Eolien : annulation d’un refus d’autorisation d’exploiter en raison de l’inopposabilité d’un schéma régional et de l’absence d’atteinte aux paysages (CAA Douai)
Par arrêt du 7 février 2019 (n° 16DA02365), la Cour administrative d'appel de Douai a jugé qu'il ne peut être invoqué, pour justifier un refus d'autorisation d'exploiter un parc éolien, une méconnaissance des prescriptions relatives à la sécurité de la navigation aérienne lorsque le radar n'était plus en fonctionnement lors de la décision de refus, ni une opposabilité des dispositions du SRE lorsque celui-ci a été annulé rétroactivement, ni une atteinte aux paysages lorsque le site ne présente aucun intérêt particulier et qu'il est, en outre, déjà couvert par de nombreuses éoliennes.
Dans cette affaire, une société a sollicité la délivrance d'une autorisation d'exploiter, au titre de la législation ICPE, pour son projet de parc éolien composé de vingt-et-une éoliennes et cinq postes de livraison sur le territoire de trois communes situées dans la région Nord-Pas-de-Calais.
Par arrêté du 11 août 2014, le Préfet du Pas-de-Calais a refusé d'accorder cette autorisation. La société a alors saisi le Tribunal administratif de Lille d'un recours en annulation de cet arrêté du 11 août 2014.
Or, par jugement n° 1406875 du 11 octobre 2016, le Tribunal administratif a rejeté cette demande. La société requérante a donc interjeté appel devant la Cour administrative d'appel de Douai.
En premier lieu, la Cour rappelle que l'arrêté litigieux du 11 août 2014 est fondé sur trois motifs de refus tirés de :
1/ L'atteinte aux paysages ;
2/ La méconnaissance des orientations du schéma régional éolien (SRE) ;
3/ La méconnaissance des prescriptions de l'article 4 de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).
En deuxième lieu, sur la méconnaissance des prescriptions de l'article 4 de l'arrêté ministériel du 26 août 2011, la Cour relève que cet article 4 a pour objet d'encadrer l'implantation des éoliennes " de façon à ne pas perturber de manière significative le fonctionnement des radars et des aides à la navigation utilisés dans le cadre des missions de sécurité de la navigation aérienne et de sécurité météorologique des personnes et des biens ".
Or, la juridiction d'appel retient que " à la date du présent arrêt, le radar militaire de la base de Cambrai n'est plus en fonctionnement, et que l'installation des éoliennes en cause n'est susceptible de perturber le fonctionnement d'aucun radar ou système d'aide à la navigation ".
Ce faisant, la Cour administrative d'appel de Douai écarte le moyen tiré de la méconnaissance des règles d'implantation fixées par l'article 4 de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 précité.
En troisième lieu, sur la méconnaissance des orientations du schéma régional éolien, la Cour rappelle, tout d'abord, que le Tribunal administratif de Lille a, par un jugement du 19 avril 2016, annulé l'arrêté du 25 juillet 2012 par lequel le Préfet de région avait approuvé le SRE du Nord-Pas-de-Calais.
La Cour rappelle ensuite que la Cour administrative d'appel de Douai a confirmé, par arrêt du 27 septembre 2018 devenu définitif, l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2012, en se fondant, tout comme le Tribunal administratif, sur un vice de procédure tenant à l'absence d'évaluation environnementale préalable.
La juridiction d'appel déduit de cette annulation rétroactive et définitive de l'arrêté approuvant ce SRE, que le schéma régional éolien est désormais inopposable.
Ce faisant, la Cour administrative d'appel de Douai écarte ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des orientations prévues dans le SRE.
En dernier lieu, sur le motif tiré de l'atteinte aux paysages, la Cour rappelle qu'il résulte des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement que pour statuer sur une demande d'autorisation d'exploitation ICPE, il appartient au préfet de s'assurer que le projet ne méconnait pas l'exigence de protection des paysages.
Sur ce point, la juridiction d'appel précise qu' " il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installations, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ".
Au cas d'espèce, la Cour juge qu'il ne ressort pas des éléments versés au débat que le site d'implantation du projet bénéficierait d'une quelconque protection, ni qu'il présenterait un intérêt particulier.
En effet, il ressort de l'instruction que le site est situé au sein d'un paysage de vaste plaine dédiée en partie à l'agriculture intensive. La Cour relève également que le site se trouve dans un " territoire favorable au développement éolien et notamment de densification éolienne ".
Par ailleurs, l'effet d'inter-visibilité entre éoliennes préexiste au projet en cause, la zone d'implantation étant déjà couverte par de nombreuses éoliennes, de sorte que la Cour constate que le risque de concurrence visuelle des communes situées à proximité du projet n'est pas établi.
Ce faisant, la Cour administrative d'appel de Douai juge qu'aucune atteinte aux paysages de nature à justifier un refus d'autoriser d'exploiter, n'est caractérisée.
En conséquence, la Cour administrative d'appel de Douai a annulé le jugement du Tribunal administratif de Lille attaqué ainsi que l'arrêté préfectoral du 11 août 2014 litigieux, et enjoint au Préfet de réexaminer la demande d'autorisation d'exploiter.
Laura Picavez
Avocate – Cabinet Gossement Avocats
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