Autorisation environnementale / éolien : publication du décret "simplification et clarification" du 29 novembre 2018
Le Gouvernement a publié au Journal officiel du 1er décembre 2018, le décret n° 2018-1054 du 29 novembre 2018 relatif aux éoliennes terrestres, à l'autorisation environnementale et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit de l'environnement.
Résumé. Le décret n°2018-1054 du 29 novembre 2018 comporte deux séries de dispositions :
- les articles 2 à 5 et 7 à 21 modifient plusieurs dispositions du code de l'environnement qui, principalement, intéressent le régime de l'autorisation environnementale et de certaines installations classées.
- les articles 6 et 23 à 25 intéressent le régime juridique des éoliennes terrestres et comportent, principalement, une réforme du contentieux administratif.
Introduction. A la suite des groupes de travail qui ont été réunis début 2018 au ministère de la transition écologique et solidaire pour élaborer, notamment, des propositions de simplification des régimes juridiques de l'éolien et solaire, un décret traduisant ces propositions en règles de droit était attendu.
Le décret n°2018-1054 possède cependant un objet assez limité. Sa principale mesure est relative à une réforme du contentieux administratif de l'éolien terrestre dont il n'est pas certain qu'elle réponde pleinement à l'ensemble des attentes. Surtout, il ne comporte aucune mesure relative à la régularisation des dossiers affectés par un éventuel motif d'illégalité tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale.
I. Les dispositions relatives au régime de l'autorisation environnementale
Sur le renforcement de l'information du public. Le décret n° 2018-1054 du 29 novembre 2018 ayant pour objet, entre autres, la simplification et la clarification du droit de l'environnement a modifié des dispositions du code de l'environnement relatives à l'information du public.
En premier lieu, l'article 3 du décret prévoit une information du public dans le cadre des mesures de police administrative, en créant l'article R. 171-1 du code de l'environnement :
Art. R. 171-1.- « En vue de l'information des tiers, les mesures de police administrative prévues à l'article L. 171-7 et au I de l'article L. 171-8 sont publiées sur le site internet des services de l'Etat dans le département pendant une durée minimale de deux mois. ».
En cas d'exploitation d'une installation ou d'un ouvrage sans autorisation, au sens large du terme, ou en violation des prescriptions applicables, l'autorité compétente peut prendre un arrêté de mise en demeure, suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages ou prescrire des mesures conservatoires (cf. articles L. 171-7 et L. 171-8 du code de l'environnement).
Jusqu'à présent, le code de l'environnement ne soumettait pas ces mesures de police à l'information du public. C'est aujourd'hui chose faite avec la création de l'article R. 171-1 du code de l'environnement.
Désormais, les mesures de police seront publiées sur le site internet des services de l'Etat dans le département, au minimum pour deux mois.
En deuxième lieu, l'article 9 du décret commenté vient allonger le délai de publication des arrêtés d'autorisation environnementale sur le site internet des services de l'Etat dans le département, d'un mois à quatre mois.
L'article R.181-44 du code de l'environnement dispose :
"En vue de l'information des tiers :
1° Une copie de l'arrêté d'autorisation environnementale ou de l'arrêté de refus est déposée à la mairie de la commune d'implantation du projet et peut y être consultée ;
2° Un extrait de ces arrêtés est affiché à la mairie de la commune d'implantation du projet pendant une durée minimum d'un mois ; procès-verbal de l'accomplissement de cette formalité est dressé par les soins du maire ;
3° L'arrêté est adressé à chaque conseil municipal et aux autres autorités locales ayant été consultées en application de l'article R. 181-38 ;
4° L'arrêté est publié sur le site internet de la préfecture qui a délivré l'acte pendant une durée minimale d'un mois des services de l'Etat dans le département où il a été délivré, pendant une durée minimale de quatre mois ;
(…) ».
Cette modification est cohérente avec le délai de quatre mois dont dispose le tiers intéressé pour contester un arrêté d'autorisation environnementale devant les juridictions administratives (cf. article R. 181-50 2° du code de l'environnement).
Il est notable toutefois que différents délais d'affichage ou de publication coexistent à présent :
- Deux mois pour les mesures de police ;
- Un mois pour l'affichage des arrêtés d'autorisation environnementale en mairie ;
- Quatre mois pour la publication des arrêtés d'autorisation environnementale sur internet.
Sur le contenu du dossier de demande d'autorisation environnementale. L'article 4 du décret prévoit que le pétitionnaire peut inclure dans le dossier de demande d'autorisation une « synthèse des mesures envisagées, sous forme de propositions de prescriptions » de nature à prévenir les dangers ou inconvénients sur les milieux aquatiques, l'environnement, la santé, l'agriculture, la nature et les paysages (cf. article L. 181-3 auquel renvoie aux articles R. 211-1 et L. 511-1).
Sur les avis consultatifs en matière d'autorisation IOTA. L'article 5 du décret modifie l'article R. 181-22 et supprime l'obligation pour le préfet de saisir pour avis :
- Le préfet maritime ;
- Le président de l'établissement public territorial de bassin.
Sur les dispositions applicables spécifiquement à l'instruction de demande d'autorisation d'un parc éolien. L'article 6 du décret prévoit de compléter l'article R. 181-32 et préciser les circonstances suivant lesquelles l'avis conforme des ministres de l'aviation civile et de la défense est sollicité.
Cet article prévoit également que l'établissement public chargé des missions de l'Etat en matière de sécurité météorologiques des personnes et des biens est saisi pour rendre un avis conforme, en lieu et place des « opérateurs radars et VOR ».
L'article 19 du décret prévoit que pour les installations éoliennes, le bénéfice des droits acquis est soumis aux règles de caducité prévues à l'article R. 181-48 et non plus à celles prévues à l'article R. 181-44 (cf. modification de l'article R. 515-109).
Sur les précisions relatives à l'émission des avis au cours de l'instruction.
- L'article 7 du décret complète l'article R. 181-33 en précisant que les avis sont rendus dans un délai de 45 jours, sauf disposition contraire « prévue dans la présente sous-section » (ajout surligné).
- L'article 8 du décret modifie l'article R. 181-41 en fixant le point de départ du délai de deux mois imparti au préfet pour statuer sur la demande à compter de l'envoi par le préfet du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur (et non de leur réception par le pétitionnaire).
De plus, l'article 8 du décret encadre plus strictement la prorogation éventuelle des délais prévus à l'article R. 181-41. Le décret prévoit que les délais sont prorogés (avec l'accord du pétitionnaire) par « arrêté motivé du préfet dans la limite de deux mois, ou pour une durée supérieure si le pétitionnaire donne son accord ».
Sur le régime des prescriptions complémentaires. L'article R. 181-45 est modifié (cf. article 10 du décret).
Il est désormais prévu que :
- préalablement à l'édiction de prescriptions complémentaires, le préfet procède, "lorsqu'elles sont nécessaires", à la consultation de l'ARS, du préfet de région ou encore des autorités consultées dans le cadre d'une autorisation un parc éolien (DGAC, ministre de la défense, ABF) ;
- le projet d'arrêté portant prescriptions complémentaires est transmis à l'exploitant, qui dispose d'un délai de 15 jours pour présenter ses observations (éventuelles) par écrit.
- le délai de rejet implicite de la demande d'adaptation des prescriptions est de quatre mois, au lieu de deux. Ce délai est porté à 5 mois en cas de saisine de la CDNPS ou du CODERST.
- l'arrêté portant prescription(s) complémentaire(s) sera désormais publié sur le site internet de la préfecture pendant une durée d'au moins 4 mois.
Sur les dispositions diverses, relatives aux IOTA et ICPE
- Les déclarations IOTA doivent être adressées au préfet de département en trois exemplaires et sous la forme électronique. L'envoi de la déclaration sous format électronique s'impose au déclarant, et n'est plus une option (cf. article 12 du décret modifiant l'article R. 214-32).
- Les autorisations ICPE délivrées pour une durée limitée. L'article 14 du décret supprime la disposition relative au renouvellement de l'autorisation accordée pour une durée limitée initialement prévue au II de l'article R. 512-36.
- S'agissant des installations mentionnées à l'annexe I de la directive n° 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (activités énergétiques, industrie minérale, chimique, etc.). L'article 17 du décret modifie les dispositions relatives à la consultation du public (cf. suppression de l'article R. 515-76, modification des articles R. 515-77 et R. 515-78).
II. Sur les dispositions relatives à l'éolien terrestre
Le décret comporte deux mesures destinées à réduire le traitement des recours formés contre les projets de parc éoliens devant les juridictions administratives
- L'attribution d'une compétence de premier et dernier ressort aux cours administratives d'appel pour connaître des litiges relatifs à l'éolien terrestre (article 23) ;
- La cristallisation automatique des moyens pour les seuls contentieux éoliens terrestres (article 24).
L'attribution d'une compétence de premier et dernier ressort aux cours administratives d'appel pour connaître des litiges relatifs à l'éolien terrestre
L'article 23 du décret du 29 novembre 2018 insère un article R. 311-5 au sein du code de justice administrative, ainsi rédigé :
« Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître, en premier et dernier ressort, des litiges portant sur les décisions suivantes, y compris leur refus, relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2 du code de l'environnement, à leurs ouvrages connexes, ainsi qu'aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés :
« 1° L'autorisation environnementale prévue par l'article L. 181-1 du code de l'environnement ;
« 2° La décision prise sur le fondement de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;
« 3° L'autorisation prise sur le fondement du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;
« 4° La dérogation mentionnée au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;
« 5° L'absence d'opposition au titre du régime d'évaluation des incidences Natura 2000 en application du VI de l'article L. 414-4 du code de l'environnement ;
« 6° Les autorisations prévues par les articles L. 5111-6, L. 5112-2 et L. 5114-2 du code de la défense ;
« 7° Les autorisations requises dans les zones de servitudes instituées en application de l'article L. 5113-1 du code de la défense et de l'article L. 54 du code des postes et des communications électroniques ;
« 8° L'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité prévue par l'article L. 311-1 du code de l'énergie ;
« 9° La déclaration d'utilité publique mentionnée à l'article L. 323-3 du code de l'énergie, hors les cas où elle emporte mise en compatibilité des documents d'urbanisme ;
« 10° La décision d'approbation du projet de détail des tracés prévue par l'article L. 323-11 du code de l'énergie ;
« 11° Pour les ouvrages d'acheminement de l'électricité, les décisions d'approbation prévues par les articles R. 323-26 et R. 323-40 du code de l'énergie ;
« 12° L'autorisation de défrichement prévue par les articles L. 214-13, L. 341-3, L. 372-4, L. 374-1 et L. 375-4 du code forestier ;
« 13° Les autorisations d'occupation du domaine public mentionnées à l'article R. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;
« 14° Les autorisations prévues par les articles L. 621-32 et L. 632-1 du code du patrimoine ;
« 15° Les prescriptions archéologiques mentionnées à l'article R. 523-15 du code du patrimoine ;
« 16° L'autorisation prévue par l'article L. 6352-1 du code des transports ;
« 17° Le permis de construire de l'installation de production délivré en application de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme dans les cas où cette installation n'en a pas été dispensée sur le fondement de l'article R. 425-29-2 de ce code ;
« 18° Pour les ouvrages d'acheminement de l'électricité, le permis de construire ou la décision de non-opposition à déclaration préalable du poste électrique délivrés en application des articles R. 421-1 ou R. 421-9 du code de l'urbanisme ;
« 19° Les décisions prorogeant ou transférant à un autre exploitant les autorisations mentionnées au présent article ;
« 20° Les décisions modifiant ou complétant les prescriptions contenues dans les autorisations mentionnées au présent article.
« La cour administrative d'appel territorialement compétente pour connaître de ces recours est celle dans le ressort de laquelle a son siège l'autorité administrative qui a pris la décision. ».
Il convient de souligner les éléments suivants.
1. La liste des décisions administratives contre lesquelles le recours en annulation devra être formé directement devant une cour administrative est assez longue et complète. On notera que sont concernées,
- les décisions d'octroi d'une autorisation mais également les décision de refus ;
- les décisions prorogeant ou transférant à un autre exploitant les autorisations précitées ;
- les décisions modifiant ou complétant les prescriptions contenues dans les autorisations mentionnées au présent article.
2. Les auteurs du décret n'ont pas concentré le contentieux éolien devant une même cour administrative d'appel, comme cela est le cas pour l'éolien en mer. Toutes les cours administratives d'appel seront compétentes. Ce qui est heureux pour, notamment, prévenir les risques d'engorgement.
La cristallisation automatique des moyens
Le décret insère dans le code de justice administrative un article R. 611-7-2 ainsi rédigé :
"Par dérogation à l'article R. 611-7-1, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1, lorsque la juridiction est saisie d'une décision mentionnée à l'article R. 311-5, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu'il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l'affaire le justifie."
Aux termes de ces dispositions, l'auteur d'un recours contre une décision administrative relative à un projet de parc éolien ne pourra plus produire de nouveaux moyens (catégories d'arguments), passé un délai de deux mois à compter de la communication du premier mémoire en défense.
La portée de cette mesure devrait être limitée. Elle aura sans doute pour effet d'amener les requérants à développer tous leurs moyens dés la requête introductive d'instance et ne leur interdira pas d'égrener de nouvelles précisions (branches des moyens) sous la forme d'écritures ou de pièces au fil des mémoires suivants. Il convient en effet de souligner que cette "cristallisation" ne concerne que les moyens et pas leurs branches ni les pièces.
Conclusion
Cette réforme du contentieux administratif de l'éolien terrestre présente aussi certaines limites.
En premier lieu, cette suppression de la saisine des tribunaux administratifs en première instance ne vaut que pour les litiges afférents aux décisions énumérées au nouvel article R.311-5 du code de justice administrative.
Certaines décisions qui intéressent le développement d'un parc éolien continuent de relever de la compétence des tribunaux administratifs. Il en va ainsi de l'ensemble des décisions qui seront prises pour élaborer, modifier ou réviser un document de planification tel un plan local d'urbanisme. Un contentieux contre ces décisions aura donc pour effet d'annuler en tout ou partie l'intérêt de cette réforme destinée à réduire le délai de traitement judiciaire des contentieux éoliens terrestres.
En deuxième lieu, cette réforme se borne à une suppression de la saisine des tribunaux administratifs. Il ne s'agit en aucun cas d'une procédure de rescrit juridictionnel qui aboutirait à une forme de "validation" de la décision contestée par des opposants au développement du projet de parc éolien.
Il est donc possible que la Cour administrative d'appel saisie rejette mais aussi accueille le recours. Dans ce cas, c'est le porteur du projet qui ne bénéficiera plus de la voie d'appel, laquelle est supprimée. Seul demeurera le pourvoi en cassation mais il s'agit d'une procédure souvent longue et le contrôle de cassation est nécessairement plus réduit sur les éléments de fait du dossier.
En troisième lieu, il aurait été préférable, ce compris pour l'éolien terrestre, de procéder aussi à une réforme d'ensemble.
- Pour réduire réellement les délais d'instruction administrative et judiciaire des dossiers éoliens, il convient sans doute de simplifier encore le droit applicable, notamment sur la cohabitation éolien/patrimoine. Il convient aussi de veiller à ce que les effectifs en préfecture et en juridiction soient suffisants pour traiter rapidement les dossiers.
- S'agissant du contentieux spécifiquement, il convient de continuer à travailler sur les sujets suivants : les possibilités de référé-suspension, l'obligation de notification de recours et d'information des bénéficiaires, le rejet des recours par ordonnances de tri, la preuve de l'intérêt à agir des requérants, l'assurance de la construction sous recours.
Arnaud Gossement - Emma Babin - Emilie Bertaina
Avocats - Cabinet Gossement Avocats
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