La loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, publiée au Journal officiel de la République française le 11 mars 2023, encadre désormais les contrats de vente directe à long terme d'électricité ou de gaz entre un producteur d'énergies renouvelables et un consommateur final. Présentation.

Les dispositions de la loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relatives aux contrats de vente directe à long terme d'électricité ou de gaz ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2023-848 DC du 9 mars 2023.

Pour mémoire, le Gouvernement avait souhaité encadrer, au sein du code de l'énergie, la vente directe entre le producteur d'énergies renouvelables et le consommateur final (cf. article 18 de l'avant-projet de loi relatif à l'accélération des énergies renouvelables). Le Sénat et l'Assemblée nationale ont étoffé certaines dispositions de l'avant-projet de loi en prévoyant notamment la possibilité pour les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices de conclure des contrats de vente directe d'électricité à long terme.

Analyse des dispositions de l'article 86 de la loi n°2023-175 du 10 mars 2023.

I. Sur le contrat de vente directe à long terme d'électricité

La loi n°2023-175 du 10 mars 2023 modifie plusieurs dispositions du code de l'énergie relative à la production et à la commercialisation de l'électricité pour intégrer le contrat de vente directe à long terme d'électricité au sein du code de l'énergie.

1. Sur la soumission d'offres mixtes combinant complément de rémunération et contrat de vente directe

L'article 86 de la loi n°2023-175 du 10 mars 2023 modifie l'article L. 311-12 du code de l'énergie qui prévoit désormais que les candidats retenus par l'autorité administrative dans le cadre de procédures de mise en concurrence peuvent bénéficier du contrat d'achat ou du complément de rémunération pour « tout ou partie » de l'électricité produite. Par cette nouvelle formulation, le législateur autorise une partie de l'électricité produite à être vendue directement de gré à gré par le producteur directement au consommateur final.

Conformément aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'énergie, les futurs appels d'offres lancés après le 11 mars 2023 permettront donc la soumission d'offres mixtes combinant la vente d'électricité en partie via un contrat d'achat ou un complément de rémunération et en partie via un contrat de vente directe de gré à gré.

2. Sur l'obtention d'une autorisation pour conclure un contrat de vente directe

L'article L. 333-1 du code de l'énergie est modifié par la loi n°2023-175 du 10 mars 2023 et oblige, dans sa nouvelle rédaction, les producteurs d'électricité qui souhaitent conclure un contrat de vente directe d'électricité à des consommateurs finals ou à des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes à obtenir, à compter du 1er juillet 2023, une autorité délivrée par l'autorité administrative.

A défaut de détenir une autorisation, le producteur peut contracter avec un producteur ou un fournisseur tiers, déjà titulaire d'une telle autorisation pour qu'il assume, par délégation, les obligations incombant aux fournisseurs d'électricité (cf. article L. 333-1 I. du code de l'énergie).

En résumé, les producteurs d'électricité qui souhaitent conclure un contrat de vente directe d'électricité devront :

  • Soit obtenir une autorisation administrative ;
  • Soit désigner, dans le contrat de vente directe, un producteur ou fournisseur d'électricité déjà titulaire de l'autorisation – pour qu'il assume, pour le compte du producteur, les obligations incombant aux fournisseurs.

Aux termes de l'article L. 333-1 du code de l'énergie, lorsqu'un contrat de vente directe est mis en œuvre dans le cadre d'une procédure de mise en concurrence prévue à l'article L. 311-12 du même code, les producteurs d'électricité ont l'obligation d'adresser à la Commission de régulation de l'énergie (CRE), dans un délai de deux mois à compter de la conclusion du contrat, de sa modification ou de la survenance de tout évènement l'affectant des éléments contractuels, financiers, techniques ou opérationnels.

Le détail des éléments à transmettre par les producteurs à la Commission de régulation de l'énergie figurera dans un décret en Conseil d'Etat qui sera adopté après avis de la Commission de régulation de l'énergie. Ce décret devra également préciser les modifications et évènements affectant le contrat de vente directe ainsi que le contenu du dossier de demande d'autorisation administrative.

3.Sur la mission de surveillance des opérations relatives aux contrats de vente directe de la Commission de régulation de l'énergie

La transmission par les producteurs à la Commission de régulation de l'énergie d'éléments contractuels, financiers, techniques ou opérationnels relatifs au contrat de vente directe conclu entre les producteurs d'électricité et les consommateurs finals doit permettre à la Commission de régulation de l'énergie d'accomplir sa mission de surveillance prévue par l'article L. 131-2 du code de l'énergie.

La loi n°2023-175 du 10 mars 2023 a en effet modifié l'article L. 131-2 du code de l'énergie relatif aux missions de la Commission de régulation de l'énergie. L'article L. 131-2 du code de l'énergie dispose que la Commission de régulation de l'énergie surveille les transactions réalisées par les producteurs d'électricité renouvelable et les consommateurs finals lorsque le contrat de vente directe est mis en œuvre dans le cadre d'une procédure de mise en concurrence, d'un appel d'offres ou d'un appel à projets.

II. Sur le contrat de vente directe à long terme de gaz renouvelable

De la même manière, la loi n°2023-175 du 10 mars 2023 modifie plusieurs dispositions du code de l'énergie relatives à la commercialisation du gaz pour y intégrer le contrat de vente directe à long terme de biogaz, de gaz renouvelable et de gaz bas-carbone.

1.Sur la soumission d'offres mixtes combinant complément de rémunération et contrat de vente directe

La loi n°2023-175 du 10 mars 2023 modifie l'article L. 446-5 du code de l'énergie qui permet aux candidats retenus par l'autorité administrative, à l'issue d'une procédure d'appels d'offres, de bénéficier d'un contrat d'achat pour « tout ou partie » du biogaz injecté. De la même manière, les articles L. 446-14 et L. 446-15 du code de l'énergie ont également été modifiés et permettent aux candidats retenus par l'autorité administrative, dans le cadre d'une procédure d'appel à projets ou d'appel d'offres, de bénéficier d'un complément de rémunération pour la vente de « tout ou partie » du biogaz produit.

Le législateur autorise donc une partie du biogaz injecté ou produit à être vendu directement de gré à gré par le producteur directement au consommateur final.

Aux termes des articles L. 446-5, L. 446-14 et L. 446-15 du code de l'énergie, les futurs appels d'offres et appels à projets émis postérieurement à la publication de la loi EnR permettront la soumission d'offres mixtes combinant la vente de biogaz en partie via un contrat d'achat ou un complément de rémunération et en partie via un contrat de vente directe de gré à gré.

2.Sur l'obtention d'une autorisation pour conclure un contrat de vente directe de biogaz, de gaz renouvelable ou de gaz bas-carbone

Aux termes de l'article L. 443-1 du code de l'énergie, dans sa version initiale de 2011, la fourniture de gaz était déjà soumise à autorisation administrative. La loi n°2023-175 du 10 mars 2023 a complété l'article L. 443-1 du code de l'énergie afin de prévoir qu'à défaut pour le producteur de gaz qui conclut un contrat de vente directe à long terme de biogaz, de gaz renouvelable ou de gaz bas-carbone d'être titulaire d'une autorisation administrative, ce dernier peut désigner un fournisseur ou un producteur tiers, déjà titulaire d'une autorisation, afin qu'il assume, par délégation, les obligations incombant aux fournisseurs de gaz.

En résumé, les producteurs de biogaz, de gaz renouvelable ou de gaz bas-carbone qui souhaitent conclure un contrat de vente directe de gaz devront :
  • Soit obtenir une autorisation administrative ;
  • Soit contracter avec un titulaire de cette autorisation – producteur ou fournisseur de gaz – pour qu'il assume pour son compte les obligations incombant aux fournisseurs.

Aux termes de l'article L. 443-1 du code de l'énergie, lorsqu'un contrat de vente directe de gaz est mis en œuvre dans le cadre d'un appel d'offres ou d'un appel à projets, les producteurs de biogaz, de gaz renouvelable ou de gaz bas-carbone devront adresser à la Commission de régulation de l'énergie, dans un délai de deux mois à compter de la conclusion du contrat, de sa modification ou de la survenance de tout évènement affectant le contrat des éléments contractuels, financiers, techniques ou opérationnels.

L'article L. 443-6 du code de l'énergie dispose qu'un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission de régulation de l'énergie, détaillera les éléments contractuels, financiers, techniques et opérationnels à transmettre à la Commission de régulation de l'énergie.

3.Sur la mission de surveillance des opérations relatives aux contrats de vente directe de la Commission de régulation de l'énergie

L'obligation de transmission d'éléments contractuels, financiers, techniques ou opérationnels à la Commission de régulation de l'énergie qui pèse sur les producteurs ayant conclu un contrat de vente directe de gaz avec les consommateurs finals dans le cadre d'un appel d'offres ou d'un appel à projets doit permettre à la Commission de régulation de l'énergie d'accomplir sa mission de surveillance prévue à l'article L. 131-2 du code de l'énergie.

L'article L. 131-2 du code de l'énergie, modifié par la loi n°2023-175 du 10 mars 2023, prévoit en effet que la Commission de régulation de l'énergie surveille les transactions réalisées par les producteurs de biogaz, de gaz renouvelable ou de gaz bas carbone et les consommateurs finals lorsque le contrat de vente directe est mis en œuvre dans le cadre d'un appel d'offres ou d'un appel à projets.

III. Sur la possibilité pour les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices de conclure des contrats de vente directe à long terme d'électricité ou de gaz

La loi n°2023-175 du 10 mars 2023 permet aux pouvoirs adjudicateurs et aux entités adjudicatrices définis aux articles L. 1211-1 et L. 1212-1 du code de la commande publique de conclure des contrats de vente directe à long terme d'électricité ou de gaz aux fins de répondre à leurs besoins en électricité renouvelable définie à l'article L. 211-2 du code de l'énergie.

S'agissant du contrat de vente directe d'électricité, un nouvel article L. 331-5 du code de l'énergie a été créé par la loi n°2023-175 du 10 mars 2023 et prévoit que les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices peuvent recourir à un contrat de vente directe à long terme d'électricité. Le contrat conclu par les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices doit respecter les dispositions du code de la commande publique conformément à l'article L. 333-1 du code de l'énergie.

Aux termes de l'article L. 331-5 du code de l'énergie, la durée du contrat de vente directe à long terme d'électricité conclu par un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice est définie en tenant compte, d'une part, de la nature des prestations et d'autre part, de la durée d'amortissement des installations nécessaires à l'exécution de ces prestations.

S'agissant du contrat de vente directe de gaz, la loi n°2023-175 du 10 mars 2023 a créé un nouvel article L. 441-6 du code de l'énergie qui dispose que les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices peuvent recourir à un contrat de vente directe à long terme de biogaz, de gaz renouvelable ou de gaz bas-carbone. Le contrat conclu par les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices doit respecter les dispositions du code de la commande publique conformément à l'article L. 443-1 du code de l'énergie.

Aux termes de l'article L. 441-6 du code de l'énergie, la durée du contrat de vente directe à long terme de biogaz, de gaz renouvelable ou de gaz bas-carbone conclue par un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice est définie en tenant compte, d'une part, de la nature des prestations et d'autre part, de la durée d'amortissement des installations nécessaires à l'exécution de ces prestations.

IV. Sur les autres apports de la loi n°2023-175 en matière de contrat de vente directe à long terme d'électricité ou de gaz

La loi n°2023-175 du 10 mars 2023 dispose, à son article 86, que la Commission de régulation de l'énergie publiera, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi – soit au plus tard le 10 mars 2024 –, un bilan de sa mission de surveillance des transactions effectuées dans le cadre des contrats de vente directe à long terme d'électricité ou de gaz visée à l'article L. 131-2 du code de l'énergie.

L'article 86 de la loi n°2023-175 du 10 mars 2023 apporte également des modifications à l'article 238 bis HW du code général des impôts en ajoutant une nouvelle condition à la délivrance de l'agrément prévu à l'article 238 bis HV du même code, à savoir que les contrats d'approvisionnement devront être conclus exclusivement avec EDF ou avec des producteurs d'électricité renouvelable, tels que l'opérateur du projet, les charges financières, les actifs et les revenus se situent tous dans l'Union européenne. Ces dispositions concernent toutefois uniquement les sociétés de capitaux qui ont pour objet la conclusion de contrats d'approvisionnement à long terme d'électricité auprès de producteurs d'électricité au profit des associés desdites sociétés.

En conclusion, la loi n°2023-175 du 10 mars 2023 fixe désormais, au sein du code de l'énergie, le cadre juridique applicable aux contrats de vente directe à long terme d'électricité ou de biogaz, de gaz renouvelable ou de gaz bas-carbone conclus entre les producteurs et les consommateurs finals. Il convient toutefois d'attendre la publication du décret en Conseil d'Etat qui doit venir poser les conditions d'application pour ces contrats de vente directe pour disposer d'un cadre juridique complet.

Céline Ciriani – Avocate

Alexia Thomas – Avocate