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Autorité environnementale : retour sur l'avis du Conseil d'Etat du 27 septembre 2018

Ce 27 septembre 2018, le Conseil d'Etat a rendu un avis très attendu sur les conditions de régularisation d'une autorisation environnementale dont la légalité est affectée par l'irrégularité de l'avis émis par l'autorité environnementale. Un avis complexe qui appelle une analyse très attentive de son sens et de sa portée.

Résumé. L'avis rendu par le Conseil d'Etat ce 27 septembre 2018 témoigne du souci de la Haute juridiction de parvenir à un objectif bien précis : la régularisation des projets affectés par un avis irrégulier de l'autorité environnementale.

Lorsque le préfet de région a signé et l'avis de l'autorité environnementale et la décision sur la demande d'autorisation environnementale, le juge saisit d'un recours contre cette dernière peut procéder à sa régularisation. Le terme régularisation ne doit pas ici être entendu au sens de "validation". L'autorisation litigieuse fera l'objet d'une nouvelle instruction administrative, plus ou moins complète.

Cet avis du Conseil d'Etat est intéressant à plusieurs titres.

En premier lieu, cet avis permet de mieux identifier le vice de procédure dont la régularisation peut être requise. C'est bien dans l'hypothèse où une même autorité - le préfet de région - a signé l'avis de l'autorité environnementale et la décision de rejet ou d'octroi de l'autorisation demandée que naît le vice de procédure tenant à l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale.

En deuxième lieu, la régularisation de l'autorisation dont la légalité est affectée par ce vice de procédure peut prendre plusieurs formes.

En cours d'instance, le juge administratif peut surseoir à statuer sur la demande d'annulation et organiser une procédure de régularisation du vice de procédure. Cette régularisation supposera de saisir la mission régionale de l'autorité environnementale puis d'organiser une consultation du public. Laquelle pourra prendre la forme, soit d'une enquête publique complémentaire, soit d'une mise à disposition sur internet du nouvel avis de l'autorité environnementale.

Après l'instance, le juge administratif peut, à la suite d'une décision d'annulation de l'autorisation affectée par ce vice de procédure, indiquer quelle est la phase de l'instruction qu'il convient de régulariser. Le juge administratif n'est toutefois pas appelé à préciser les modalités même de régularisation de cette phase.

Enfin, il convient de souligner que cet avis du 27 septembre 2018 ne constitue pas un vademecum de la régularisation de toutes les décisions affectées par un avis irrégulier de l'autorité environnementale. Cet avis ne porte que sur certaines hypothèses, celles visées par le tribunal administratif d'Orléans dans sa saisine.

I. Rappel du contexte

Les décisions du Conseil d'Etat des 6 et 28 décembre 2017. Pour mémoire, par deux décisions du 6 et du 28 décembre 2017, le Conseil d'Etat a annulé plusieurs dispositions du décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 portant réforme de l'autorité environnementale et du décret n°2016-1110 du 11 août 2016 relatif à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes.

Le Conseil d'Etat ainsi annulé ainsi des dispositions qui ont eu pour effet de maintenir ou de prévoir au sein du code de l'environnement que le préfet de région peut, pour certains projets, être à la fois l'autorité environnementale qui émet un avis sur l'évaluation environnementale dudit projet et l'autorité décisionnaire sur la demande présentée à l'administration.

La demande d'avis du Tribunal administratif d'Orléans. Par un jugement n°1602358 du 24 avril 2018, le Tribunal administratif d'Orléans a adressé plusieurs questions au Conseil d'Etat :

1°) Si le juge envisageait de surseoir à statuer, il appartiendrait à l'autorité compétente de procéder à la régularisation en faisant application des dispositions en vigueur à la date à laquelle la décision attaquée a été prise. Ce renvoi aux dispositions alors en vigueur concerne-t-il les modalités de mise en oeuvre de la formalité viciée et, en l'espèce, le vice entachant l'avis de l'autorité environnementale peut-il être considéré comme régularisable au regard des dispositions de l'article R. 122-6 du code de l'environnement '

2°) Dans l'affirmative, quelles seraient les modalités de régularisation adaptées permettant l'information du public


3°) Si le tribunal était conduit à prononcer une annulation, avec quel degré de précision le juge pourrait-il inviter l'administration à reprendre l'instruction pour éviter qu'elle ne reparte sur des éléments viciés '

L'avis rendu le 27 septembre 2018 par le Conseil d'Etat comporte des réponses à ces questions.

II. La question de l'identification du vice de procédure

Avant de s'interroger sur les conditions de régularisation d'un avis de l'autorité environnementale, il convient de préciser dans quels cas cet avis est irrégulier et, partant, constitutif d'un vice de procédure. En d'autres termes : Dans quelle hypothèse l'avis de l'autorité environnementale est-il irrégulier et constitutif d'un vice de procédure ?

Il s'agit là d'une question absolument essentielle qu'il convient d'étudier avant de s'interroger sur les conditions de régularisation de l'irrégularité d'un avis de l'autorité environnementale.

Sur ce point, l'avis rendu ce 27 septembre 2018 par le Conseil d'Etat comporte une précision importante :

"Le vice de procédure qui résulte de ce que l'avis prévu par le III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement a été rendu par le préfet de région en qualité d'autorité environnementale dans un cas où il était par ailleurs compétent pour autoriser le projet, ainsi que le prévoyait, à la date de la décision attaquée, l'article R. 122-6 du même code, peut être réparé par la consultation, sur le projet en cause, à titre de régularisation, d'une autorité présentant les garanties d'impartialité requises."

Cette phrase précise la portée exacte des décisions rendues par la Haute juridiction les 6 et 28 décembre 2017 : l'avis de l'autorité environnementale constitue un vice de procédure lorsqu'il a été émis par le préfet de région également signataire de l'autorisation intervenue au terme de la procédure.

Si cette interprétation est exacte, il conviendrait de considérer que l'avis de l'autorité environnementale n'est pas irrégulier lorsque le préfet de région n'est pas signataire : et de l'avis de l'autorité environnementale et de l'autorisation demandée.

Si l'on pousse le raisonnement à son terme : le vice de procédure n'est pas intrinsèque à l'avis de l'autorité environnementale. Il ne procède pas de la signature du seul avis de l'autorité environnementale mais de la double signature : et de l'avis de l'autorité environnementale et de l'autorisation environnementale. Sur ce point, l'avis du Conseil d'Etat est susceptible d'être débattu car le vice de procédure ne tient en effet pas à la signature de l'avis de l'autorité environnementale mais à la double signature de cet avis et de la décision. C'est bien du rapprochement entre deux objets - les signatures de l'avis et de la décision - que naît le vice de procédure. La question est ici de savoir si le motif de l'illégalité de la décision tient à l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale ou à l'incompétence du signataire

Cette remarque n'est pas que théorique mais bien pratique. Dans le cas où le préfet de région a signé l'avis et la décision alors qu'il aurait pu confier à un préfet de département le soin de signer la décision, la régularisation du vice de procédure ne devrait pas nécessiter un nouvel avis de l'autorité environnementale mais bien une nouvelle signature de la décision.

En synthèse dans quels cas faut il engager une procédure de régularisation ?

1. Si le préfet de région a signé l'avis de l'autorité environnementale - sur le fondement de l'IV de l'article R.122-6 du code de l'environnement tel qu'annulé par le Conseil d'Etat - et l'autorisation : il convient d'engager une procédure de régularisation.

2. Si le préfet de région a signé l'avis de l'autorité environnementale et un refus d'autorisation : le refus d'autorisation peut être jugé irrégulier (cela a été jugé ainsi par le Tribunal administratif d'Orléans) Pour autant, ce vice de procédure devrait pouvoir être régularisé en confiant au préfet de département (si celui-ci est distinct du préfet de région) le soin de signer la décision de confirmation de refus ou d'autorisation. A noter : cette hypothèse n'est pas traitée par l'avis du Conseil d'Etat du 27 septembre 2018.

3. Si le préfet de région a signé l'avis de l'autorité environnementale et qu'un autre préfet a signé la décision : l'avis du Conseil d'Etat ne tranche explicitement pas ce point. Mais selon notre lecture de l'avis rendu ce 27 septembre 2018 et de la jurisprudence administrative postérieure à cet avis, l'absence de double signature démontre l'absence de vice de procédure. Dans cette hypothèse, il ne devrait pas y avoir besoin d'annuler la décision comme procédant d'un vice de procédure constitué par l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale.

III. La question de la régularisation du vice de procédure

Dans l'hypothèse où le vice de procédure est constitué, il convient d'étudier les conditions de sa régularisation pour déterminer si celle-ci est possible et comment. Précisons d'emblée

La régularisation de l'avis en cours d'instance.

Aux termes de l'avis du Conseil d'Etat, le vice de procédure tenant à l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale peut être régularisé par la consultation "d'une autorité présentant les garanties d'impartialité requises".

La saisine de la mission régionale de l'autorité environnementale

Reste à déterminer quelle est l'autorité qui peut régulièrement faire office d'autorité environnementale. Le Conseil d'Etat ayant annulé en décembre 2017 les dispositions réglementaires qui permettaient au préfet de région d'assurer cette fonction, comment identifier la personne susceptible de remplir désormais le rôle de l'autorité environnementale ?

Sur ce point, le Conseil d'Etat formule deux hypothèses

- soit les dispositions annulées ont été remplacées par de nouvelles dispositions : le juge administratif peut s'y "référer"

- soit ces dispositions annulées n'ont pas été remplacées : le juge administratif peut se référer aux dispositions du décret du 28 avril 2016 qui n'ont pas été annulées et qui organisent le travail de la mission régionale de l'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable

Dans tous les cas, il est fort probable que l'administration choisira de saisir la mission régionale de l'autorité environnementale.

L'avis précise ici :

"A cette fin, si de nouvelles dispositions réglementaires ont remplacé les dispositions annulées de l'article R. 122-6 du code de l'environnement, le juge peut s'y référer. A défaut, pour fixer des modalités de régularisation permettant de garantir que l'avis sera rendu par une autorité impartiale, le juge peut notamment prévoir que l'avis sera rendu dans les conditions définies aux articles R. 122-6 à R. 122-8 et R. 122-24 du code de l'environnement par la mission régionale de l'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable créée par le décret du 28 avril 2016. Cette mission est en effet une entité administrative de l'Etat séparée de l'autorité compétente pour autoriser un projet, dont il a été jugé par la décision mentionnée ci-dessus du Conseil d'Etat qu'elle dispose d'une autonomie réelle la mettant en mesure de donner un avis objectif sur les projets qui lui sont soumis dans le cadre de sa mission d'autorité environnementale."

Ainsi, même sans texte attribuant explicitement cette compétence à la mission régionale de l'autorité environnementale, le juge administratif peut ordonner que cette dernière émette le nouvel avis de l'autorité environnementale dans le cadre d'une procédure de régularisation. A la suite des conclusions de Monsieur le rapporteur public, cette possibilité a été retenue par le Conseil d'Etat dans l'idée que l'objectif poursuivi ici par le droit de l'Union européenne autorise l'administration à saisir cette mission.

La consultation du public : enquête publique ou mise à disposition sur internet

A la suite de l'avis qui sera rendu par la mission régionale de l'autorité environnementale, le Conseil d'Etat formule deux hypothèses.

Hypothèse I : le nouvel avis de l'autorité environnement diffère substantiellement du premier. Une nouvelle enquête publique complémentaire est nécessaire

L'avis précise ici : "6. Dans l'hypothèse d'une régularisation de l'avis de l'autorité environnementale mise en oeuvre dans les conditions définies au point 3 ci-dessus, le juge pourra préciser que, dans le cas où l'avis de l'autorité environnementale recueilli à titre de régularisation, qui devra être rendu en tenant compte d'éventuels changements significatifs des circonstances de fait, diffère substantiellement de celui qui avait été porté à la connaissance du public à l'occasion de l'enquête publique dont le projet a fait l'objet, une enquête publique complémentaire devra être organisée à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l'environnement, dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l'avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par le nouvel avis, notamment une insuffisance de l'étude d'impact."

Hypothèse II : le nouvel avis de l'autorité environnement ne diffère pas substantiellement du premier. Une simple mise en ligne sur internet du nouvel avis de l'autorité environnementale suffit.

L'avis précise ici : "Le juge pourra également préciser que, dans le cas où aucune modification substantielle n'aurait été apportée à l'avis, l'information du public sur le nouvel avis de l'autorité environnementale recueilli à titre de régularisation pourra prendre la forme d'une simple publication sur internet, dans les conditions prévues à l'article R. 122-7 du code de l'environnement."

A noter : si une mise à disposition sur internet a été réalisée alors qu'une enquête publique complémentaire était nécessaire, le juge administratif peut ordonner qu'une enquête publique complémentaire soit organisée. Ce qui revient à organiser une double régularisation d'une même autorisation.

L'avis précise ainsi :

"7. Dans l'hypothèse où le juge, saisi d'un moyen en ce sens, constate qu'il a été procédé à une simple publication sur internet du nouvel avis de l'autorité environnementale alors qu'il apportait des modifications substantielles à l'avis initial, il lui revient, avant de statuer sur la décision attaquée, de rechercher si ce nouveau vice peut être régularisé et de prévoir le cas échéant, à cette fin, qu'une enquête publique complémentaire devra être organisée."

La régularisation de l'avis après instance

Le juge administratif peut prévoir une régularisation de l'autorisation litigieuse après avoir décidé de son annulation. Dans ce cas, la procédure de régularisation sera organisée après l'instance.

Le principe est alors le suivant : le juge doit identifier la phase de la procédure d'instruction qui doit être régularisée mais n'est pas tenu de préciser les modalités selon lesquelles l'instruction doit être reprise.

L'avis du Conseil d'Etat précise :

"8. Les dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement qui prévoient l'annulation de l'une des trois phases de l'instruction de la demande définies à l'article L. 181-9 du même code, à savoir la phase d'examen, la phase d'enquête publique et la phase de décision, n'ont pas pour objet de dispenser le juge, s'il n'estime pas pouvoir surseoir à statuer en vue d'une régularisation, de prononcer l'annulation, selon le cas, de l'autorisation dans son ensemble ou d'une partie divisible de celle-ci, mais elles l'invitent à indiquer expressément dans sa décision quelle phase doit être regardée comme viciée, afin de simplifier la reprise de la procédure administrative en permettant à l'administration de s'appuyer sur les éléments non viciés pour prendre une nouvelle décision. En revanche, il n'entre pas dans son office de préciser les modalités selon lesquelles l'instruction doit être reprise, notamment dans le cas de dispositions réglementaires entachées d'illégalité ou en l'absence de dispositions applicables."

Le cabinet organise un petit déjeuner consacré à cet avis, le 12 octobre 2018.

Arnaud Gossement

Avocat associé - Gossement Avocats

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