Pénal : le capitaine, en tant que garant de la sécurité du navire et de la protection de l’environnement, peut voir sa responsabilité engagée (Cour de cassation)
Par arrêt du 24 novembre 2020 (n° 19-87.651), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que le capitaine, « en tant que garant de la sécurité du navire et de son équipage, de la protection de l'environnement et de la sûreté », est tenu personnellement de connaître et de faire respecter les règles relatives à la pollution par les rejets des navires.
Dans cette affaire, à la suite d'un contrôle du combustible utilisé par un navire de croisière appartenant à une société britannique et placé sous le commandement de M. G., ce dernier a été cité devant le tribunal correctionnel pour pollution de l'air en raison de l'utilisation, par un navire en mer territoriale, de combustible dont la teneur en soufre est supérieure aux normes autorisées.
La société britannique a également été citée à comparaitre, sur le fondement de l'article L. 218-23 du code de l'environnement lequel autorise le tribunal a décidé que le paiement des amendes prononcées à l'encontre du capitaine soit, en totalité ou en partie, à la charge du propriétaire ou de l'exploitant du navire.
Le tribunal correctionnel a déclaré le capitaine du navire coupable et l'a notamment condamné à une amende de 100 000 euros mise à la charge de la société britannique propriétaire du navire à hauteur de 80 000 euros. Ces derniers ont ensuite interjeté appel de cette décision. La cour d'appel d'Aix-en-Provence a, par arrêt du 12 novembre 2019, relaxé le capitaine du navire. Le procureur général a donc formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
En premier lieu, l'auteur du pourvoi en cassation reproche notamment à la juridiction d'appel de s'être contentée d'analyser l'élément intentionnel de la faute pénale reprochée au capitaine « alors qu'il lui appartenait de rechercher si les éléments constitutifs de la négligence fautive sont réunis ».
A cet égard, le pourvoi rappelle les dispositions de l'article 121-3 du code pénal, repris à l'article L. 218-19 du code de l'environnement :
« […] les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer. »
Selon l'auteur du pourvoi en cassation, le capitaine doit ainsi être regardé comme auteur d'une négligence fautive.
En deuxième lieu, la Cour de cassation relève que pour relaxer le prévenu, la cour d'appel s'est fondée sur les déclarations du capitaine qui « n'a jamais admis avoir eu connaissance de l'obligation d'utiliser un combustible dont la teneur en soufre ne devait pas dépasser 1,5 % et a expliqué ne disposer d'aucune maîtrise sur l'approvisionnement en combustible qui était décidé par un service de la compagnie basé à Hambourg ».
En effet, la juridiction d'appel a notamment retenu que le capitaine n'a fait que suivre les instructions de sa compagnie et pouvait ainsi « légitimement penser qu'elles étaient conformes à la législation qu'il devait respecter ».
En dernier lieu, la Cour de cassation juge néanmoins qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
En effet, la Haute juridiction précise, d'une part, que le capitaine est « garant de la sécurité du navire et de son équipage, de la protection de l'environnement et de la sûreté » et d'autre part, qu'il est tenu personnellement à ce titre « de connaître et de faire respecter les règles relatives à la pollution par les rejets des navires ». Elle en conclut que le capitaine du navire doit ainsi s'assurer de la conformité à la législation du combustible utilisé.
Par conséquent, la Cour de cassation « casse et annule » l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 12 novembre 2019 prononçant la relaxe du capitaine du navire, et renvoie le litige devant la cour d'appel de Rennes.
Laura Picavez
Avocate – Cabinet Gossement Avocats
When you subscribe to the blog, we will send you an e-mail when there are new updates on the site so you wouldn't miss them.
Sur le même sujet:
Urbanisme : le Gouvernement propose de créer, pour l'installation d'équipements de production d'énergies renouvelables, une dérogation à certaines conditions, à certaines règles du plan local d'urbanisme (Projet de loi de simplification de la vie économique)
[webinaire] 30 mai 2024 : le point sur l'obligation de production d'énergie solaire ou de végétalisation des bâtiments et parcs de stationnement
Dérogation espèces protégées : un projet de parc éolien ne répond pas à une raison impérative d'intérêt public majeur s'il n'apporte "qu'une contribution modeste à la politique énergétique nationale de développement de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie dans un département qui ne souffre d'aucune fragilité d'approvisionnement électrique et compte déjà un grand nombre de parcs éoliens" (Conseil d'État, 18 avril 2024, n°471141)
Responsabilité élargie du producteur : la loi n°2024-364 du 22 avril 2024 élargit le champ d’application de la filière "piles et accumulateurs" aux batteries ainsi que celui de la notion de "producteur"
Une commune a-t-elle le droit de contribuer au financement d'une société de production d'énergies renouvelables alors qu'elle a transféré sa compétence "énergies renouvelables" à un établissement public de coopération intercommunale ? (TA Rennes, 25 janvier 2024, n°23NT01257 et CAA Nantes, 19 avril 2024, n°23NT01257)
By accepting you will be accessing a service provided by a third-party external to https://blog.gossement-avocats.com/