Le projet de loi « Climat et Résilience » a été adopté, en première lecture, par l'Assemblée nationale le 4 mai 2021. Il comporte plusieurs nouvelles dispositions destinées à compléter le cadre juridique des allégations environnementales. Dans ce contexte, le risque juridique et extra-juridique relatif à l'écoblanchiment ("greenwashing") est de plus en plus important. Il doit être étudié, identifié pour être mieux prévenu et maîtrisé.

Introduction

De plus en plus d'entreprises souhaitent identifier, prévenir et maîtriser le risque relatif aux allégations environnementales qu'elles formulent de plus en plus souvent. La communication verte, sous toutes ses formes, est, en effet, de plus en plus soumise au respect du droit. Celui-ci a été récemment augmenté - ou va l'être - de plusieurs dispositions nouvelles qui encadrent la formulation et la diffusion de ces allégations.

L'objet de la présente note n'est pas de présenter l'ensemble des nouvelles mesures qui intéressent les allégations environnementales mais plutôt de souligner les principales évolution en cours du droit et du quasi-droit.

Sur l'évolution du droit de la consommation

Le projet de loi Climat et Résilience, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, comporte plusieurs modifications des dispositions du code de la consommation relatives à la définition des pratiques commerciales trompeuses et aux sanctions afférentes.

En premier lieu, l'amendement n°5283, figurant à l'article 4 bis A du projet de loi, prévoit de modifier l'article L. 121-2 du code de la consommation comme suit (dispositions soulignées) :

« Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :
1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;
2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :
a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;
b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation, son impact environnemental et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;
c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;
d) Le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation ;
e) La portée des engagements de l'annonceur, notamment en matière d'impact environnemental du bien ou du service, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ;
f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;
g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;
3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n'est pas clairement identifiable ».

Cet amendement explicite la définition des pratiques commerciales trompeuses pour y intégrer la référence à la protection de l'environnement. Ainsi, la mention de l'impact environnemental d'un bien ou d'un service, lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, constitue une pratique commerciale trompeuse.

En deuxième lieu, l'amendement et le sous amendement n°7312, figurant à l'article 4 bis B du projet de loi, proposent de modifier l'article L. 132-2 du code de la consommation de la façon suivante (dispositions soulignées) :

« Les pratiques commerciales trompeuses mentionnées aux articles L. 121-2 à L. 121-4 sont punies d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros.

Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit

Sans préjudice des deux premiers alinéas du présent article, lorsque la pratique commerciale trompeuse consiste à laisser entendre ou à donner l'impression qu'un bien ou un service a un effet positif ou n'a pas d'incidence sur l'environnement ou qu'il est moins néfaste pour l'environnement que les biens ou services concurrents, le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 80 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit. La sanction prononcée fait en outre l'objet d'un affichage ou d'une diffusion, soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique. La sanction fait également l'objet d'une diffusion sur le site internet de la personne morale condamnée, pendant une durée de trente jours».

Aux termes de ces amendements, l'écoblanchiment est qualifié de pratique commerciale trompeuse. Sur ce point, la disposition s'inspire de la définition apportée par la Commission européenne dans ses orientations concernant la mise en œuvre de la directive 2005/29 du 11 mai 2005. En outre, cette pratique devrait être sanctionnée par une amende rendue publique dont le montant peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 80 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit.

En troisième lieu, il convient de souligner que le juge s'est déjà prononcé sur la question de savoir si une allégation environnementale peut constituer une pratique commerciale trompeuse. S'il n'est pas fait expressément référence à la notion d'"écoblanchiment" dans le code de la consommation, cette pratique a déjà été sanctionnée par le juge au titre des pratiques commerciales trompeuses.

  • Par arrêt n°08-87.757 du 6 octobre 2009, la Cour de cassation s'est prononcée sur les allégations environnementales présentes sur les emballages du désherbant commercialisé par l'entreprise Monsanto, le Roundup.

Les éléments trompeurs concernaient notamment l'apposition d'un logo avec un oiseau et les mentions "respect de l'environnement", "propre", "efficacité et sécurité pour l'environnement". La Haute juridiction a ainsi confirmé le raisonnement des juges du fond, aux termes duquel « cette présentation élude le danger potentiel du produit par l'emploi de mots rassurants et induit le consommateur en erreur en diminuant le souci de précaution et de prévention qui devraient normalement l'inciter à une consommation prudente. » La société en cause a ainsi été condamnée au titre d'une pratique commerciale trompeuse.

  • Par ailleurs, lorsqu'une publicité comparative illicite constitue une pratique commerciale trompeuse, elle est sanctionnée par les mêmes peines. C'est en ce sens que s'est prononcé la Cour d'appel de Versailles, par un arrêt n°12/07604 du 19 septembre 2013.

Plus précisément, la publicité en cause présentait des capsules de café percées accompagnées du slogan « faites du gout, pas de déchets". Ainsi qu'une cafetière commercialisée par la société défenderesse avec le slogan « assurément la meilleure façon de faire du café".

La cour a jugé que la publicité ne reposait pas sur une comparaison objective. En effet, « la circonstance qu'une publicité puisse comporter une allégation environnementale comparative et qu'un annonceur puisse formuler une allégation environnementale relative à la gestion des déchets comme la volonté alléguée de la société X. de mettre en évidence un message de sensibilisation des consommateurs à l'environnement et à l'enjeu écologique lié à la diminution des déchets ne fait pas échapper la publicité litigieuse à l'obligation d'être objective dans la comparaison présentée ». Or, en suggérant que le goût du café commercialisé par la société Y était moins bon en raison d'une fabrication qui aurait un impact négatif sur l'environnement, la publicité a été jugée illicite et dénigrante car elle mettait « exclusivement en exergue dans la comparaison des produits, une caractéristique négative du système Y en le réduisant à la seule image de fabrication des déchets ».

Sur l'évolution du droit de l'environnement

  • L'article 13 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (dite « loi AGEC ») tend à améliorer l'information des consommateurs par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, sur leurs qualités et caractéristiques environnementales.

La loi a ainsi créé l'article L. 541-9-1 du code de l'environnement qui interdit aux producteurs et importateurs de produits générateurs de déchets de faire figurer sur un produit ou un emballage certaines allégations environnementales :

"Il est interdit de faire figurer sur un produit ou un emballage les mentions "biodégradable", "respectueux de l'environnement" ou toute autre mention équivalente".

Cette disposition entrera en vigueur le 1er janvier 2022 et un décret doit être publié prochainement pour préciser ses modalités d'application.

  • L'article 15 de la loi AGEC a mis en place une expérimentation pour évaluer les modalités de mise en œuvre de l'affichage environnemental. A son issue, un décret fixera la liste des catégories de produits pour lesquels cet affichage sera rendu obligatoire. Cet article a été complété par le projet de loi Climat et Résilience pour renforcer les mesures applicables à l'affichage environnemental.

L'article 1er du projet de loi Climat et Résilience précise que, pour les catégories de produits dont l'affichage aura été rendu obligatoire, le non-respect de cette obligation sera contrôlé dans des conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat:

« Pour les catégories de biens ou de services dont l'affichage a été rendu obligatoire en application du III, le non‑respect de cette obligation est contrôlé. Les modalités du contrôle sont déterminées par décret en Conseil d'État. »

L'article 1er du projet de loi comporte également une nouvelle mesure interdisant l'affichage d'un drapeau français sur l'étiquetage ou l'emballage de produit textiles :

« Dans le cas des produits textiles d'habillement, des chaussures ou du linge de maison neufs destinés aux particuliers, l'affichage d'un drapeau français bleu, blanc, rouge peut figurer sur le produit, sur son étiquetage ou sur son emballage seulement si ce produit a subi au minimum 100 % des étapes de fabrication mentionnées ci‑dessous en France :
« 1° La création ;
« 2° La filature ;
« 3° Le tissage ;
« 4° L'ennoblissement ;
« 5° La confection. (…) »

La loi AGEC, telle qu'elle devrait êre renforcée par le projet de loi Climat et Résilience, comportera ainsi de nouvelles dispositions à l'information environnementale des consommateurs.

Sur l'évolution de la "soft-law"

Les allégations environnementales sur les produits sont également susceptibles de faire l'objet d'un contrôle par l'édiction de règles relevant du quasi-droit (dit « soft law »). Ainsi, des guides et recommandations permettent d'encadrer leur usage.

  • Le Ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique a publié en 2014 un guide sur la pratique des allégations environnementales à l'usage des professionnels et des consommateurs.

Ce guide définit les conditions d'emploi de quinze allégations environnementales à destination des professionnels et des consommateurs. Il est un outil pour aider les entreprises à répondre aux exigences de l'affichage environnemental. En 2019, le Conseil national de la consommation a réuni un groupe de travail afin de mettre à jour le guide pratique des allégations environnementales. Une nouvelle version du guide pratique des allégations environnementales devrait donc paraitre prochainement.

  • L'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) a publié le 1er août 2020 une recommandation "développement durable ».

Cette recommandation contient neuf points permettant d'encadrer les campagnes de publicité lorsqu'elles se réfèrent à une notion proche du développement durable. Il s'agit alors de s'assurer que les professionnels de la publicité respectent les Objectifs du Développement Durable (ODD) et soient précis dans la présentation des actions et des propriétés des produits de leurs annonceurs.

Conclusion. Voici donc quelques unes des évolution en cours du droit interne et de la soft law. N'oublions pas que des travaux sont également en cours au sein des institutions de l'Union européenne qui auront prochainement pour effet de compléter le cadre juridique européen.

Ce risque juridique et de réputation relatif aux allégations environnementales doit être compris et identifié par tous les acteurs économiques et les juristes pour être correctement maitrisé. Notre cabinet est de plus en plus souvent sollicité sur ce disque. Son étude doit respecter plusieurs exigences dont les suivantes (liste non exhaustive) :

  • Il est tout d'abord indispensable de définir ce qu'est un risque et de le distinguer d'autres notions proches comme celles de danger ou d'impact.
  • Le risque doit également être classé en fonction de plusieurs critères, en fonction, par exemple, de sa nature, de son caractère avéré ou non, de sa fréquence, de son intensité, de la gravité des dommages susceptibles d'être créés en cas de réalisation du risque.
  • S'agissant de la nature du risque : le risque juridique ne doit pas être confondu avec le risque extrajuridique. Le risque juridique comprend le risque afférent à une décision de l'administration (décision de retrait ou d'abrogation d'un droit, mesure de police, sanction..) ou à une décision du juge (administratif, civil ou pénal). Le risque "extrajuridique" peut procéder du risque juridique ou en être autonome. Ainsi, le risque de réputation est généralement créé par l'audience d'une expression publique ou d'une campagne de communication dirigée contre une allégation environnementale
  • Il est ensuite nécessaire d'étudier le cadre juridique relatif à l'ensemble des allégations environnementales formulées par l'entreprise : droit positif, jurisprudence mais aussi "soft-law". Eu égard à l'instabilité du droit et à la production fréquente de nouvelles normes : un travail de veille juridique est requis.

Ce travail d'identification du risque et d'examen du droit applicable étant fait : reste à décider des mesures à prendre pour prévenir et/ou réduire le risque relatif aux allégations environnementales. Il peut s'agit de la production d'informations environnementales (plans, rapports..), de la réalisation des études permettant de justifier du bien fondé desdites allégations, de l'obtention d'un certificat ou d'un label, d'une réécriture des textes des différents supports de communication de l'entreprise, d'un travail de documentation ou d''archivage pour conserver la preuve de ce qui a été fait, de la décision d'acheter ou non un actif, etc .. etc..

Arnaud Gossement (associé),

Sophia Faddaoui (avocate)

Isabelle Michel (juriste)