs to be a systemic transformation to achieve a circular economy." La priorité est donc ici donnée à la réutilisation et au recyclage des déchets de plastiques et non, directement, à la réduction, à la source, de la production de plastiques avant utilisation. 

Comme cela a été précisé plus haut, le secrétariat du Comité intergouvernemental (CIN) qui se réunit cette semaine à Paris a publié un document préparatoire constitué de toutes les options de rédaction du futur "instrument international" à partir des contributions des Etats parties.

Dés la page 4 du document, au titre des grands objectifs qui pourraient être attribués au texte, apparaît, en option, celle de d'encourager une "économie circulaire des matières plastiques pour mettre fin à la pollution plastique" :

"9. Le comité peut envisager de détailler l'objectif ou les objectifs de l'instrument en utilisant l'une des déclarations suivantes ou une combinaison de celles-ci :
(a) mettre fin à la pollution plastique, en protégeant la santé humaine et l'environnement contre ses effets néfastes tout au long du cycle de vie du plastique ;
(b) protéger la santé humaine et l'environnement contre les effets néfastes de la pollution plastique tout au long du cycle de vie du plastique ;
(c) réduire la production, l'utilisation et le rejet de matières plastiques tout au long de leur cycle de vie, notamment en promouvant une économie circulaire des matières plastiques pour mettre fin à la pollution plastique d'ici l'année X et protéger la santé humaine et l'environnement contre ses effets néfastes.
"

Il est exact que l'option faisant état de la notion d'économie circulaire prévoit de "réduire la production". Il ne s'agit toutefois que d'une option et il est difficile, à défaut d'un appareil de définitions, de s'assurer de quel type de réduction il pourrait s'agir. Une autre option fait référence à la seule réduction de matière plastiques primaires : 

"10. Le comité pourrait envisager d'inclure tout ou partie des options suivantes lors de la conception des mesures de réglementation et des approches volontaires.
(a)
Options concernant les objectifs :

(i) fixer des objectifs globaux pour réduire la production de matières premières plastiques primaires ;
" (nous soulignons).

III. La mise en avant du principe de responsabilité élargie du producteur

Un projet de convention internationale relative à la protection de l'environnement est le plus souvent commenté en fonction des objectifs chiffrés qu'il comporte ou sur son caractère juridiquement contraignant. Pourtant, le plus intéressant réside le plus souvent dans les procédures qu'il met en place.

A ce titre, il est remarquable que le document préparatoire précité mette en avant le principe de responsabilité élargie du producteur de produits générateur déchets, d'ores et déjà inscrit en droit français depuis 1975 et défini en ces termes à l'article L.541-10 du code de l'environnement

"En application du principe de responsabilité élargie du producteur, il peut être fait obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent."

Le principe de responsabilité élargie du producteur figure également à l'article 8 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets

"1. En vue de renforcer le réemploi, la prévention, le recyclage et autre valorisation en matière de déchets, les États membres peuvent prendre des mesures législatives ou non pour que la personne physique ou morale qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits (le producteur du produit) soit soumise au régime de responsabilité élargie des producteurs.

De telles mesures peuvent notamment prévoir le fait d'accepter les produits renvoyés et les déchets qui subsistent après l'utilisation de ces produits, ainsi que la gestion qui en découle et la responsabilité financière de telles activités. Ces mesures peuvent prévoir l'obligation de fournir des informations accessibles au public sur la mesure dans laquelle le produit peut faire l'objet d'un réemploi ou être recyclé."

L'un des commentaires du document préparatoire précise (page 7) souligne l'intérêt de mettre en place des régimes de responsabilité élargie du producteur :

"Commentaire : selon un scénario de statu quo, les quantités de déchets plastiques devraient passer de 353 millions de tonnes par an en 2019 à 1 014 millions de tonnes par an en 2060.9 Il convient de renforcer la gestion et l'élimination écologiquement rationnelles des déchets plastiques dans le monde entier. Les petits États insulaires en développement, en particulier, font face à des défis uniques. Les régimes de responsabilité élargie du producteur peuvent rendre les producteurs responsables de l'incidence de leurs produits sur l'environnement tout au long du cycle de vie, en accélérant le marché du recyclage des déchets, en incitant les producteurs à créer des produits dans une optique de circularité et en réduisant les fuites de déchets plastiques dans l'environnement. Les mesures prises à d'autres stades du cycle de vie, en particulier plus tôt dans le cycle, peuvent également réduire la quantité de déchets à traiter et leur nature, ce qui facilite la mise en œuvre efficace des systèmes de gestion des déchets."

L'une des options du document préparatoire prévoit de "mettre en place des régimes de responsabilité élargie du producteur pour encourager le recyclage, en tenant compte de la situation nationale. Les options relatives à ces systèmes sont les suivantes : a. des plans d'action dans le cadre desquels des redevances sont perçues auprès des fabricants de matières plastiques et des producteurs de produits plastiques ; / b. un ensemble de lignes directrices encadrant les régimes de responsabilité élargie du producteur ;".

Il n'est donc pas impossible que pour sortir du débat relatif à la réduction de la production de plastiques ou de la seule pollution plastique, le CIN choisisse de mettre en avant le principe de responsabilité élargie du producteur qui présenterait l'avantage "politique" de faire peser le financement de la prévention des déchets sur les producteurs et de permettre aux Etats, au cas par cas, de choisir les moyens utiles à la prévention et à la gestion des déchets.

Arnaud Gossement

Avocat et professeur asssocié à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne








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