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Espèces protégées : analyse de la décision du Conseil d’État du 30 décembre 2021 (n°439766)

Par une décision du 30 décembre 2021, le Conseil d'État a précisé le contenu de la notion d'intérêt public majeur, critère nécessaire à l'obtention d'une dérogation à l'interdiction de porter atteinte aux espèces protégées dans le cadre d'un projet d'aménagement. Analyse.

I. Les faits et la procédure

Par un arrêté du 14 mars 2005 du préfet de la Manche, la société X a été autorisée à exploiter, pendant une durée de vingt-cinq ans, une carrière de sable située sur le territoire de la commune de S. Cette durée a été prolongée à trente ans par un deuxième arrêté en date du 21 septembre 2016. Un troisième arrêté du 28 février 2017, pris sur le fondement de l'article L.411-2 du code de l'environnement, a octroyé à la société exploitante une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées.

A la demande d'une association, le tribunal administratif de Caen a été saisi d'un recours tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2017 en ce qu'il ne justifie pas d'une "raison impérative d'intérêt public majeur" pour octroyer une dérogation au principe d'interdiction de destruction d'"espèces protégées" à la société exploitante. Le tribunal administratif de Caen, par un jugement du 21 mars 2019, a fait droit à la demande de l'association et annulé l'arrêté préfectroal litigieux. L'appel formé par la société défenderesse contre ce jugement a été rejeté le 24 janvier 2020 par la cour administrative d'appel de Nantes. La société a alors introduit un pourvoi en cassation.

Par une décision du 30 décembre 2021, le Conseil d'État a rejeté le pourvoi de l'exploitant contre l'arrêt de confirmation de la Cour administrative d'appel de Nantes du 24 janvier 2020.

II. Commentaire

Par cette décision de rejet, le Conseil d'État poursuit l'entreprise de définition de la notion d'intérêt public majeur dans le cadre d'un contrôle de légalité d'une dérogation à l'interdiction de porter atteinte aux espèces protégées, accordée sur le fondement de l'article L.411-2 du code de l'environnement.

Sur le légalité de l'autorisation de dérogation. Pour rappel, l'article L.411-2 du code l'environnement pose les conditions cumulatives permettant de déroger à l'interdiction de détruire, d'altérer ou de dégrader les habitats d'espèces protégées édictée à l'article L.411-1 du même code :

"4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (…)

c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; 

Aux termes de ces dispositions, l'obtention d'une dérogation dite "espèces protégées" est conditionnée à l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur cumulée à l'absence d'autre solution satisfaisante et du maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

En l'espèce, le projet bénéficiaire de la dérogation était une carrière de sables, abritée par un grand nombre d'espèces protégées (39 espèces au total), située dans le département de la Manche. Exploitée depuis 2005, le préfet avait autorisé par un arrêté la prolongation de la durée initiale d'exploitation ainsi que l'extension de son périmètre à 56,5 hectares supplémentaires et délivré, par la même occasion, une dérogation à l'interdiction de porter atteinte aux espèces concernées.

Le Conseil d'État rappelle dans sa décision "qu'un projet de travaux, d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, tels que notamment le projet urbain dans lequel il s'inscrit, à une raison impérative d'intérêt public majeur (…)".

La notion d'intérêt public majeur a été définie par la jurisprudence de la Haute juridiction administrative, faute de définition au sein des textes. Le Conseil avait adopté initialement une interprétation stricte de cette notion. Tel était le cas dans sa décision du 25 mai 2018, par lequel le Conseil d'État avait affirmé qu'une « raison d'intérêt public majeur » ne peut justifier à elle seule une dérogation (CE, 25 mai 2018, n°413267). Pourtant, dans une autre affaire, les juges avaient pu laisser entendre un assouplissement dans l'examen de ce critère. Dans son arrêt en date du 3 juin 2020, le Conseil d'État a estimé qu'un projet de carrière répondait à une raison impérative d'intérêt public majeur en permettant la création de plus de 80 emplois directs dans le département concerné et en s'inscrivant dans le cadre de politiques économiques européennes (CE, 3 juin 2020, n°425395).

Au contraire, par cette nouvelle décision, le Conseil d'État confirme l'absence d'intérêt public majeur du projet de carrière de sables de l'exploitant.

  • En premier lieu, il précise qu' "il n'existerait pas, notamment dans les autres départements normands, d'autres gisements de sable de nature et de qualité comparables et en quantité suffisante pour répondre à la demande dans le département de la Manche ni que l'existence et la vitalité de la filière locale d'extraction et de transformation de granulats serait " mise en péril du seul fait d'être contrainte de s'approvisionner en dehors du département " à la date de l'arrêté attaqué".
  • En deuxième lieu, "l'acheminement du sable jusqu'aux centrales à béton du département entraînerait nécessairement un accroissement significatif des rejets de dioxyde de carbone et de particules polluantes".
  • Enfin, en troisième lieu, "s'il était soutenu que l'extension en cause conduirait au maintien de 3,5 emplois directs et à la création alléguée de 6 emplois indirects, il ne ressortait pas davantage des pièces des dossiers qui lui étaient soumis que la société ne pourrait poursuivre l'exploitation de la carrière jusqu'au terme de l'autorisation qui lui avait été délivrée en 2005 si l'autorisation en cause n'était pas accordée

Dès lors, l'intérêt économique du projet ne permet pas toujours, à lui seul, de justifier d'une raison impérative d'intérêt public majeur permettant de bénéficier d'une dérogation "espèces protégées". Qui plus est si le projet présente un impact carbone national défavorable.

Sur les mesures de régularisation. Aux termes de l'article L-181-18 du code de l'environnement, le juge administratif dispose de pouvoirs de régularisation. 

"Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : (…)

2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations."

Ainsi, le juge administratif a la possibilité de surseoir à statuer en attendant la régularisation de la situation de l'exploitant par une autorisation modificative.

En l'espèce toutefois, l'absence de raison impérative d'intérêt public majeur ne permet pas une telle régularisation. En effet « le vice tiré de ce que l'autorisation de dérogation litigieuse n'est pas justifiée par une raison impérative d'intérêt public majeur ni par l'un des autres motifs mentionnés au c) du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement n'est pas susceptible d'être régularisé » juge le Conseil d'État.

Sandie Dubois

Juriste - Cabinet Gossement Avocats

Sandie Dubois

Juriste – Cabinet Gossement Avocats

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