Le décret n° 2019-505 du 23 mai 2019 relatif à l'instruction par des prestataires privés des demandes d'autorisation d'urbanisme vient de paraître au Journal officiel. Il entrera en vigueur le 25 mai 2019. Présentation.

Auparavant, l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme était uniquement confiée aux services publics.

Le Gouvernement avait déjà eu l'occasion de préciser, dans une réponse ministérielle publiée dans le Journal officiel du Sénat du 19 juin 2014 (p. 1473), qu'au regard des textes en vigueur, une commune ne pouvait confier l'instruction des actes d'urbanisme à des prestataires privés.

Toutefois, par un jugement du 4 mai 2017 (n° 1409329), le tribunal administratif de Lyon a jugé, à l'inverse, que les textes en vigueur, limitant les personnes pouvant effectuer de tels actes d'instruction, n'interdisaient pas pour autant aux autorités compétentes de confier l'instruction de ces dossiers à des prestataires privés.

Dans la continuité de ce jugement, un amendement au projet de loi « ELAN » (portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique) a proposé d'inclure explicitement une telle possibilité au sein de la loi.
Cet amendement était ainsi motivé : " pour répondre aux interrogations des autorités compétentes et stabiliser le droit des sols car il en va de la légalité des actes d'urbanisme, il est indispensable de faire préciser par la loi cette possibilité qui semble intéresser nombre de collectivités ".

Cette proposition a été contestée au cours des débats, notamment avec l'argument selon lequel " cette mission constitue un service public administratif qu'il n'est pas souhaitable d'externaliser ".

Finalement, la loi ELAN, adoptée le 23 novembre 2018 (loi n° 2018-1021), a modifié l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme, en donnant cette possibilité de confier l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme à des prestataires privés aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale.

Les alinéas suivants ont ainsi été insérés en fin d'article :

" L'organe délibérant de la commune mentionnée à l'article L. 422-1 ou de l'établissement public de coopération intercommunale mentionné à l'article L. 422-3 peut confier l'instruction des demandes mentionnées au premier alinéa du présent article à un ou plusieurs prestataires privés, dans la mesure où l'autorité de délivrance mentionnée au même premier alinéa conserve la compétence de signature des actes d'instruction. Ces prestataires privés ne peuvent pas se voir confier des missions qui les exposeraient à un intérêt privé de nature à influencer, ou paraître influencer, l'exercice indépendant, impartial et objectif de leurs fonctions. Ils agissent sous la responsabilité de l'autorité mentionnée au sixième alinéa, et celle-ci garde l'entière liberté de ne pas suivre la proposition du ou des prestataires. Les missions confiées en application du présent alinéa ne doivent entraîner aucune charge financière pour les pétitionnaires.
Les modalités d'application de l'avant-dernier alinéa du présent article sont précisées par un décret en Conseil d'Etat. "

Ce sont ces précisions qui font l'objet du décret commenté.

Son article 1er complète simplement l'article R. 423-15 du code de l'urbanisme, en ajoutant ces prestataires à la liste des services pouvant être chargés de tels actes d'instruction, et en renvoyant aux conditions de l'article L. 423-1 précité :

" Dans le cas prévu à l'article précédent, l'autorité compétente peut charger des actes d'instruction :
a) Les services de la commune ;
b) Les services d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités ;
c) Les services d'un syndicat mixte ne constituant pas un groupement de collectivités ;
d) Une agence départementale créée en application de l'article L. 5511-1 du code général des collectivités territoriales ;
e) Les services de l'Etat, lorsque la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale remplit les conditions fixées à l'article L. 422-8.
f) Un prestataire privé, dans les conditions prévues au septième alinéa de l'article L. 423-1. "

Si l'on peut comprendre l'intérêt de telles dispositions pour les collectivités, il conviendra toutefois de rester attentif à leur mise en œuvre.

En effet, si cette possibilité existe désormais, il est important de souligner que les prestataires privés restent sous la responsabilité de l'autorité chargée de la délivrance de l'autorisation, et que celle-ci demeure libre dans sa décision finale.

Par ailleurs, la question des intérêts privés, " de nature à influencer ou paraître influencer, l'exercice indépendant, impartial et objectif de leurs fonctions ", est également un point qui pourrait s'avérer délicat en cas de recours contentieux contre une autorisation ayant été instruite dans ce cadre. 

Camille Pifteau
Avocate – Cabinet Gossement Avocats