Par une décision n°458991 du 27 janvier 2023, le Conseil d'Etat a confirmé la légalité du décret n°2021-1385 du 26 octobre 2021 qui définit le principe et la procédure de réduction du tarif d'achat des contrats d'achat S6 et S10. Il a annulé en revanche l'arrêté du 26 octobre 2021 qui réduit l'ampleur de l'aide d'Etat résultant de ces contrats en ce qu'il institue une nouvelle aide d'Etat qui n'a pas été notifiée à la Commission européenne.

 Résumé

1. L'article 225 de la loi de finances pour 2021 a prévu que le tarif d'achat de l'électricité produite par les installations d'une puissance crête de plus de 250 kilowatts utilisant l'énergie radiative du soleil est réduit, pour les contrats conclus en application des arrêtés tarifaires de 2006 et 2010. Le Conseil constitutionnel a déclaré cet article 225 conforme à la Constitution (Décision n°2020-813 DC du 28 décembre 2020).

2. Le décret n°2021-1385 et l'arrêté du 26 octobre 2021 ont été pris en application de l'article 225 de la loi de finances pour 2021. Par une ordonnance du 23 décembre 2021, le Conseil d'Etat a rejeté le recours en référé-suspension dirigé contre ces actes administratifs (cf. CE, 23 décembre 2021, n°458989).

3. Par une décision n°458991 du 27 janvier 2023, le Conseil d'Etat a constaté la légalité du décret du 26 octobre 2021 et a ainsi validé le principe et la procédure de révision initiée par celui-ci. Il a en revanche annulé l'arrêté dès lors qu'il constituait une nouvelle aide au sens du droit européen qui n'avait pas été notifiée à la Commission.

Commentaire

Les faits et la procédure sont les suivants :

  • L'article 225 de la loi de finances pour 2021 a organisé une procédure de réduction du tarif d'achat des contrats d'achat d'électricité d'origine solaire, fondés sur les arrêtés tarifaires du 10 juillet 2006, du 12 janvier 2010 et du 31 août 2010. Ces dispositions définissent deux procédures :

    • Une procédure de réduction du tarif d'achat qui sera formalisée par un décret puis par un arrêté interministériel à la suite de l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 2021 ;
    • Une procédure d'adaptation ("clause de sauvegarde") de cette réduction tarifaire -notamment par un allongement de la durée du contrat d'achat -qui pourra être éventuellement engagée, sur demande motivée.

  • Par une décision n°2020-813 DC du 28 décembre 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré cet article conforme à la Constitution. Le Conseil constitutionnel a notamment retenu le motif d'intérêt général de cette mesure :

« La baisse importante et rapide des coûts de production des installations photovoltaïques au sol ou sur grande toiture, qui avait été mal anticipée lors de la fixation des conditions tarifaires, a eu pour conséquence une augmentation considérable du profit généré par certaines installations de production d'électricité bénéficiant de ces contrats. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu remédier à la situation de déséquilibre contractuel entre les producteurs et les distributeurs d'électricité et ainsi mettre un terme aux effets d'aubaine dont bénéficiaient certains producteurs, au détriment du bon usage des deniers publics et des intérêts financiers de l'État, qui supporte les surcoûts incombant aux distributeurs. Ce faisant, le législateur a poursuivi un objectif d'intérêt général. »

  • Le décret et l'arrêté du 26 octobre 2021 relatifs à la révision de certains contrats de soutien à la production d'électricité d'origine photovoltaïque ont été pris en application de l'article 225 ;

  • Par une ordonnance du 23 décembre 2021, le Conseil d'Etat a rejeté le recours en référé-suspension dirigé contre le décret et l'arrêté du 26 octobre 2021 (cf. CE, 23 décembre 2021, n°458989).

La décision commentée se prononce au fond sur la demande d'annulation de ce décret et de cet arrêté. Le Conseil d'Etat retient la légalité du décret et annule l'arrêté pour défaut de notification auprès de la Commission.

I. Sur la légalité du décret n°2021-1385 du 26 octobre 2021

En premier lieu, le Conseil d'Etat a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique. Les producteurs se verront en effet notifier individuellement le niveau de tarif qui leur est applicable et disposeront, à compter de cette date, d'un délai de trois mois pour décider de la poursuite du contrat ou de la mise en œuvre de la clause de sauvegarde.

Partant, la circonstance que l'entrée en vigueur du décret était différée de seulement trente-cinq jours à compter de la publication du décret ne saurait méconnaître le principe de sécurité juridique, et ce même si les producteurs doivent provisionner les montant perçus au titre des anciens tarifs qu'ils seront susceptibles de devoir reverser.

En deuxième lieu, le Conseil d'Etat a écarté le moyen tiré des incompétences négatives qui entacheraient le décret d'illégalité. Il retient à ce titre que les critères fixés par le décret pour déterminer le niveau de rémunération raisonnable des capitaux sont suffisamment précis; que le décret ne pouvait instituer un tarif minimal et laisser à l'arrêté le soin de fixer la formule de calcul du tarif ; les critères qui permettent d'apprécier la viabilité économique du producteur sont définis précisément et qu'il appartient à la Commission de régulation de l'énergie de procéder à un examen de la viabilité au cas par cas.

En troisième lieu, le décret n'a pas pour effet de déléguer à la Commission de régulation de l'énergie le pouvoir de fixer le tarif individuel dans le cadre de la mise en œuvre de la clause de sauvegarde. Il se borne à préciser les dispositions législatives lui donnant un pouvoir de proposition.

En quatrième lieu, le Conseil d'Etat a retenu que les dispositions du décret étaient suffisamment claires et intelligibles.

Il a écarté le moyen tiré de ce que le décret aurait illégalement conféré à la réduction tarifaire une portée rétroactive dès lors que l'article 225 de la loi a nécessairement entendu que le niveau de rémunération raisonnable soit apprécié sur la durée totale des contrats concernés.

Il a en outre retenu que les dispositions de l'article 225 ne s'opposaient pas à la détermination du niveau tarif selon une méthode normative. Cette méthode repose sur la simulation des recettes perçues et des coûts supportés au cours de l'exploitation par une installation performante représentative.

En dernier lieu, le Conseil d'Etat a écarté les diverses erreurs manifestes d'appréciation soulevées et notamment :

  • Le tarif minimal a été institué afin d'assurer une marge de manœuvre pour les installations totalement amorties et déjà payées. Les requérants ne pouvaient dès lors soutenir que le tarif minimal ne couvrait pas les charges financières et les investissements ;
  • La directive 2018/2001 n'a pas été méconnue dès lors que la réduction du tarif d'achat n'excède pas une rémunération raisonnable des capitaux et qu'un tarif minimal ainsi qu'une clause de sauvegarde individuelle ont été introduits. En outre, le législateur a veillé à préserver la rentabilité des installations en fixant un tarif d'achat correspondant à la rémunération raisonnable des capitaux immobilisés. Il a par ailleurs garanti la viabilité économique des producteurs à l'aide de la clause de sauvegarde.

II. Sur l'illégalité de l'arrêté du 26 octobre 2021

L'arrêté du 26 octobre 2021 a fixé le niveau du tarif d'achat tel qu'il ressort de l'article 225 de la loi du 29 décembre 2020.

Le Conseil d'Etat, pour retenir son illégalité, s'est fondé sur les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ainsi que sur le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d'application de l'article 108.

Aux termes de l'article 108 :

« 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. »

Une « aide nouvelle » est définie par l'article 1 du règlement précité comme : « tout-aide, c'est-à-dire tout régime d'aides ou toute aide individuelle, qui n'est pas une aide existante, y compris toute modification d'une aide existante ».

En l'espèce, le Conseil d'Etat a rappelé que l'obligation d'achat de l'électricité à un prix supérieur à sa valeur de marché constitue, à hauteur de la différence entre le tarif de rachat par les acheteurs obligés et le coût évité à ces acheteurs, une aide d'Etat.

En premier lieu, le Conseil d'Etat a retenu que les arrêtés tarifaires de 2006 et 2010 qui instituent un régime d'aide n'ont pas été notifiés en temps utile à la Commission européenne, conformément aux dispositions précitées de l'article 108.

En second lieu, Le Conseil d'Etat en conclut « Partant, quand bien même les modalités et les tarifs de rachat fixés par l'arrêté attaqué ont seulement eu pour effet de réduire l'ampleur de l'aide résultant des contrats conclus en application des arrêtés de 2006 et de 2010, le défaut de notification du régime d'aide mis en place par cet arrêté, qui institue une aide nouvelle au sens de l'article 1er du règlement 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 cité au point précédent, l'entache d'une illégalité de nature à en entraîner l'annulation ».

L'arrêté litigieux met ainsi en place une nouvelle aide qui aurait dû être notifiée à la Commission européenne. Cette absence de notification entraine son illégalité.

La portée de cette décision est très incertaine et cette nouvelle situation d'incertitude n'est sans doute pas profitable à l'accélération de cette énergie renouvelable. Toutefois, plusieurs hypothèses étant sur la table, il convient d'attendre : d'une part, la réaction du Gouvernement sur la suite qu'il entend donner à cette décision, d'autre part et éventuellement, qu'un nouvel arrêté soit notifié et examiné par la Commission européenne. 

Caroline Grenet

Avocate - cabinet Gossement Avocats

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