Par une décision du 3 avril 2020, appliquant les dispositions de la loi Littoral, le Conseil d'Etat a considéré que le simple agrandissement d'une habitation existante n'est pas constitutif d'une extension de l'urbanisation au sens de la loi Littoral.

Trois permis de construire pour des projets situés sur le territoire de l'Ile-de-Batz ont été contestés par le propriétaire d'un terrain situé à proximité.

Le contentieux a fait l'objet d'une procédure très longue. Le Conseil d'Etat a déjà rendu une première décision sur celui-ci, le 28 avril 2017.

Elle présentait déjà un intérêt, pour l'appréciation de l'intérêt à agir contre une autorisation d'urbanisme.

Il y avait été précisé que le requérant n'est pas tenu d'habiter ou d'exploiter le terrain situé à proximité du projet contesté dont il est propriétaire pour que son recours en annulation soit jugé recevable. Toutefois, la seule proximité de ce terrain avec le projet n'est pas suffisante en elle-même pour caractériser son intérêt à agir. Il doit fournir la preuve que le projet porte une atteinte directe aux conditions de jouissance de son bien.

La décision intervenue le 3 avril 2020 s'inscrit dans la continuité de ces éléments. Elle apporte également une précision notable sur la notion d'urbanisation, dans le cadre de l'application de la loi Littoral.

Un propriétaire d'un terrain non construit, non occupé et non exploité, mais situé dans un espace remarquable, peut être recevable à agir contre un permis de construire

Le propriétaire d'un terrain non construit peut être recevable à former un recours contre une autorisation d'urbanisme si le projet est de nature à affecter directement les conditions de jouissance de son bien.

En l'occurrence, le Conseil d'Etat a retenu l'intérêt à agir du requérant s'opposant aux constructions autorisées alors même que le terrain dont ce dernier était propriétaire, situé à 100 mètres des projets, n'était ni construit ni occupé ni exploité.

Pour y parvenir, la juridiction a caractérisé son intérêt à agir dès lors que les constructions autorisées altéraient la qualité d'un site aux caractéristiques particulières, essentiellement naturel et identifié comme un espace remarquable au sens de la loi Littoral, site qui dans lequel étaient situés à la fois les terrains d'assiette des projets ainsi que les terrains du requérant.

Le Conseil d'Etat a retenu que cette altération était de nature à porter atteinte aux conditions de jouissance du bien du requérant.

L'appréciation retenue in concreto a été donc rattachée à la localisation et la qualité environnementale du bien détenu.

L'agrandissement d'une construction ne constitue pas une extension de l'urbanisation au sens des dispositions de la loi Littoral

En outre, dans le cadre de son appréciation des dispositions de la loi Littoral, le Conseil d'Etat apporte une précision importante portant sur l'extension des constructions existantes.

Il a considéré d'abord que deux des trois permis de construire contestés étaient illégaux. Il a relevé que les constructions autorisées, qui étaient donc situées dans un espace remarquable au sens des dispositions de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme alors en vigueur, n'étaient pas implantées dans une partie urbanisée de la commune.

Toutefois, pour le troisième permis de construire examiné, qui consistait en un agrandissement d'une habitation existante, le Conseil d'Etat a retenu que le projet ne devait pas s'analyser comme une extension de l'urbanisation au sens des dispositions de la loi Littoral.

Appliquant les dispositions désormais codifiées à l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme – extension de l'urbanisation limitée (Anciennement I de l'article L. 146-4 I du code de l'urbanisme), il a jugé que :

« Si, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu interdire en principe toute opération de construction isolée dans les communes du littoral, le simple agrandissement d'une construction existante ne peut être regardé comme une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions. »

Il a écarté, sur la base d'un raisonnement analogue, la méconnaissance des dispositions désormais codifiées à l'article L. 121-13 – extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (Anciennement II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme).

L'agrandissement en cause représentait environ 40 m2 d'une habitation d'une surface de plancher d'environ 100 mètres.

Florian Ferjoux
Avocat

Gossement Avocats