Le Gouvernement vient d'ouvrir une phase de consultations sur l'avant-projet de loi "relatif à l'accélération des énergies renouvelables." Voici une revue des principaux articles de ce texte. 

NB : la présente note comporte une présentation résumée du contenu de chaque article de l'avant-projet de loi "relatif à l'accélération des énergies renouvelables" récemment rendu public par le Gouvernement. A l'exception des articles 13 à 17 du titre III consacré aux mesures spécifiques à l'accélération de l'éolien en mer. 

Le cabinet Gossement Avocats procèdera à une présentation détaillée de ces articles (hors titre III) lors d'un webinaire (gratuit) consacré à cet avant-projet de loi, le 31 août 2022. Plus d'informations ici. Par ailleurs, nous publierons également une suite d'articles sur les principales mesures de ce texte.

I. Introduction

Cet avant-projet de loi comporte des mesures de simplification du droit qui sont, dans leur ensemble, utiles et souvent attendues des professionnels. De manière générale, ce texte va dans le bon sens et comporte plusieurs dispositions importantes comme son article 18 qui engage le chantier de création d'un cadre juridique relatif aux "PPA" (contrats de vente d'électricité). De même que les précédentes loi relatives à l'énergie qui se suivent depuis 2015, ce projet de loi ne sera cependant pas suffisant pour engager la révolution attendue des énergies renouvelables dans notre pays, dont les taux de raccordement sont toujours trop faibles. 

A notre sens, les dispositions les plus intéressantes de ce texte, qui seront sans doute aussi les plus discutées sont les suivantes :

  • Article 6. définition des "conditions techniques" de la "raison impérative d'intérêt public majeur" des projets de production d'énergie renouvelable.
  • Article 8. habilitation permettant de simplifier les procédures de raccordement. Il convient cependant d'attendre le texte du projet d'ordonnance - qui sera peut être présenté au cours des débats parlementaires sur le projet de loi, pour avoir connaissance des mesures de simplification envisagées pour les procédures de raccordement.
  • Article 9. permettre l'installation de PV sur les délaissés routiers et autoroutiers et adapter les procédures de mise en concurrence sur le
  • domaine public de l'Etat
  • Article 12. obligation d'installation d'ombrières photovoltaïques sur parcs de stationnement extérieurs
  • Article 13. possibilité de mutualiser les débats publics pour l'éolien en mer et le document stratégique de façade
  • Article 14. statut et régime de l'installation flottante (éolien en mer)
  • Article 18. « Power Purchase Agreement » (PPA ou« Contrat d'achat d'électricité ») et primes dans les arrêtés tarifaires.
  • Article 19. instituer un régime de « partage de la valeur des parcs éoliens » avec les riverains
  • Article 20. étendre aux gaz bas-carbone les contrats d'expérimentation biogaz

A noter : l'article 18 permet d'engager la création d'un cadre juridique pour les contrats de vente d'électricité renouvelable (PPA). Une disposition dont la discussion sera sans aucun doute sera trés suivie par les professionnels.

Toutefois, cet avant projet de loi, dans sa rédaction actuelle, appelle aussi les premières observations suivantes.

1. Un travail de simplification du cadre juridique relatif à la production d'énergie renouvelable est en cours au sein des institutions de l'Union européenne depuis la présentation par la Commission européenne, le 18 mai 2022, du plan "REpowerEU". Il est important de comparer ce plan aux mesures que comporte l'avant projet de loi relatif à l'accélération des énergies renouvelables. Ce dernier comporte des dispositions qui sont directement inspirées de celles présentées par la Commission européenne, notamment celle relative à la "raison impérative d'intérêt public majeur" (RIIPM) des projets. 

2. Le texte qui fait l'objet du présent commentaire est un avant-projet de loi. Il doit encore faire l'objet de plusieurs consultations (Conseil d'Etat, Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), Conseil national de la transition écologique (CNTE), Conseil économique, social et environnemental..) avant d'être présenté au Conseil des ministres puis déposé au Parlement. Ce texte sera donc nécessairement complété, corrigé. Certaines dispositions pourront disparaître, d'autres pourront être ajoutées avant et après sa présentation en Conseil des ministres. Une fois publiée au Journal officiel, la loi devra encore faire l'objet de décrets d'application et d'une ou plusieurs ordonnances. 

3. Il est essentiel de lire le texte même des articles de cet avant-projet de loi et non pas simplement l'exposé des motifs. Leur contenu est parfois éloigné de l'ambition affichée dans leur présentation ou leur titre. A titre d'exemple, ce n'est pas l'enquête publique mais ses formalités d'organisation qui pourront être organisées en parallèle de la phase d'examen de la demande d'autorisation environnementale. De même, la "raison impérative d'intérêt public majeur" des projets ne sera pas "présumée" mais devra répondre à des "conditions techniques" qui seront fixées par décret.

4. Les mesures de simplification prévues aux articles 2 à 5 du projet de loi ne bénéficieront qu'à certains projets dont la liste fera l'objet d'un décret en Conseil d'Etat et ont un caractère temporaire : 48 mois. La création de régimes juridiques temporaires dont les dispositions resteront dans la loi est une source de complexité du droit.

5. Cet avant-projet de loi comporte, pour l'essentiel des mesures de simplification "par petites touches" : pour certains projets et certaines procédures. Il ne comporte pas de véritable mesure de simplification d'ensemble du droit de l'environnement et de l'énergie. On regrettera notamment l'absence de réforme du nombre et du volume des documents d'urbanisme et de planification, (schéma régional unique), l'absence de mesure de simplification du régime de l'autoconsommation, l'absence de mesure 

6. Ce texte témoigne d'une volonté d'accélérer prioritairement certaines énergies renouvelables : le solaire photovoltaïque et l'éolien en mer.  Celles-ci bénéficient de titres qui leur sont spécifiquement dédiés. Toutefois, les dispositions relatives à la mise en compatibilité des documents d'urbanisme, à la simplification des procédures de raccordement ou bien encore à la création d'un cadre juridique pour les PPA devraient profiter à l'ensemble des productions. 

II. Revue des articles de l'avant-projet de loi

Titre Ier. Mesures d'urgence temporaires pour accélérer les projets d'énergie renouvelable et les projets industriels nécessaires à la transition énergétique

Article 1. Périmètre et caractère temporaire des dispositions du titre I (48 mois)

Le I de cet article 1er prévoit la publication d'un décret en Conseil d'Etat pour préciser la liste des activités et opérations concernées par l'application des articles 2 (adaptation de la procédure d'autorisation environnementale) et 3 (adaptation de la procédure d'évaluation environnementale) de la loi (à venir). Le II de cet article 1er dispose que les articles 2 à 5 du titre Ier de la présente loi s'appliquent sur une durée de quarante-huit mois à compter de sa promulgation.

Article 2. Adapter la procédure d'autorisation environnementale en prévoyant que les formalités de préparation de la participation du public aient lieu en parallèle de la production de l'avis de l'autorité environnementale (48 mois)

Contenu de la mesure. Cet article 2 prévoit d'inscrire dans la loi (et non dans le code de l'environnement) une rédaction alternative aux V et VI de l'article L.122-1 du code de l'environnement relatifs à l'organisation de l'enquête publique pour les projets soumis à évaluation environnementale.

Pour les seuls projets visés à l'article 1er de la présente loi et pour une durée de 48 mois à compter de la promulgation de la loi, le I de cet article 2 prévoit la possibilité de procéder aux formalités de préparation de l'enquête publique en parallèle de la phase d'examen du dossier par les services instructeurs.

NB : ce n'est pas l'enquête publique elle-même mais ses formalités de préparation qui seront organisées pendant l'instruction administrative du dossier. Il n'y a pas de mise en parallèle des phases d'examen et de participation du public. L'étude d'impact, ainsi que l'avis de l'autorité environnementale et la réponse écrite du maître d'ouvrage à cet avis seront toujours mis à disposition du public par voie électronique au plus tard au moment de l'ouverture de l'enquête publique.

Commentaire. Prévue pour certains projets de production d'énergie et pour 48 mois, cette réforme est d'une portée limitée. Aucune conséquence n'est prévue si cette semi parallélisation n'est pas opérée. A défaut de moyens humains et matériels adaptés pour les services instructeurs, elle peut n'avoir aucun effet sur la durée totale d'instruction des dossiers.

Article 3. modifier les critères et seuils de soumission des projets à étude d'impact et anticiper les demandes d'annulation de ces décrets fondées sur une violation du principe de non régression (48 mois)

Contenu de la mesure. Cet article 3 annonce l'intervention de nouveaux décrets d'application du 1° du II de l'article L.122-3 du code de l'environnement pour modifier les critères et des seuils de soumission des projets à étude d'impact. Ces décrets peuvent méconnaître le principe de non régression inscrit au 9° de l'article L.110-1 du code de l'environnement. Par anticipation, la loi disposerait ainsi que les recours en annulation de ces décrets ne pourront être fondés sur la violation du principe de non régression.

L'exposé des motifs du projet de loi donne les indications suivantes sur le contenu à venir de ces décrets d'application pris pour le relèvement des seuils et critères de soumission des projets à étude d'impact : "Ce relèvement ne pourra intervenir que dans la limite des pratiques de nos partenaires européens et pour une période limitée, et prendra automatiquement fin à l'expiration de la période temporaire précisée à l'article 1er. La France soumet à évaluation environnementale systématique le photovoltaïque au sol au-dessus de 1 MWc, ou les champs éoliens dès le premier mât (à l'exception des mâts inférieurs à 50m de haut, avec une puissance inférieure à 2 MW soumis à déclaration). En Espagne ou en Allemagne, le photovoltaïque n'est jamais soumis systématiquement sur la base de tels seuils (mais peut l'être en Allemagne en cas de localisation en zone sensible) et l'éolien, seulement au-dessus de 10 mâts en Espagne et 20 en Allemagne).

Commentaire. Pour la première fois, le législateur, s'il adoptait cet article 3 en ces termes, reconnaîtrait par avance qu'il créé un risque de méconnaissance d'un principe général du droit de l'environnement. L'utilité de cette disposition pour le travail du simplification du droit n'est pas évidente. Son risque pour la portée et l'avenir même de l'ensemble des principes généraux du droit est, lui, plus évident.

Article 4. Etendre le régime de la participation du public par voie électronique (PPVE) aux projets sous déclaration préalable de travaux et devant faire l'objet d'une étude d'impact à la suite d'un examen cas par cas (48 mois)

Contenu de la mesure. Ainsi que le précise l'étude d'impact du projet de loi, cette disposition à vocation à soumettre "à participation du public par voie électronique, en lieu et place de la procédure d'enquête publique, les projets soumis à déclaration préalable ou permis de démolir au titre du code de l'environnement devant faire l'objet d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas, à l'instar de celui est aujourd'hui prévu pour les permis de construire et d'aménager."

Commentaire. Il s'agit d'une disposition de mise en cohérence bienvenue. Ainsi que le précise l'étude d'impact précitée : "un nouvel enjeu est apparu à la suite des décret n° 2022-422 du 25 mars 2022 relatif l'évaluation environnementale des projets et décret n° 2022-970 du 1er juillet 2022 portant diverses dispositions relatives à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes et aux installations de combustion moyennes et avec l'alignement à venir des seuils de procédure d'autorisation d'urbanisme. En effet, certains projets et en particulier les petits projets photovoltaïques au sol (moins de 1 MWc), qu'il est envisagé de soumettre à déclaration préalable, mais aussi d'autres projets soumis à permis de démolir, pourraient relever de l'évaluation environnementale après examen au cas par cas, et seraient donc soumis à enquête publique."

Article 5. Faciliter la mise en compatibilité des documents d'urbanisme (48 mois)

Contenu de la mesure. Ainsi que le précise l'étude d'impact du projet de loi, cet article prévoit, pour les seuls projets d'énergie renouvelable et leur raccordement au réseau électrique :
  • dans le cas où doivent être levées des restrictions liées à des prescriptions dans le règlement des zones A et N, à l'existence d'un espace boisé classé (EBC) ou à des orientations du PADD, de mobiliser la procédure de modification simplifiée et non une procédure de révision, actuellement nécessaire. Cela ne concerne pas des évolutions de zonage.
  • d'élargir le champ de la mise en compatibilité par déclaration de projets, qui permet d'assurer la conduite simultanée des procédures au titre du plan et du projet, en levant la contrainte pour l'Etat portant sur l'impossibilité de porter atteinte à l'économie générale PADD du PLU.
  • de préciser que lorsque l'action, l'opération d'aménagement ou le programme de construction faisant l'objet d'une déclaration de projet mentionnée à l'article L. 300-6 est soumis à la concertation du public, une procédure de concertation unique pourra être réalisée en amont de l'enquête publique, portant à la fois sur le projet et sur la mise en compatibilité du document d'urbanisme de façon à intégrer ces deux concertations comme peuvent déjà être intégrées les éventuelles évaluations environnementale respectives du projet et du document d'urbanisme et les enquêtes publiques associées.

Commentaire. Ce travail de simplification des procédures d'adaptation du document d'urbanisme est le bienvenu. La mesure est toutefois très sectorielle (pour certains projets uniquement et, essentiellement, les projets de production d'énergie solaire) et limitée dans le temps. Un vrai travail de réduction du mille feuilles des documents de planification et d'urbanisme et d'harmonisation des procédures d'adaptation de ces documents et d'instruction des demandes d'autorisations individuelles reste à mener.

Article 6. définir les "conditions techniques" de la "raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM)" pour les projets d'énergie renouvelable et prévoir que la DUP puisse valoir reconnaissance du caractère d'opérations répondant à des RIIPM

Contenu de la mesure. L'article 6 de l'avant-projet de loi prévoit d'insérer un nouvel article L. 411-2-1 au sein du code de l'environnement Aux termes de ce nouvel article, certains projets de production d'électricité et de gaz à partir de sources renouvelables pourraient être présumés satisfaire à la condition relative à l'existence d'une "raison impérative d'intérêt public majeur." Cette condition est l'une de celle qui doit être remplie pour que soit délivrée une autorisation de déroger au principe d'interdiction de destruction d'espèces protégées.

Ce nouvel article L.411-2-1 serait ainsi rédigé :

"Les projets d'installations de production d'électricité et de gaz à partir des sources renouvelables mentionnées à l'article L. 211-2 du code de l'énergie, ainsi que leurs ouvrages de raccordement aux réseaux d'énergie, répondent à une raison impérative d'intérêt public majeur pour l'application de l'article L. 411-2, dès lors que ces installations satisfont à des conditions techniques, notamment en ce qui concerne leur puissance et le type de source renouvelable, fixées par décret en Conseil d'Etat.
Le décret en Conseil d'Etat fixant ces conditions pour le territoire métropolitain continental tient compte de la programmation pluriannuelle de l'énergie mentionnée à l'article L. 141-2 du code de l'énergie, et notamment de ses volets mentionnés aux 1° et 3° de ce même
article.
Le décret en Conseil d'Etat fixant ces conditions pour le territoire de chacune des collectivités citées au I de l'article L. 141-5 du code de l'énergie tient compte de la programmation pluriannuelle de l'énergie de cette collectivité, et notamment de ses volets mentionnés aux 2°, 4° et 5° du II de ce même article. Il est pris après avis du président de la collectivité.
"

Aux termes de ce nouvel article :

  • certains projets de production et de raccordement au réseau seront présumés, à certaines conditions, satisfaire à l'une des conditions de délivrance d'une "dérogation espèces protégées", à savoir la preuve que le projet répond à une "raison impérative d'intérêt public majeur".
  • pour bénéficier de cette "présomption", le projet devra répondre à "des conditions techniques, notamment, en ce qui concerne leur puissance et le type de source renouvelable". Ces conditions seront fixées par décret en Conseil d'Etat.

Ce nouvel article ne porterait que sur l'une des conditions de délivrance d'une "dérogation espèces protégées" et non sur les conditions de l'obligation de dépôt d'une demande de dérogation.

A noter, cet article 6 de l'avant-projet de loi prévoit aussi la possibilité de caractériser la "raison impérative d'intérêt public majeur d'un projet lors de sa déclaration d'utilité publique. Ici aussi cette présomption sera subordonnée au respect de conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (projet de nouvel article L. 411-2-2 du code de l'environnement).

Commentaire. Cette mesure de simplification est d'une portée incertaine, sous réserve du contenu du décret en Conseil d'Etat qui devra fixer les conditions techniques à satisfaire pour que soit démontré l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur.Contrairement à ce qui a été annoncé, elle n'a pas pour effet de "présumer" le caractère d'intérêt public majeur des projets de production d'énergie renouvelable mais de définir les "conditions techniques" auxquels ces projets devront satisfaire pour répondre à une "raison impérative d'intérêt public majeur". 

En premier lieu, cette mesure n'intéresse pas les conditions de l'obligation de dépôt d'une demande d'une dérogation espèces protégées mais les conditions de délivrance de cette dérogation, une fois demandée. Or, l'un des principaux problèmes auxquels sont confrontés les porteurs de projets de production d'énergie renouvelable tient à l'obligation de déposer puis à la durée de l'instruction de cette demande ainsi qu'à l'incertitude tenant à l'issue de cette instruction.

En deuxième lieu, la dispense de preuve de la correspondance du projet à une "raison impérative d'intérêt public majeur" est elle-même conditionnée au respect de "conditions techniques" qui seront fixées par décret en Conseil d'Etat. La simplification est donc très relative, une preuve en chassant une autre, et des conditions (conditions techniques) en remplaçant une autre (condition tenant à la RIIPM).

En troisième lieu, cette mesure ne porte que sur l'une des conditions de délivrance de la "dérogation espèces protégées". Elle ne dispensera pas les porteurs de projets de l'obligation de démontrer que les autres conditions sont réunies. Pour mémoire, en droit interne : les conditions d'octroi par l'administration de dérogations au principe d'interdiction de destructions d'espèces protégées sont, tout d'abord, énoncées à l'article L.411-2 du code de l'environnement. Ces conditions sont :

  • L'absence de "solution alternative satisfaisante"
  • L'absence de nuisance pour le "maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle"
  • La justification de la dérogation par l'un des cinq motifs énumérés au nombre desquels figure "c) (...) l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou (pour) d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et (pour) des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement".

Selon une jurisprudence administrative constante, ces conditions sont cumulatives (cf. pour un exemple récent,Tribunal administratif de Lyon, ord, 21 octobre 2021, Association « Bien vivre à Replonges », n°2107764).

Sous réserve d'une étude du contenu du futur décret en Conseil d'Etat relatif aux conditions techniques à remplir pour démontrer l'existence de la raison impérative d'intérêt public majeur d'un projet, il est possible que cette mesure de simplification (relative) ait pour effet paradoxal d'accroître l'attention de l'administration, des opposants et du juge sur le respect des autres conditions, à commencer par celle afférente à l'absence de "solution alternative satisfaisante."

En quatrième lieu, cette mesure est inspirée de celle récemment proposée par la Commission dans le cadre du plan "RepowerEU". Pour mémoire, le 18 mai 2022, la Commission européenne a présenté son plan "RepowerEU" pour réduire rapidement la dépendance à l'égard des combustibles fossiles russes et à accélérer la transition écologique. Ce plan comprend une proposition destinée à accélérer le déploiement des projets d'énergies renouvelables.

La proposition de directive prévoit d'insérer, au sein de la directive 2018/2001 du 11 décembre 2018, un nouvel article 16 d ainsi rédigé :

"Article 16d Overriding public interest

By [three months from entry into force], until climate neutrality is achieved, Member States shall ensure that, in the permit-granting process, the planning, construction and operation of plants for the production of energy from renewable sources, their connection to the grid and the related grid itself and storage assets are presumed as being in the overriding public interest and serving public health and safety when balancing legal interests in the individual cases for the purposes of Articles 6(4) and 16(1)(c) of Directive 92/43/EEC, Article 4(7) of Directive 2000/60/EC and Article 9(1)(a) of Directive 2009/147/EC."

Aux termes de ce nouvel article 16 d de la directive 2018/2001 du 11 décembre 2018, que propose de créer la Commission européenne : la conception, la construction et l'exploitation des installations d'énergie renouvelable, de leurs unités de stockage ainsi que leur raccordement au réseau sont présumées relever d'un "intérêt public majeur" au titre de la législation sur protection des espèces protégées.

Il convient de rappeler que la mesure de transposition de ce projet d'article d'une directive devra être compatible avec ce dernier.

Article 7. Rendre systématique la régularisation en cas d'annulation d'une autorisation environnementale

Contenu de la mesure. Cet article 7 tend à modifier la rédaction de l'article L.181-18 du code de l'environnement de manière à imposer au juge administratif de procéder à la régularisation d'une autorisation environnementale faisant l'objet d'un recours en annulation. Les dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement seraient remplacées par les dispositions suivantes :

"I. – Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés :
1° Qu'un vice qui n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, limite à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demande à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ;
2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé.
II. – En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées." (nous soulignons).

Commentaire. Ce qui n'était qu'une faculté ("peut") pourrait devenir une obligation pour le juge administratif. Il s'agit d'une mesure de mise en cohérence entre les contentieux de l'environnement et de l'urbanisme qui est donc bienvenue.

Elle devrait cependant être d'une portée réduite. Les parties au procès administratif avaient déjà la possibilité de saisir le juge administratif d'une demande de régularisation totale ou partielle d'une autorisation administrative individuelle. Rien ne s'opposait à ce que le juge administratif, s'il estime une telle demande fondée, puisse engager une procédure de régularisation sur le fondement des dispositions de cet article L.181-18 du code de l'environnement. Le seul véritable apport de cette disposition serait d'imposer au juge administratif une obligation de motivation de son refus de procéder à une telle régularisation malgré la présentation d'une telle demande devant lui.

Article 8. Habilitation permettant de simplifier les procédures de raccordement

Contenu de la mesure. Cet article 8 habilite le donne habilitation au Gouvernement pour simplifier, par voie d'ordonnance prise au titre de l'article 38 de la Constitution, les procédures de raccordement des installation de production d'électricité au réseau de transport et de distribution :

"Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant :

1° d'accélérer et de simplifier les procédures applicables aux opérations de raccordement des installations de production et de consommation d'électricité aux réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, et d'améliorer le cadre légal applicable à ces opérations, y compris en confiant à la Commission de régulation de l'énergie la responsabilité d'approuver les modèles de contrats d'accès au réseau de distribution;

2° de modifier les objectifs, modalités d'élaboration, d'adaptation, de révision et de répartition du financement des schémas régionaux de raccordement au réseau des installations de production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelable prévue à l'article L. 321-7 du code de l'énergie ;

3° de modifier les missions des gestionnaires de réseau, afin de faciliter le partage de données relatives aux réseaux publics d'électricité et aux installations de consommation et de production, permettant d'optimiser les opérations raccordements ;

4° de préciser les conditions dans lesquelles les gestionnaires de réseaux ont la possibilité ou l'obligation d'anticiper certains études, travaux et procédures afin d'accélérer le raccordement des nouvelles capacités de production ou de nouvelles consommations et les conditions dans lesquelles les coûts de ces études, travaux et procédures, y compris les éventuels coûts échoués, sont couverts par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité ;

5° de préciser les modalités de répartition et de prise en charge des coûts de raccordement par le tarif d'utilisation des réseaux mentionné à l'article L. 341-2 du code de l'énergie et le reste à charge d'un des redevables mentionnés à l'article L. 342-7 et L. 342-11 du code de l'énergie;

6° d'adapter les modalités de consultation du public pour les ouvrages des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité, afin de mieux articuler les différentes procédures existantes et d'alléger les modalités de consultation spécifiques à un projet lorsque celui-ci s'inscrit dans un plan ou programme ayant déjà fait l'objet d'une procédure de consultation du public.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance prévue au présent article."

TITRE II. Mesures spécifiques à l'accélération du photovoltaïque

Aux termes de l'exposé des motifs du projet de loi : "Le titre II vise à accélérer le déploiement du photovoltaïque en démultipliant les possibilités d'implantation, afin d'atteindre l'objectif de multiplier par huit notre capacité de production d'énergie solaire pour dépasser les 100 GW à l'horizon 2050. Il vise à libérer tout le foncier disponible sans enjeux environnementaux majeurs."

Ce type comporte plusieurs mesures intéressantes et bienvenues pour contribuer au développement des projets d'installations solaires. De manière surprenante, il ne comprend cependant pas de mesure de simplification des appels d'offres, de l'agrivoltaïsme et de l'autoconsommation.

Article 9. Permettre l'installation de PV sur les délaissés routiers et autoroutiers et adapter les procédures de mise en concurrence sur le domaine public de l'Etat

Contenu de la mesure. Aux termes de l'exposé des motifs du projet de loi, cet article 9 vise tout d'abord à faciliter l'installation de panneaux photovoltaïques sur les délaissés routiers et autoroutiers.

Pour mémoire, l'article L.111-6 du code de l'urbanisme dispose que l'installation de panneaux solaires est interdite à moins de 75 ou 100 m de la route sur les délaissés routiers ou autoroutiers : "En dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions ou installations sont interdites dans une bande de cent mètres de part et d'autre de l'axe des autoroutes, des routes express et des déviations au sens du code de la voirie routière et de soixante-quinze mètres de part et d'autre de l'axe des autres routes classées à grande circulation. / Cette interdiction s'applique également dans une bande de soixante-quinze mètres de part et d'autre des routes visées à l'article L. 141-19." Des dérogations sont prévues à l'article L.111-7 du code de l'urbanisme notamment pour les "infrastructures de production d'énergie solaire lorsqu'elles sont installées sur des parcelles déclassées par suite d'un changement de tracé des voies du domaine public routier ou de l'ouverture d'une voie nouvelle ou sur les aires de repos, les aires de service et les aires de stationnement situées sur le réseau routier."

L'article 9 de l'avant-projet de loi propose d'étendre la dérogation prévue par l'article L. 111-7 du code de l'urbanisme à toutes les installations de panneaux solaires, quel que soit le terrain d'implantation.

Par ailleurs, cet article 9 prévoit d'adapter les procédures de mise en concurrence pour l'accès au domaine public "en étendant les possibilités offertes à l'Etat par l'article L. 2122-1-3-1 du code général de la propriété des personnes publiques aux gestionnaires qui détiennent, d'un texte ou d'un titre, la compétence pour délivrer un titre d'occupation afin de dispenser de mise en concurrence, au titre des dispositions de l'article L. 2122-1-1 du même code, les projets photovoltaïques bénéficiant d'un soutien public attribué par appel d'offres" (cf. exposé des motifs).

Article 10. Permettre l'implantation en loi littoral de panneaux photovoltaïques au sol ou d'hydrogène renouvelable sur des terrains dégradés ou sur des stocks de saumure

Contenu de la mesure. Cet article 10 prévoit d'autoriser, par dérogation et à certaines conditions, dans les zones intéressant la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (dite « loi Littoral ») l'implantation de panneaux photovoltaïques au sol ou d'hydrogène renouvelable sur des terrains dégradés ou sur des stocks de saumures.

Cet article 10, s'il était voté dans sa rédaction actuelle, soumettrait cette dérogation aux conditions suivantes ,aux termes d'un nouvel article L.121-12-1 du code de l'urbanisme : 
  • Les projets précités ne peuvent être autorisés en zone littorale, que dans une friche au sens de l'article L.111-26 du code de l'urbanisme, par l'autorité administrative compétente de l'État. La liste de ces friches est fixée par décret.
  • Le maître d'ouvrage doit réaliser une étude d'incidence, démontrant, d'une part, que son projet satisfait mieux l'intérêt public qu'un projet favorisant la renaturation du site, si cela est techniquement possible, et n'est pas de nature à porter atteinte à l'environnement, notamment à la biodiversité, ou aux paysages et, d'autre part, l'absence d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques, en situation normale comme en cas d'incident.
  • La commission départementale de la nature, des paysages et des sites doit être consultée.
  • Le silence de l'autorité compétente vaut refus à l'expiration d'un délai de quatre mois.


Article 11. Permettre l'implantation de PV au sol en discontinuité dans les communes de montagne dotées d'une carte communale

Contenu de la mesure. Cet article 11 prévoit d'insérer la phrase suivante, après la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 122-7 du code de l'urbanisme : "La carte communale peut, dans les mêmes conditions, comporter une telle étude afin de permettre la réalisation des ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire installés sur le sol."

Article 12. Obligation d'installation d'ombrières photovoltaïques sur parcs de stationnement extérieurs

Contenu de la mesure. Cet article 12 impose l'équipement des parkings extérieurs déjà existants de plus de 2500m² en ombrières PV sur au moins la moitié de leur surface. Selon l'exposé des motifs du projet de loi : "La surface des parkings de plus de 2500 m2 est estimée entre 90 à 150 millions de m2 en France : l'équipement de la moitié de cette surface en ombrières PV permettrait de réaliser une puissance installée comprise entre 7 et 11 GW."

Dans le détail, cet article prévoit d'insérer une nouvelle sections et un nouvel article L. 314-3- au sein du code de l'énergie. Aux termes de ces nouvelles dispositions, l'obligation d'équiper les parkings de stationnement d'ombirères photovoltaïques sera assortie des conditions suivantes: 

  • Seuls les parcs de stationnement existants à la date de promulgation de la loi et extérieurs d'une superficie supérieure à 2500 m² sont concernés
  • Cette obligation ne porte pas que sur l'équipement en ombrières photovoltaïques mais aussi sur  revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l'infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation.
  • Les parcs devront être mis en conformité dans un délai de 3 ans à compter de cette date de promulgation de la loi. Ce délai est porté à 5 ans si le parc a une superficie inférieure ou égale à 10 000 m². Un délai supplémentaire peut toutefois être accordé par le représentant de l'Etat dans le département, si le propriétaire du parc de stationnement justifie que les diligences nécessaires ont été mises en oeuvre pour satisfaire l'obligation dans les délais prévus.

Titre III. Mesures spécifiques à l'accélération de l'éolien en mer

Article 13 à 17 : non commentés

TITRE IV. Mesures transversales de financement des énergies renouvelables et de partage de la valeur

Article 18. « Power Purchase Agreement » (PPA ou« Contrat d'achat d'électricité ») et primes dans les arrêtés tarifaires

Contenu de la mesure. Aux termes de l'exposé des motifs du projet de loi, cet article 18 

  • "vise la création d'un cadre juridique et la coordination des « Power Purchase Agreement » (PPA ou « Contrat d'achat d'électricité ») avec les dispositions du code de l'énergie, en précisant notamment le cadre applicable à la fourniture d'électricité dans ce type de modèles contractuels
  • permet de redévelopper, pour les énergies renouvelables, des contrats comparables au contrat « Exeltium » conclu il y a dix ans afin de partager la compétitivité du parc électronucléaire existant avec des acteurs industriels, et de développer un marché de contrats de long terme décarbonés, comme nous y invite le droit sectoriel (directive 2019/944), tout en prévoyant des dispositions d'adaptation de ce contrat qui visent, dans un objectif d'intérêt général de préservation de la compétitivité industrielle et de l'approvisionnement décarboné
    d'industries critiques, à permettre d'en sécuriser l'équilibre économique. 
  • ouvre enfin la possibilité pour les prochains appels d'offres de soumettre des offres mixtes (avec complément de rémunération / avec PPA) comme c'est le cas dans d'autres pays (Danemark, Pays-Bas), ce qui permet de mobiliser la mise en place des contrats de long terme."

Article 19. Instituer un régime de « partage de la valeur des parcs éoliens » avec les riverains

Contenu de la mesure. Aux termes de l'exposé des motifs du projet de loi, cet article 19 institue un régime de « partage territorial de la valeur des ENR » avec les ménages résidents. Le développement des énergies renouvelables est indispensable à notresécurité d'approvisionnement en électricité et à l'atteinte de nos objectifs climatiques. Il bénéficie donc à l'ensemble de la communauté nationale. Pourtant, la problématique d'attractivité des ENR constitue la cause racine de la lenteur du déploiement des énergies renouvelables en France. Une des clés de l'adhésion repose sur la démonstration d'une utilité concrète et directe pour les riverains. Cet article vient ainsi créer une modalité de partage territorial de la valeur des ENR avec les ménages résidents via leur facture d'électricité. Ce dispositif permettra d'améliorer considérablement l'attractivité locale des projets."

Article 20. Etendre aux gaz bas-carbone les contrats d'expérimentation biogaz

Contenu de la mesure. Aux termes de l'exposé des motifs du projet de loi, cet article 20 "étend aux gaz bas-carbone les contrats d'expérimentation biogaz. En effet,les technologies de production de gaz méthane bas-carbone évoluent rapidement. Des projets sont en cours de développement sur des technologies permettant de valoriser de nouveauxintrants (gazéification de déchets, pyrolyse de boues issues su traitement des eaux usées...), et dedécarboner le réseau de gaz naturel. Ces technologies doivent être testées afin d'analyser leur potentiel et la contribution qu'elles pourraient apporter au mix énergétique. Les dispositions législatives proposées visent à prévoir un soutien dans le cadre de contrats d'expérimentation, comme ce qui est prévu pour les technologies innovantes de production de biogaz, et à assurer la traçabilité de ces gaz bas carbone."


Arnaud Gossement

avocat - docteur en droit

professeur associé à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne

A lire également :

Note du 21 mai 2022 - Energies renouvelables : ce que prévoit le plan "RepowerEU" de la commission européenne pour accélérer les procédures d'octroi de permis