Le décret n° 2020-1 du 2 janvier 2020 précise les conditions dans lesquelles la société à mission peut faire état publiquement de sa qualité ainsi que le régime applicable à l'organisme tiers indépendant chargé du suivi de l'accomplissement par la société de la mission qu'elle s'est attribuée.

Pour rappel, la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi "PACTE", a créé trois mesures pour favoriser la prise en considération des préoccupations sociales et environnementales par les entreprises :

- l'obligation pour toutes les sociétés de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux dans son activité (art. 1833 du code civil) ;

- la possibilité d'inscrire dans les statuts de l'entreprise une « raison d'être » (art. 1835 du code civil) ;

- la possibilité de devenir une entreprise à mission (art. L. 210-10 et suivants du code de commerce ; art. L. 110-1-1 à L. 110-1-3 du code de la mutualité).

Un décret d'application relatif aux sociétés à mission était attendu pour octobre 2019. Ce décret, finalement publié en janvier 2020, s'intéresse aux modalités de publicité de la qualité de société à mission et au régime applicable à l'organisme de contrôle.

Une publicité officielle auprès des tiers. La qualité de société à mission est un élément de communication non-négligeable permettant à l'intéressé de se démarquer de ses concurrents. Le législateur a saisi tout l'enjeu de cette nouvelle qualité car il a prévu à l'article L. 210-10 du code de commerce que la société à mission peut faire publiquement état de cette qualité.

Afin de rendre officielle cette nouvelle qualité – qui, rappelons-le, n'est pas une nouvelle catégorie juridique - le décret n° 2020-1 du 2 janvier 2020 prévoit que la mention « société à mission » apparaîtra au Registre du commerce et des sociétés (RCS) ou au répertoire SIRENE (cf. art. R. 123-53 et art. R. 123-222 du code de commerce).

Les nouvelles sociétés ou les sociétés existantes qui souhaiteraient faire état de la qualité de société à mission devront le préciser dans leur demande d'immatriculation ou d'inscription modificative.

L'inscription de la qualité de « société à mission » au sein même de l'extrait Kbis rend ce statut plus intéressant qu'un simple label.

L'organisme tiers indépendant, une garantie de l'effectivité du dispositif. Le dispositif ne prévoit pas sanction formelle en cas de non-respect par la société à mission du ou des objectifs qu'elle a fixés. Néanmoins, les risques d'atteinte à son image et celui de mise en cause de sa responsabilité par des tiers sont très fort. La loi PACTE prévoit en effet deux mécanismes pour garantir l'effectivité du dispositif : le suivi par un comité de mission chargé d'établir un rapport (auto-contrôle) et le suivi par un organisme tiers indépendant (contrôle externe).

Le décret commenté détermine le statut et les missions de cet organisme.

Tout d'abord, l'organisme tiers indépendant doit être accrédité par le COFRAC.

En principe, il sera désigné au sein de la société à mission par son organe en charge de la gestion, pour une durée initiale qui ne peut excéder six exercices. Le décret prévoit que cette désignation est renouvelable, dans la limite d'une durée totale de douze exercices.

L'organisme tiers indépendant réalisera les diligences suivantes :

- il procédera, tous les 2 ans à la vérification de l'exécution des objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité. La première vérification doit avoir lieu dans les 18 mois suivant la publication de la déclaration de la qualité de société à mission au RCS. Pour les PME (moins de 50 salariés permanents et absence du comité de mission), la première vérification a lieu dans les 24 mois suivant cette publication.

- après avoir procédé à toutes les vérifications utiles, sur place ou sur pièces, l'organisme tiers rendra un avis motivé qui retracera les diligences qu'il a mises en œuvre et indiquera si la société respecte ou non les objectifs fixés. Le cas échéant, il mentionnera les raisons pour lesquelles, selon lui, les objectifs n'ont pas été atteints ou pour lesquelles il lui a été impossible de parvenir à une conclusion.

L'avis de l'organisme tiers indépendant sera joint au rapport établi par le comité de mission (cf. 3° de l'article L. 210-10 du code de commerce) et publié sur le site internet de la société. Il demeure ensuite accessible publiquement au moins pendant cinq ans.

Le décret garantit une accessibilité de l'information par le public, ce qui est primordial pour l'effectivité de ce nouveau dispositif. En revanche, il est regrettable que les sociétés puissent se prévaloir de ce statut pendant 18, voire 24 mois, alors même qu'elles ne poursuivraient pas les missions qu'elles se sont assignées.

Emilie Bertaina

Avocate – Cabinet Gossement Avocats