Le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. La commission de l'aménagement et du développement durable a amendé le projet de texte initial afin de consacrer un régime juridique pour les installations agrivoltaïques. Commentaire.


Résumé

Le 4 novembre 2022, le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables a été adopté par le Sénat en première lecture.

Le projet de loi initial, dans sa version déposée par le Gouvernement au Sénat le 26 septembre 2022, ne comportait aucune disposition relative à l'agrivoltaïsme.

Désormais, le Titre II du projet loi, consacré à l'accélération du développement de l'énergie solaire, comprend "l'énergie agrivoltaïque", afin d'intégrer et d'encadrer la notion d'installation agrivoltaïque.

Le Sénat a ainsi adopté un amendement, présenté par la commission des affaires économiques, qui intègre les dispositions issues d'une proposition de loi en faveur du développement raisonné de l'agrivoltaïsme, adoptée par le Sénat le 20 octobre 2022 (Cf. Solaire : le Sénat examine et amende une proposition de loi en faveur du développement de l'"agrivoltaïsme").

Commentaire

Un amendement déposé en commission et adopté par le Sénat en première lecture prévoit d'introduire un article 11 decies au projet de loi, qui reprend l'ensemble des dispositions prévues par la proposition de loi relative au développement raisonné de l'agrivoltaïsme. Ces dispositions prévoient de modifier le code de l'énergie et le code de l'urbanisme.

Les critères de qualification d'une installation agrivoltaïque inchangés (article 11 decies du projet de loi)

Pour rappel, le Sénat avait adopté le 20 octobre 2022 la proposition de loi définissant l'installation agrivoltaïque. Les critères de qualification sont repris dans le projet de loi, sans avoir fait l'objet de modification. Pour rappel, un nouvel article L. 314-36 du code de l'énergie prévoirait qu'une installation est qualifiée d'agrivoltaïque lorsque :

  • elle produit de l'électricité à partir de l'énergie radiative du soleil les modules de cette installation sont situés sur une "parcelle agricole" ;
  • elle permet de "maintenir" ou de "développer durablement" une production agricole.
  • elle "garantit" "une production agricole significative" ;
  • elle garantit "un revenu durable en étant issu" ;
  • elle "apporte" au moins l'un des "services" suivants : "L'amélioration du potentiel et de l'impact agronomiques" ; "L'adaptation au changement climatique" ; "La protection contre les aléas" ; "L'amélioration du bien-être animal" ;
  • elle ne porte pas une "atteinte substantielle" à l'un des services mentionnés aux 1° à 4° du II du futur article L.314-36 du code de l'énergie ou une "atteinte limitée" à deux de ces services ;
  • elle ne présente pas l'une des caractéristiques suivantes : elle ne permet pas à la production agricole d'être l'activité principale de la parcelle agricole ; elle n'est pas réversible.

L'article L. 314-36 prévoirait qu'un décret en Conseil d'Etat précisera la méthodologie définissant la production agricole significative et le revenu durable en étant issu.

Le décret en Conseil d'Etat préciserait également les « services », en prenant en compte que :

  • Le « service » de l'amélioration du potentiel et de l'impact agronomiques » peut être apprécié au regard de l'amélioration du potentiel agronomique de la parcelle agricole, des pratiques d'utilisation des sols, de l'avifaune, de l'écosystème agricole ou du bilan carbone ;
  • Le fait pour la production agricole d'être considérée comme l'activité principale mentionnée au 1° du présent IV peut s'apprécier au regard du volume de production, du niveau de revenu ou de l'emprise au sol, en prenant en compte les règles relatives à l'aide aux plans stratégiques relevant de la politique agricole commune.

Enfin, le décret en Conseil d'Etat fixerait les modalités de suivi et de contrôle des installations, évaluerait les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir ainsi que les sanctions en cas de manquement.

Ainsi, en l'état de la rédaction de l'article L. 314-36 et sans modification apportée en première lecture, la problématique tenant au risque de complexité de la qualification d'une installation agrivoltaïque subsiste.

L'unique disposition ajoutée en séance publique : l'encadrement de l'implantation de serres, hangars et ombrières à usage agricole supportant des panneaux photovoltaïques

Le Sénat a amendé le texte de la commission en précisant dans un nouvel article L. 111-27 du code de l'urbanisme que l'installation de serres, hangars et ombrières à usage agricole supportant des panneaux photovoltaïques « correspond à une nécessité liée à l'exercice effectif d'une activité agricole, pastorale ou forestière significative ».

L'amendement était motivé par la volonté de s'assurer que des bâtiments « inutiles » à l'activité agricole ne seront pas construits uniquement pour supporter des panneaux photovoltaïques (cf. amendement n°388 rectificatif).

Cette disposition réglementerait ainsi l'implantation des bâtiments, notamment lorsqu'ils sont projetés sur des terrains agricoles, afin de s'assurer que la destination principale de l'implantation de ce bâtiment soit l'activité agricole.

Il convient de rappeler que le Conseil d'Etat avait jugé à ce propos que la seule installation de panneaux photovoltaïques n'était pas de nature à retirer le caractère nécessaire de la construction à l'exploitation agricole, tant que la destination agricole avérée du bâtiment implanté n'était pas remise en cause (Cf. CE, 12 juillet 2019, n°422542).

Dérogation au calcul de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers pour les installations agrivoltaïques (article 3 du projet de loi)

La proposition de loi adoptée par le Sénat le 20 octobre 2022 ne prévoyait aucune mesure sur l'articulation entre l'agrivoltaïsme et les objectifs de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers et de lutte contre l'artificialisation des sols.

L'article 3 du projet de loi modifie l'article 194 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021, dite « Climat et Résilience », et consacre l'absence de comptabilisation de l'espace occupé par une installation agrivoltaïque dans la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers, puis de l'artificialisation des sols.

L'ensemble des critères de qualification d'une installation agrivoltaïque mentionnés ci-dessus devra être réuni pour que l'installation ne soit pas comptabilisée.

Cette dérogation s'ajoute à la dérogation prévue au même article 194 de la loi Climat et Résilience. Pour rappel, cette dérogation s'applique lorsqu'une installation photovoltaïque au sol n'est pas comptabilisée dans la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers lorsqu'elle n'affecte pas durablement les fonctions écologiques du sol, et qu'elle n'est pas incompatible avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain.

Clémentine Vagne - Elève-avocate