La ministre de la transition écologique vient de publier une instruction du 26 mai 2021 relative à la planification territoriale et l'instruction des projets éoliens. Cette instruction peut être consultée le site circulaires.gouv.fr. Présentation d'un texte qui ne modifie pas immédiatement l'état du droit mais annonce de possibles modifications à venir de celui-ci.

Résumé

La présente instruction a pour objet de développer la filière éolienne afin d'atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Elle comporte les éléments suivants :

  • Une cartographie non contraignante des zones favorables au développement éolien ;
  • Une charte nationale de bonnes pratiques susceptible d'être déclinée au niveau local ;
  • Une systématisation des pôles éoliens régionaux et départementaux ;
  • Le renforcement des informations relatives aux éléments à fournir dans l'étude d'impact ;
  • Le renforcement de l'appropriation des projets éoliens dits « citoyens » ;
  • La création d'un portail en ligne permettant le suivi national des projets éolien.

Si cette instruction encourage le développement de la filière éolienne et ne comporte pas de disposition modifiant l'état du droit, elle est susceptible d'annoncer de futures chartes locales de bonnes pratiques.

Contenu

I. Sur la cartographie des zones favorables

Pour rappel, la circulaire du 26 février 2009 relative à la planification du développement de l'énergie éolienne terrestre, dite "circulaire Borloo", prévoyait déjà que l'Etat identifie, à l'échelle régionale, les zones dans lesquelles les parcs éoliens devaient être préférentiellement construits.

La loi « Grenelle II » du 12 juillet 2010 a ensuite créé le Schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie (SRCAE) englobant le Schéma régional éolien (SRE). Le SRE définit les parties du territoire régional favorables au développement de l'énergie éolienne et peut comporter des documents cartographiques dont la valeur est indicative. A noter que l'ordonnance n°2016-1028 du 27 juillet 2016 institue un régime de transition permettant la disparition progressive du SRCAE au profit du Schéma régional d'aménagement de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET).

En premier lieu, par la présente instruction, la ministre de la transition écologique demande aux préfets de région de mener avec l'appui de la DREAL un travail de « cartographie des zones favorables au développement de l'éolien en vue d'atteindre des objectifs de la PPE ». Dans ce cadre, les élus du territoire et les parties prenantes telles que les associations environnementales doivent être consultés. La cartographie repose sur des données objectives et existantes. A cette fin, des éléments méthodologiques pour son élaboration seront fournis.

En deuxième lieu, la cartographie n'est pas juridiquement contraignante. Elle ne peut donc fonder une décision de refus d'un projet éolien. Toutefois, il convient de relever qu'elle pourra être prise en compte lors des mises à jour du SRADDET. Or, le SRADDET doit être décliné dans les documents locaux de planification (PCAET, SCOT, PLU et PLUi). Aussi, ces documents devront prendre en considération cette cartographie.

En troisième lieu, l'article 22 du projet de loi « Climat et Résilience » prévoit une déclinaison régionale des objectifs de la PPE. Plus précisément, le décret fixant les objectifs régionaux devrait être pris à compter de la première révision de la PPE qui suit le 1er janvier 2023.

Dans l'attente de cette déclinaison, la cartographie peut viser l'atteinte « soit de l'objectif éolien du SRADDET en vigueur, soit d'une augmentation de la puissance éolienne de la région égale à 1/12e de l'augmentation de la puissance éolienne prévue par la PPE entre 2021 et 2028, en retenant la plus élevée de ces deux valeurs ». Toutefois, si des considérations locales le justifient, un objectif différent pourra être pris en compte.

II. Sur la mise en place d'un pôle éolien dans chaque département ou région

Pour mémoire, les préfets de département et de région peuvent d'ores et déjà constituer un "pôle éolien" afin de renforcer la coordination et la concertation entre l'Etat et les développeurs de projet éoliens. La ministre de la transition écologique souhaite généraliser ces pôles éoliens dans chaque région, voire dans les départements "selon l'organisation privilégiée au niveau local". L'objectif étant de favoriser l'accompagnement des projets par les services de l'Etat en amont et d'identifier les freins et bonnes pratiques sur chaque territoire. A noter que l'examen des projets par le pôle éolien ne préjugera pas des « décisions qui viendraient à être donnés par la suite officiellement ».

III. Sur la charte nationale de bonnes pratiques et de renforcement de la concertation

L'instruction indique qu'une "charte nationale de bonnes pratiques", rédigée avec les syndicats professionnels de la filière, est en cours de finalisation. Ces bonnes pratiques s'adressent principalement aux développeurs des projets éoliens.

Parmi elles figurent notamment la consultation des pôles éoliens ; le fait de solliciter l'avis de la commune d'implantation du projet ; le fait de concerter les habitants, les élus, les associations de protection de l'environnement ou encore de mener une étude de faisabilité en amont de l'étude d'impact. Par ailleurs, la ministre de la transition écologique précise qu'une bonne pratique n'est pas une obligation. Ce faisant, la charte "ne fera pas nécessairement l'objet d'une formalisation particulière". Reste que le juge a déjà pris en compte une "charte" dans son appréciation des éléments portés à sa connaissance. Il serait imprudent que ce type de "soft law" est absolument neutre en obligations.

Enfin, les collectivités pourront décliner la charte nationale en chartes locales « signées pour chaque projet entre le développeur et la collectivité, afin de réaffirmer les principes de la charte nationale et de préciser des modalités de concertation adaptées au contexte local si cela s'avère pertinent ».

Si l'initiative est louable, ces chartes locales pourraient alourdir les procédures. Il existe un précédent : les chartes locales prises en matière d'urbanisme ont fait l'objet de critiques de la part des porteurs de projets qui constataient une complexification des procédures associées.

IV. Sur l'instruction des projets au regard des objectifs de protection de l'environnement et des paysages

L'instruction précise que « le guide d'étude d'impact à destination des services instructeurs » a été révisé afin d'améliorer la prise en compte des enjeux environnementaux locaux lors de l'instruction des projets éoliens. La ministre de la transition écologique souhaite ainsi renforcer l'information des porteurs de projets sur les éléments à fournir dans l'étude d'impact. Ici aussi, on peut s'interroger sur la nécessité d'inviter l'administration a observer le respect de certaines règles plutôt que d'autres, l'étude d'impact étant un tout qui doit être apprécié globalement en proportion avec le projet considéré.

V. Sur le renforcement de l'appropriation locale des projets éoliens

La question de l'acceptabilité des sources d'énergie renouvelable est régulièrement posée. Pour mémoire, l'ordonnance n°2021-236 du 3 mars 2021 transpose certaines dispositions de la directive (UE) 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables. Dans ce cadre, la définition des « communautés d'énergie renouvelable » a été complétée au sein du code de l'énergie. En outre, les "communautés citoyennes énergétiques" ont nouvellement été définies dans ce code.

  • D'une part, l'instruction indique que l'Etat fera évoluer ses dispositifs de soutien à la filière éolienne pour soutenir les projets dits "citoyens" impliquant la participation des citoyens et des collectivités au financement et à la gouvernance des projets éoliens.
  • D'autre part, la ministre annonce qu'elle rendra « dans les prochains mois » opérationnels les dispositifs de communautés d'énergie renouvelable et de communautés énergétiques citoyennes.
  • Enfin, d'ici un an, la ministre devra lancer « un plan d'action pour favoriser le développement des projets EnR à gouvernance locale ».

VI. Sur le renforcement de l'information du public

Un portail en ligne permettant le suivi national des projets éoliens en développement et en exploitation sera accessible à tous. A cet égard, un numéro unique d'identification sera attribué à chaque projet pour faciliter leur suivi.

En définitive, il est demandé aux préfets de département et de région d'adresser à la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) et à la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), chaque année avant le 1er juin, un état des lieux du nombre et de la puissance des autorisations en cours d'instruction, délivrées, rejetées et refusées, ainsi que, le cas échéant, le motif principal des refus.

Isabelle Michel

Juriste – Gossement Avocats