L'avant-projet de loi « relatif à l'accélération des énergies renouvelables » (ENR) est actuellement en cours de consultation publique. Celui-ci a en partie pour objectif de créer un cadre juridique pour la conclusion de contrats d'achat d'électricité de gré à gré entre un producteur d'énergies renouvelables et un consommateur final.

D'après les données de l'étude d'impact, les volumes signés/annoncés de PPA pour les nouvelles installations ont été, pour ces dernières années, compris entre environ 160MW en 2019 et 330 MW en 2021, pour une puissance installée totale d'environ 59 000 MW pour les énergies renouvelables en France. Cette tendance à la hausse devrait s'accélérer avec une clarification du cadre juridique de la fourniture d'électricité en vente directe très attendue par les acteurs des ENR et les entreprises consommatrices afin de sécuriser le recours à ce type de contrats.

Eléments de définition. L'avant-projet de loi ne donne pas de définition du contrat d'achat d'électricité en vente directe. L'étude d'impact indique qu'il s'agit de contrats d'approvisionnement de long terme d'électricité conclus avec des consommateurs finals, hors mécanisme de soutien, entendu comme les mécanismes de soutien de l'Etat (à savoir le tarif d'achat et le complément de rémunération). Ce sont des contrats de droit privé, de gré à gré, conclu entre un producteur d'ENR et un consommateur final. Ces contrats sont pour l'heure uniquement encadrés par les règles de droit privé.

I. Sur les principaux apports de l'avant-projet de loi en matière de contrats d'achat d'électricité (PPA)

Pour mémoire, les contrats PPA sont des contrats de fourniture d'électricité. A ce titre, ils sont régis par les directives et règlements de l'Union européenne dits « Paquets électricité » dont la directive (UE) 2019/944 du Parlement et du Conseil du 5 juin 2019 relative aux règles communes pour le marché intérieur de l'électricité. L'article 2 de la directive définit la « fourniture » comme « la vente, y compris la revente, d'électricité à des clients » et le « contrat de fourniture » comme « un contrat portant sur la fourniture de l'électricité à l'exclusion des contrats dérivés sur l'électricité ». En la matière, la directive fixe principalement les principes de libre choix du fournisseur pour le client final, et de liberté de détermination du prix par les fournisseurs. Les contrats PPA s'inscrivent donc dans ce contexte européen.

  • 1.1. Le cadre juridique de la vente directe d'électricité en droit français

En droit interne, l'activité de vente directe d'électricité n'est pas encadrée par le code de l'énergie. A cet égard, la principale mesure apportée par l'avant-projet de loi est de clarifier, au niveau législatif, les conditions dans lesquelles l'activité de vente directe d'électricité va être assujettie aux dispositions de l'article L.333-1 du code de l'énergie, qui encadrent l'activité d'achat pour revente.

L'article L.333-1 du code de l'énergie prévoit, en sa version actuelle, que les fournisseurs qui souhaitent exercer l'activité d'achat d'électricité pour revente aux consommateurs finals, ou à des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes, doivent être titulaires d'une autorisation délivrée par l'autorité administrative. Cette autorisation est délivrée sous certaines conditions, notamment en fonction des capacités techniques, économiques et financières du demandeur, et de la compatibilité de son projet avec les obligations pesant sur les fournisseurs d'électricité. Les articles R.333-1 et suivants du code de l'énergie précisent le contenu du dossier de demande d'autorisation ainsi que les obligations d'information à l'égard des consommateurs.

L'article 18 de l'avant-projet de loi prévoit de soumettre aux mêmes obligations les producteurs d'électricité souhaitant conclure un contrat de vente directe d'électricité avec un consommateur final ou un gestionnaire de réseau pour leurs pertes. L'activité de vente directe sera donc, si ce texte entre en vigueur, soumise à autorisation administrative, et les producteurs d'ENR devront remplir les mêmes obligations que les fournisseurs.

L'avant-projet de loi prévoit toutefois une exception à ce principe. Il précise que, par dérogation, les parties d'un contrat de vente directe d'électricité pourront convenir, avec un titulaire de cette autorisation et désigné dans le contrat, qu'il assure, par délégation, les obligations pesant sur les fournisseurs d'électricité. Le projet de texte indique que cette convention peut être conclue à titre onéreux (cf. article L.333-1 du code de l'énergie en sa version modifiée par le l'avant-projet de loi).

Ainsi, si cette modification est entérinée, les producteurs souhaitant conclure des contrats de vente directe d'électricité devront donc :

  • §Soit obtenir l'autorisation administrative,
  • §Soit contracter avec un titulaire de cette autorisation, par exemple un fournisseur déjà autorisé, pour qu'il assume, pour le compte du producteur, les obligations incombant aux fournisseurs.

Cette disposition n'étant pas encore en vigueur, elle n'est pas susceptible de s'appliquer aux projets lauréats des appels d'offres en cours, même s'il est exact que les cahiers des charges peuvent être modifiés sous certaines conditions (articles R.311-27-12 et suivants du code de l'énergie).

Les cahiers des charges ont en effet été récemment actualisés à l'initiative du ministre chargé de l'énergie. La Commission de régulation de l'énergie a publié, le 30 août 2022, une version adaptée de l'ensemble des cahiers des charges des appels d'offres dit « CRE 4 » et « PPE 2 ». Cette mesure exceptionnelle liée à la crise énergétique est destinée à permettre la mise en service rapide des 6 GW de projets de production renouvelable lauréats de ces appels d'offres. Les lauréats pourront demander l'application des nouvelles conditions à compter du 1er septembre 2022. Ces modifications sont applicables aux appels d'offres en cours. Par exemple, pour les appels d'offres 2016/S 148-268152 portant sur les centrales photovoltaïques au sol, le chapitre 7.1 des cahiers des charges pour les périodes 1 à 3 et 4 à 10 est modifié de façon à permettre l'injection d'électricité sur le réseau avant la prise d'effet du contrat et rémunérée hors contrat (et sans complément de rémunération) jusqu'au premier mois suivant la date limite d'achèvement.

S'il apparaît que les cahiers des charges modifiés permettent d'ores et déjà la vente d'électricité sur le réseau hors contrat d'achat ou complément de rémunération :

  • §Cette vente de gré à gré est limitée à une période déterminée (jusqu'au premier mois suivant la date limite d'achèvement) ;
  • §Elle s'effectue bien au moyen d'un contrat d'achat d'électricité de type PPA mais pas selon les conditions prévues dans l'avant-projet de loi puisque la vente directe d'électricité n'est pas encore encadrée par le code de l'énergie ;
  • §Il ne s'agit pas d'une offre mixte complément de rémunération/PPA mais une possibilité d'injecter l'électricité sur le réseau avant la prise d'effet du contrat ou du complément de rémunération.

1.2. Sur les mesures en faveur des sociétés de capitaux ayant pour objet la conclusion de contrats d'approvisionnement de long terme d'électricité

D'après l'exposé des motifs de l'avant-projet de loi, le Gouvernement indique qu'il a pour objectif « de redévelopper, pour les énergies renouvelables, des contrats comparables au contrat « Exeltium » conclu il y a dix ans afin de partager la compétitivité du parc nucléaire existant avec les acteurs industriels et de développer un marché de contrats de long terme décarbonés (…) tout en prévoyant des dispositions d'adaptation de ce contrat qui visent, dans un objectif d'intérêt général de préservation de la compétitivité industrielle et de l'approvisionnement décarboné d'industries critiques, à permettre d'en sécuriser l'équilibre économique ».

Le contrat « Exeltium » est un contrat signé entre EDF et Exeltium, une société regroupant des industriels électro-intensifs, à la suite d'une initiative des pouvoirs publics lancée en 2005, et permettant d'approvisionner en électricité les industriels du groupement pendant vingt-quatre ans. Cet objectif ambitieux serait donc transposé aux ENR.

A ce titre, l'article 18 de l'avant-projet de loi propose de modifier l'article 238 bis HW du code général des impôts. Cet article expose, dans sa version actuelle, les conditions de délivrance de l'agrément, prévu à l'article 238 bis HV du même code, aux sociétés de capitaux dont l'activité consiste à acquérir des contrats d'approvisionnement de long terme d'électricité. Ces conditions concernent notamment la durée des contrats permettant de réserver des droits à la consommation d'électricité (qui ne peuvent être inférieurs à quinze ans), la composition et le montant du capital de la société, ou encore les modalités de cession des droits à la consommation.

L'avant-projet de loi propose d'ajouter une condition supplémentaire à la délivrance de cet agrément, à savoir que les contrats d'approvisionnement devront être conclus exclusivement avec EDF ou avec des producteurs d'électricité renouvelable, tels que l'opérateur du projet, les charges financières, les actifs et les revenus se situent tous dans l'Union européenne. Est également modifiée la liste des conditions cumulatives que doivent remplir les sites de consommation d'un associé de la société de capitaux pour la cession de droits à la consommation pendant la durée du contrat.

Par ailleurs, le IV de l'article 18 de l'avant-projet de loi prévoit la possibilité, pour le ministre chargé de l'énergie, de fixer, pour les contrats d'approvisionnement à long terme d'électricité conclus avant le 1er janvier 2015, des nouvelles conditions d'indexation du prix de cession de l'électricité aux prix de marché ou d'ajustement financier à la baisse, sur demande motivée de l'un des cocontractants et sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie, si les conditions d'indexation sont de nature à compromettre la viabilité économique d'une des parties au contrat, sous réserve que ce cocontractant ait pris toutes les mesures de redressement à sa disposition.

Enfin, l'avant-projet de loi contient également un certain nombre de mesures fiscales incitatives, notamment la reconduction des déductions fiscales (amortissement de 50%) pour les sommes versées en numéraire pour la souscription au capital des sociétés de capitaux agréés dont l'activité consiste en la conclusion de contrats d'approvisionnement de long terme d'électricité, quelle que soit la date de la souscription, et non plus uniquement pour les souscriptions effectuées avant le 1er janvier 2012 (cf. article 238 bis HV du code général des impôts en sa version issue de l'avant-projet de loi).

1.3. Sur la possibilité de proposer des offres mixtes complément de rémunération/PPA

Afin de favoriser le développement des contrats PPA, l'article 18 de l'avant-projet de loi envisage de modifier l'article L.311-12 du code de l'énergie. En sa version actuelle cet article permet aux lauréats des appels d'offres de bénéficier soit d'un contrat d'achat, soit d'un complément de rémunération pour l'électricité produite. Il ne prévoit pas l'hypothèse de la vente directe d'une partie de l'électricité produite par le biais d'un contrat de gré à gré avec un consommateur final.

L'article 18 de l'avant-projet de loi propose de modifier l'article L.311-12 du code de l'énergie en permettant au lauréat de bénéficier du contrat d'achat ou du complément de rémunération pour « tout ou partie » de l'électricité produite. Ce qui signifie qu'une partie de l'électricité produite pourra être vendue de gré à gré. L'objectif recherché est de permettre la soumission d'offres mixtes combinant la vente de l'électricité en partie en contrat d'achat/complément de rémunération, et en partie en contrat PPA.

Si l'avant-projet de loi est adopté – selon les termes de sa version actuelle – les futurs appels d'offres devraient permettre ces offres mixtes complément de rémunération/PPA.

II. Sur les autres mesures permettant de financer le développement des ENR

Au-delà du strict cadre des PPA, l'article 18 prévoit des mesures transversales permettant de financer le développement des ENR. Parmi ces mesures, il est possible de citer l'élargissement du nombre de bénéficiaires des primes à l'investissement en guichets ouverts.

En effet, l'article 18 de l'avant-projet de loi envisage de modifier l'article L.314-4 du code de l'énergie relatif aux conditions d'achat de l'électricité pour les installations visées à l'article L.314-1 du code de l'énergie, à savoir les installations éligibles à l'obligation d'achat ou au complément de rémunération en guichet ouvert.

Dans sa version actuelle, l'article L.314-4 alinéa 6 du code de l'énergie permet aux producteurs de ces installations, qui consomment tout ou partie de l'électricité produite, de bénéficier, au titre des conditions d'achat, d'une prime tenant compte des coûts qui ne sont pas couverts par la vente, à l'acheteur, de l'électricité non consommée par le producteur.

L'article 18 de l'avant-projet de loi propose de modifier ce sixième alinéa de la manière suivante : « les conditions d'achat peuvent comprendre une prime tenant compte des coûts qui ne sont pas couverts par la vente à l'acheteur de l'électricité » et supprime toute référence à l'autoconsommation d'une partie de l'électricité produite. Ainsi, toutes les installations éligibles pourront a priori bénéficier de cette prime pour les frais non couverts par la vente, en plus du tarif d'achat ou du complément de rémunération, même si elles ne consomment pas tout ou partie de leur production.

L'objectif de cette mesure, mentionné dans l'étude d'impact est « d'étendre la possibilité de cette prime dans le cas de toutes les installations photovoltaïques, par exemple pour favoriser les panneaux présentant un bilan carbone plus bas que la moyennepanneaux bas-carbone »).

Cette mesure pourrait toutefois être précisée s'agissant des conditions d'éligibilité à la perception de la prime.

En conclusion, l'avant-projet de loi pour relatif à l'accélération des énergies renouvelables présente ainsi un certain nombre de mesures destinées à créer un cadre juridique nécessaire au développement de la vente directe d'électricité au moyen de contrats de gré à gré, ainsi que des mesures incitatives à l'investissement dans les projets d'ENR. Certaines questions restent toutefois en suspens, comme la possibilité pour les collectivités publiques de conclure des contrats d'approvisionnement de long terme d'électricité et leur articulation avec les règles relatives à la commande publique. Il est certain que cette base de travail fera très probablement l'objet d'amendements avant son adoption définitive.


Céline Ciriani

Avocate